« Dimanche, je serai confiné »
Cette semaine, Alain Mahé ne conduira pas son dernier Rallye du Var. Si l’organisateur lâche les commandes, l’ancien copilote répond toujours pied au plancher. Accrochez-vous !
Quand on s’embarque dans une discussion avec lui, les yeux dans les yeux ou par téléphone, on le sait pertinemment : à tout moment, chaque virage, chaque réponse, peut décoiffer. Alain Mahé n’ouvre jamais le robinet d’eau tiède. La langue de bois, connaît pas ! « Depuis ce mercredi octobre où l’annulation est devenue inévitable, je sais qu’il fera grand beau temps les , et novembre », lâche bille en tête l’homme-orchestre du Rallye du Var. Lui qui, ces dernières années, avait parfois remué ciel et terre pour sauver des eaux sa course in extremis ne pouvait là que s’incliner face à la déferlante du coronavirus. Un véritable crève-coeur, d’autant plus qu’il devait tirer sa révérence en fin de semaine à Sainte-Maxime...
Alain, qu’avez-vous prévu de faire le week-end prochain ?
Écoutez, en temps normal, déjà, je ne prévois rien, ou pas grand-chose. Alors en ce moment, je vous laisse imaginer... Vendredi, samedi, dimanche, je serai confiné, voilà ! Mais je ne rongerai pas mon frein pour autant.
Sans le reconfinement, si l’on était resté sous le régime du couvrefeu, le Rallye du Var aurait lieu cette semaine ?
Oui. Fin octobre, juste avant l’annonce télévisée du président de la République, notre comité d’organisation avait acté la faisabilité de l’épreuve malgré deux contraintes majeures.
Lesquelles ?
D’abord, il fallait faire en sorte que tous les commissaires de route aient dîné et soient revenus à leur hôtel avant h. Nous avions donc modifié le timing de la course, en annulant une spéciale le vendredi après-midi puis en décalant celles du samedi. Quant à l’autre problème, il s’avérait plus épineux. La jauge de l’aire de départ et d’arrivée, à Sainte-Maxime, sur la promenade Simon-Lorière, était limitée à
personnes. On devait donc tirer un trait sur tous les espaces réceptifs, sur la conférence de presse, sur l’accès du public à proximité du podium. Bref, le Rallye du Var perdait son caractère convivial. La fête de fin de saison en bord de mer, comme j’aime le dire, elle tombait à l’eau...
Et côté concurrents ?
Le mois dernier, on avait
déjà reçu une centaine d’engagements. Ça se présentait très bien, comme d’habitude. Hyundai Motorsport souhaitait engager deux i WRC. Nul doute que nous aurions fait le plein en moderne et en VHC. Pour rester dans les clous, éviter la saturation, le rallye VHRS (l’épreuve de régularité pour véhicules historiques, ndlr) serait passé à la trappe.
Du coup, vous perdez beaucoup d’argent ?
On en perd un peu, mais il n’y a pas de quoi crier au scandale quand vous voyez toutes ces entreprises, tous ces commerces au point mort autour de vous. Nous savions d’entrée que le couperet de l’annulation pouvait tomber à tout instant. Donc, au rayon dépenses, on n’était pas partis à bloc tête baissée.
Question au copilote champion de France puissance jadis en compagnie de Bernard Darniche : le titre doit-il être décerné à l’issue de cette saison amputée de six manches ? Que Yoann Bonato soit couronné, franchement, ça ne me choque pas, vu qu’il a remporté haut la main les trois épreuves courues
(Le Touquet, Mont Blanc et Coeur de France) .Cenefut pas une grande saison, d’accord, mais personne ne peut dire qu’il s’agit d’un titre au rabais puisque personne n’a réussi à le battre ! Avec une telle avance, seul un chat noir obstiné l’aurait empêché de toucher au but. Tenez, la question figure justement à l’ordre du jour du prochain comité directeur de la FFSA (aujourd’hui en visioconférence).
Il paraît que vous allez lâcher les manettes de l’ASAC du Var et du Rallye du Var. Vous confirmez ? Absolument. , c’est ma dernière année aux commandes. Je ne briguerai pas un nouveau mandat lors de la prochaine assemblée générale élective, en décembre ou en janvier.
Pourquoi ?
Parce que le temps est venu de passer la main. Je dis que je vais le faire depuis des années. Nous y voilà ! Vous savez, je n’ai pas l’intention de tenir la barre du navire jusqu’à la fin de mes jours. Si je meurs sur le podium et que personne n’a les clés, on fait comment ?
Qui va prendre la suite ?
À l’assemblée générale de décider. Julien Borrel, l’un des deux vice-présidents, s’est porté candidat à ma succession. Il oeuvre au sein de l’organisation du Rallye du Var depuis suffisamment longtemps pour posséder les compétences requises. Ça fait trois ou quatre ans que ses responsabilités à mes côtés vont crescendo dans cette perspective.
Vous allez vraiment disparaître de la circulation ?
Je resterai membre de l’ASAC du Var. Je répondrai aux questions, je donnerai un renseignement, un coup de main, si besoin. Mais ne croyez pas que je vais travailler dans la coulisse. La vie m’a offert la chance de croiser des grands patrons : Jacques Cheinisse chez Alpine, Luca di Montezemolo chez Fiat, André Chardonnet chez Lancia, Jacques Régis à la Fédé (FFSA). Des gars que tout le monde écoute quand ils parlent. Par ailleurs, j’ai aussi été dirigé par des guignols. Tout cela pour vous dire qu’à ans, je ne me sens pas capable d’être un numéro . Sauf s’il y a une « pointure » audessus de moi.
Après plus de ans à la baguette, quel est votre plus beau souvenir d’organisateur ?
Les meilleurs souvenirs, ce sont les opérations montées pour promouvoir l’épreuve : la célébration des ans du titre mondial d’Alpine à Sainte-Maxime, la course cycliste sillonnant le golfe de Saint-Tropez à laquelle avaient pris part Alain Prost, Richard Virenque, Paul Belmondo et compagnie, les grandes soirées festives du début des années à Toulon, où l’on réunissait plus de personnes. Quand j’en ai pris les rênes, le Rallye du Var vivotait dans l’ombre du Critérium des Cévennes. Il a fallu se cracher dans les mains pour le faire grandir, pour changer son image.
Avez-vous été contacté récemment pour que le Var accueille la manche française du championnat du monde, oui ou non ?
Si la rumeur a couru, il n’y a jamais eu d’approche concrète, officielle. Pour avoir organisé l’édition du Tour de Corse, je connais bien le sujet. Or, je ne suis pas d’accord avec le montage actuel de la FFSA, autant sur le plan financier que sur celui des moyens humains. Depuis le passage en Alsace (de à ), j’estime que la Fédé place la barre trop haut. Moi, un Rallye du Var où il y a bornes de spéciales, je l’organise sans aucun salarié, uniquement avec des bénévoles. Et ça coûte Pour les kilomètres d’une course WRC, à mes yeux,
M suffit. Pas besoin de millions...
Bernard Darniche a-t-il bien fait de se déclarer candidat à la présidence de la FFSA ?
Sûrement pas ! La preuve : il a perdu l’élection. Et il a aussi perdu toute crédibilité selon moi.
C’est-à-dire ?
Bernard Darniche a été un grand pilote. Mais il n’a jamais lu un règlement de sa vie. Même quand il courait. Aujourd’hui, c’est un mordu de cyclisme. Il adore le vélo et il se fiche complètement du sport auto. Il s’en fout ! Il a repris une licence à la hâte en mai pour l’élection. Trop tard puisque les statuts prévoient qu’il faut être licencié depuis au moins six mois pour devenir président. Sa précédente licence, elle datait de . En fait, deux journalistes l’ont convaincu de se lancer dans cette aventure. Ils ont constitué une liste de bras cassés. Des pieds nickelés qui sont partis à la guerre sans munition dans leur fusil. La moindre des choses, quand on vise la tête d’une fédération, c’est de lire ses statuts, non ?
‘‘ Le temps est venu de passer la main ”
‘‘ Bernard Darniche a perdu toute crédibilité ”
Tout ce que dénoncent ces opposants est infondé ? Ah je ne dis pas que c’est faux ! Ni que c’est vrai... J’ai moi-même beaucoup de reproches à formuler à la Fédération, notamment au président de la commission de discipline. Je me bagarre souvent avec la Fédé. Mais de là à faire campagne pour Bernard Darniche, non ! Tout simplement parce que son affaire, elle ne tenait pas la route.