L’Îlot offre une seconde chance aux « invisibles »
Implantée à La Seyne depuis juillet dernier, l’association L’Îlot aide les jeunes entre 16 et 29 ans à se réinsérer dans la société. Un soutien crucial pour ces personnes au parcours difficile
Ils ont souvent connu le pire. « Un parcours scolaire difficile, des situations familiales complexes et bien souvent, ils ont été confrontés à la justice. » Le tableau est dressé par Véronique Etienne-Busmey, la responsable de l’antenne seynoise de l’association L’Îlot. Installée en juillet dernier dans le même bâtiment que le Caarud et l’AVAF, l’organisme accompagne huit jeunes. « Le premier objectif est de retirer tous les freins administratifs. Refaire une carte d’identité, une carte Vitale, faire les demandes d’aides et surtout, trouver un logement lorsque cela est nécessaire », précise la responsable.
Pas de jugement
Des démarches parfois difficiles pour ces personnes laissées en marge de la société. « Nous les accompagnons car ils n’ont pas été pris en charge par d’autres organismes, comme la mission locale, pôle emploi, ou le service de lutte contre le décrochage scolaire », explique Sandrine Gandrille, conseillère en réinsertion. Et pour avoir une chance de réussir, il faut empêcher tout tabou. « On les accueille tels qu’ils sont. Les stigmatiser ne mènerait à rien », appuie la conseillère. Alors, dans la salle d’entretien, pas question de se baser sur des préjugés.
Une aide précieuse
Parmi les huit jeunes accompagnés, « dont un mineur », il y a Christopher. « Je suis marié depuis 15 ans et j’ai deux petites filles », confie-til. Mais le jeune papa a perdu du temps. « J’ai fait de la prison. Plusieurs années. Je suis sorti il y a six mois et depuis, je rattrape le temps perdu. La prison, c’est une perte de vie », déplore-t-il. Bien qu’il soit sorti grâce à un programme de chantier extérieur, il n’a toujours pas retrouvé de travail. « Il faut que je nourrisse ma famille. Mais c’est compliqué. Il y a la Covid, mais c’est une excuse. J’ai envie de travailler, mais… » Un soupire révélateur. Le futur trentenaire semble perdu. « On avait trouvé une formation à Avignon dans la rénovation intérieure, intervient Sandrine Gandrille, mais il n’a pas voulu faire le déplacement. » Et le papa de répondre:« Je ne peux pas. Ça coûte trop cher. Et je dois nourrir ma famille. »
Un tremplin vers l’avenir
À côté de lui, Melinda écoute. Elle aussi a une famille. « J’ai un fils qui a deux ans et demi », souritelle. Et comme Christopher, son parcours a été compliqué. Elle n’en dira guère plus. Elle se réjouit de ne pas être« tombée dans l’extrême. » Aujourd’hui, la jeune femme bien apprêtée est sûre d’elle. « J’ai trouvé un travail en tant qu’agent d’accueil. Je commence en janvier. ». Une note positive, qu’elle complète : « L’association nous aide énormément. Ils nous reçoivent, nous suivent, ils sont accessibles. C’est rassurant, et ça nous redonne envie. » Reprendre confiance en soi, se fixer des objectifs, réussir, tels sont les enjeux de l’accompagnement proposé par la structure. Même si le chemin est parfois long.
« Quand on descend la pente, on ne la remonte jamais »
Leur parcours aurait pu être bien différent. « Si à vingt ans j’avais compris tout ce que je sais aujourd’hui, je n’aurais pas fait autant d’erreurs », affirme Christopher. Une vision partagée par Melinda. « Il y a beaucoup de jeunes
dans des quartiers qui auraient besoin d’aide. Ils sont dans un cercle vicieux avec des personnes qui ont de mauvaises influences. Ils tombent dans le trafic de drogue pour une paire de baskets », râle la jeune maman. « Mais ils ne s’en rendent pas compte. Ils sont entourés de personnes comme eux et ne voient pas la réalité. Là-bas, quand on descend la pente, on ne la remonte jamais. »
Soutenir les « invisibles »
Face à de telles situations, l’action de l’association devient cruciale. « On ne les lâchera pas sans rien », appuie Sandrine Gandrille. S’ils ne sont que huit à être aidés à La Seyne, le nombre ne saurait qu’augmenter. Ces « invisibles » que l’on ne croise pas, que l’on ne connaît pas ne sont pas des cas isolés. « Nous avons pour objectif d’accompagner une soixantaine de jeunes », précise Véronique Etienne-Busmey. Et comme Christopher et Melinda, ils ne seront plus laissés de côté.
«La prison, c’est une perte de vie.»
«Ils tombent dans le trafic de drogue pour une paire de baskets.»