Le retour des cigales
J’ai hâte de voir à quoi ressembleront les programmes présidentiels pour . Certains, à l’extrême gauche ou à l’extrême droite, seront sans grande surprise.
Un Benoît Hamon, par exemple, pourrait rebrandir, en passant beaucoup moins pour un rigolo cette fois, son concept de revenu universel. La crise est passée par là. À gauche, d’aucuns en déduisent même qu’on pourrait multiplier la dette à l’infini, tel un puits sans fond refilé de génération en génération, sans jamais nuire à quiconque. Ce n’est le credo ni d’Emmanuel Macron ni des Républicains, qui vont se trouver confrontés au même dilemme : assumer un ADN politique à contre-courant du moment ou se renier, au moins partiellement. En , si l’affaire Fillon n’avait fait valser l’élection cul par-dessus tête, la France semblait promise à une cure d’austérité budgétaire. Le désendettement était l’alpha et l’oméga dont Emmanuel Macron, de manière un poil plus discrète, était lui aussi un tenant. En , face à des soignants en colère, il l’assumait encore : «Iln’yapas d’argent magique. » Cela n’empêche pas l’argent tombé du ciel de pleuvoir à seaux depuis six mois. La Covid a rebattu les cartes et redonné du peps aux adeptes des politiques de relance. Certains vont jusqu’à raviver le vieux rêve de Keynes qui, en , envisageait que le progrès permettrait à l’homme de ne plus travailler que trois heures par jour en . On n’en est pas là ! Mais l’aspiration à un retour de l’État-providence – qui n’interdit pas de vitupérer contre les pesanteurs de la bureaucratie – est vivace. Face à cela, Les Républicains tentent de concilier un virage vers le souverainisme social avec la conviction que l’argent ne pourra longtemps se déverser en pluie fine. Et qu’il faudra donc, notamment, allonger la durée de cotisation et repousser l’âge légal de départ en retraite. Ce discours a le mérite de la cohérence. Il pourrait toutefois rebuter des Français légèrement sur les nerfs. Les crises mondiales à répétition ont, en effet, changé la donne. Le climat idéologique s’est infléchi et le libéralisme porte moins beau. Pour le chroniqueur économique François Lenglet, le cycle qui vient devrait mettre un frein aux excès capitalistes. Des patrons ont déjà commencé à baisser leurs revenus. À vrai dire, un plafonnement des salaires – ou une imposition encore plus forte – ne ferait pas de mal, quand des footballeurs gagnent en un mois ce qu’un smicard mettrait deux vies à engranger. La main de Dieu, comme dirait Diego, a parfois bon dos !
« Le climat idéologique s’est infléchi et le libéralisme porte moins beau. »