« La vie sera moins belle »
Pédopsychiatre et proche de « Domi », Marcel Rufo évoque la disparition du Toulonnais, son profil et plus généralement la dépression qui peut guetter les sportifs à la fin de leur carrière
Quand ils se croisaient à Paris lors d’émissions de radio ou de télévision, ils se la jouaient « les Toulonnais à Paris », sourit Marcel Rufo. Le pédopsychiatre et le virevoltant ailier entretenaient une relation particulière. De par leurs origines varoises, mais pas seulement. Ils étaient même amis. Joint hier, Marcel Rufo a accepté d’évoquer la mémoire de « Domi », qui est mort mardi, mais aussi les épreuves que ce dernier a pu traverser tout au long de sa vie et notamment la perte de sa soeur qui l’a hanté toute sa vie.
Que pouvez-vous nous dire sur Christophe Dominici ?
Ce qui est notable chez lui, dans sa vie, c’est la perte de sa soeur durant l’adolescence. Cela a été très marquant, une blessure qui ne se soigne pas. Peu importe la carrière exceptionnelle qu’il a pu avoir, il traînait ça en lui. Il n’a jamais évacué cette douleur. Quand on perd un frère ou une soeur, c’est un peu une partie de soi qui s’échappe et de son enfance. Les blessures de son enfance ont marqué sa personnalité.
Vous qui étiez proche de « Domi », et de par votre spécialité, le sentiez-vous fragile ?
Je vais vous raconter une anecdote. Quand il est parti de Toulon, quelqu’un lui avait dit “tu ne feras pas carrière”. Il a montré par la suite avec boucliers et sélections de quoi il était capable. Il a fait un combat de faire carrière. C’était un vrai caractère.
Pensiez-vous qu’il puisse passer à l’acte un jour ? Nous avons partagé tant de moments de rires, il était toujours souriant, agréable et très « toulonnais ». On n’imagine jamais voir quelqu’un comme lui en arriver là, même s’il a traversé des périodes dépressives. Mais il avait lutté avec une grande force. Aujourd’hui, je suis profondément peiné. Il est de ces gens qui jalonnent nos vies. Et notre vie sera moins belle sans lui. Comme Gallion ou Champ, il est de ces idoles que l’on aurait aimé être.
La fin de carrière est souvent une épreuve pour les sportifs, était-ce le cas ?
Pour les sportifs de haut niveau avec une grande carrière, on parle de petite mort oui. Cette dépression revient également chez les gens qui prennent une retraite plus « classique », même si, pour eux, c’est à un âge plus avancé. J’ai par
exemple des amis chirurgiens qui ont très mal vécu leur retraite et qui ont été en grande déprime. Dans un cas comme dans l’autre, il y a une nécessité de soins.
Le suicide est-il récurrent chez les sportifs notamment ?
Si la dépression existe le passage à l’acte et au suicide ne concerne qu’une infime partie. Il y a deux périodes dans la vie où le risque de suicide est important : l’adolescence et chez l’homme de plus de ans, veuf. Chez beaucoup, il y a une peur de la vie, pas forcément de la mort.
L’échec de son projet à Béziers l’a-t-il marqué ? Il a été blessé par cette histoire. Quand cela s’est terminé, il s’est retrouvé isolé, alors qu’il s’était fortement investi. C’était lui qui comptait, pas les investisseurs.