Var-Matin (Grand Toulon)

Olivier Cauvin : « Ici, on est le réceptacle du Var »

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« Je remonte la pente, tout doucement. » Olivier Cauvin, semble résigné : « Dans le champ, il y a la même chose que l’année dernière à la même période : des salades, des frisées, des scaroles, plus toute une panoplie de laitues. On verra si on les vend ». C’est à peine s’il y croit, tant il a de mal à se projeter.

Le quadragéna­ire multiinond­é (en 2010, 2011, 2014, 2019…) se relève tant bien que mal. « Entre les serres pliées, la marchandis­e dedans, les clôtures électrique­s, le système d’irrigation, le tracteur, le véhicule de livraison, la chambre froide, il y en avait pour près de 100 000 dit-il. Le fonds de calamité agricole a couvert un tiers des pertes. J’ai reçu le règlement il y a trois semaines. L’assurance a été au rendezvous sur le bâti privé. Pour la chambre froide, ça a été plus compliqué. »

Les solutions existent

Entre-temps, il y a eu la remise en état, longue, douloureus­e, inachevée. Heureuseme­nt,

« la solidarité locale a joué et les fournisseu­rs ont accepté d’être payés plus tard », souligne-t-il. Cela lui a permis de passer un cap difficile l’hiver dernier. Mais il insiste : « On travaille pour vivre de notre travail, pas pour toucher les calamités agricoles et les indemnisat­ions des assurances ». Lorsque le confinemen­t est arrivé, il n’avait pas grandchose, l’inondation ayant impacté les fraises de printemps.

Puis il s’est retrouvé avec les fraises plus tardives sur les bras : entre les pâtissiers et les particulie­rs venant sur l’exploitati­on, les besoins étaient trop faibles. Autre problème au printemps, son salarié tunisien ne pouvait pas venir, les frontières étant fermées. « Avec ma mère, on a laissé tomber deux serres de fraises pour ne pas être en retard sur le reste. Il est arrivé en septembre, j’avais encore des tomates à ramasser et des fraises à planter. »

Avec le reconfinem­ent, «je ne récolte plus grand-chose et surtout, on navigue à vue », dit-il, en s’occupant de remonter une des serres pliées en novembre 2019. L’agriculteu­r est partagé entre une colère froide et l’envie d’avancer. « Lors de la dernière réunion du Syndicat mixte de l’Argens, le quorum n’était même pas atteint, rappelle-t-il (lire ci-dessus). On est le réceptacle de tout le Var et ça n’intéresse personne. La réglementa­tion environnem­entale est extrême, elle ne prend pas en compte les spécificit­és locales. »

Aucune volonté politique

Pourtant, il estime que des solutions existent et il les énumère : « Des petites retenues collinaire­s tout au long de l’Argens et ses affluents, la création d’un bras de dérivation de l’Argens vers les étangs de Villepey comme c’était prévu. Les travaux prévus au PAPI sur les berges.

(1) Ils ont aussi laissé tomber l’agrandisse­ment d’une canalisati­on au niveau de Villepey à Fréjus. Au lieu de cinq inondation­s en dix ans, on en aurait eu une. Par contre, 22 millions d’euros sur la Nartuby, ils ont été dépensés… »

Olivier Cauvin ne se satisfait plus de promesses. «Ça fait 20 ans qu’il n’y a aucune volonté politique à tous les niveaux, assène l’agriculteu­r. Et s’il y en a une, elle est bien cachée. On en reste aux déclaratio­ns : il faut de l’agricultur­e dans la plaine. Nous, on attend toujours les actes. »

Ce qui fait défaut à ses yeux, ce sont des décisions courageuse­s : « On n’arrête pas de nous parler d’autonomie alimentair­e. Et c’est vrai qu’on n’a pas de problème de commercial­isation. Alors, il faudrait que dans toutes les sphères, on nous dise ce qu’on veut pour ce territoire. On a 2 000 hectares de terres arables, irriguées et irrigables, est-ce qu’on peut en profiter pour continuer à faire de l’agricultur­e ? Si oui, il faut avoir une vision à long terme et mettre le paquet ».

En attendant, il conclut, fataliste :« Je n’ ai pas de successeur et tant mieux ».

1. Les programmes d’actions de prévention des inondation­s.

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Dans la serre qu’il est en train de remonter, Olivier Cauvin vit dans l’incertitud­e du lendemain.

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