« Il inspirait fascination et crainte »
Le Var l’aurait certainement privé de son premier but mythique face aux Anglais en 1986, mais le département du même nom peut lui rendre hommage via Jean-Marc Ferreri et Luigi Alfano
L’annonce de la mort de Diego Maradona a engendré une onde de choc sur l’ensemble de la planète. Le séisme s’est ressenti jusqu’à l’avenue AristideBriand et Bon Rencontre, le fief du Sporting Club de Toulon. Et pour cause, le directeur sportif Azur et Or, Jean-Marc Ferreri, fait partie des rares joueurs français ayant affronté trois fois dans sa carrière Diego Maradona. Alors, les souvenirs sont vite remontés à la surface suite à la mort du « Pibe de Oro », mercredi.
Retour dans le passé. En 1988, le 23 novembre pour être précis, le stade Lescure, antre des Girondins de Bordeaux, s’enflamme car le SC Napoli vient défier la troupe d’Aimé Jacquet en 1/8e de finale de la coupe UEFA. À l’époque, les Bordelais s’inscrivent en habitués de la scène européenne avec deux demi-finales au compteur, en 1985 (C1) et 1987 (C2). C’est dire s’il en faut pour impressionner Tigana et compagnie. Et pourtant… « Je me souviens d’une scène surréaliste », confie Jean-Marc Ferreri, titulaire avec le numéro 11 dans le dos. Il poursuit : « À la sortie du tunnel, avant le match, alors que les deux équipes sont alignées, Maradona arrive en dernier. Et là, ses dix coéquipiers se mettent à l’acclamer en hurlant “Diego, Diego”. Àcemoment-là, on comprend que l’on va affronter un joueur différent. D’ailleurs nous avions été tétanisés durant le premier quart d’heure. Il inspirait tout autant la fascination que la crainte… »
De l’électricité dans l’air…
Les Napolitains s’imposent 1-0 grâce à un but rapide de Carnevale (7e) et conservent leur avance au retour dans un stade San Paolo acquis à la cause du Dieu Maradona (0-0). D’ailleurs, personne n’arrêtera le SC Naples qui remportera la compétition dans le sillage de son meneur de jeu argentin.
Cependant, Jean-Marc Ferreri a aussi goûté aux joies de gagner face au « Pibe ». C’était juste avant la coupe du Monde 1986, au Parc des Princes, lors d’un match amical France-Argentine. « Nous l’emportons 2-0 et je marque le premier but de la tête, chose assez rare. Tout le monde parlait déjà beaucoup de Maradona. Il y avait un engouement exceptionnel autour de lui. Il n’avait pas réalisé un grand match ce soir-là mais dès qu’il touchait le ballon, il y avait de l’électricité dans l’air. C’était un phénomène. Sans doute le meilleur de l’histoire techniquement parlant avec un sens du dribble sans égal » se souvient Ferreri.
Son deuxième but contre l’Angleterre quelques mois plus tard, en quart de finale de la coupe du Monde au Mexique, l’illustre à merveille. Il élimine quatre défenseurs puis le gardien après une accélération de 50 mètres. Le premier but de la main traduisant davantage l’aspect mi-ange, midémon. Ce qui lui a collé à la peau toute sa vie. Peu importe, ce match fait basculer Maradona au rang de légende absolue. Quelques années après la guerre des Malouines, il rendait alors aux Argentins une fierté perdue…
Immortel à Naples
Comme à Naples, dès son arrivée en 1984. L’actuel coach du Sporting Club de Toulon, et Napolitain de naissance, Luigi Alfano le confirme. « Avant lui, c’était le quasinéant. Il a réussi l’exploit de challenger puis de dépasser la grande Juventus de Platini. À la fin des années quatre-vingt, j’avais assisté à un entraînement du Napoli devant 2000 spectateurs qui n’étaient là que pour lui. Maradona incarnait surtout la joie. Il ne faisait que chambrer. Le voir jongler était un spectacle hallucinant tant son rapport au ballon était fabuleux. À l’annonce de sa mort, j’ai été envahi par une grande tristesse », précise Alfano. Toutefois à Naples, comme ailleurs, son souvenir restera indélébile. « Je suis allé là-bas il y a deux ans, il est partout notamment sur la devanture d’un immeuble avec une peinture le représentant au sommet de sa gloire. Les gens l’ont adopté illico, car il correspondait parfaitement à la mentalité locale », conclut-il.
Proche d’un peuple qui se reconnaissait aussi dans ses excès, mais qu’il défendait bec et ongles face aux puissants. Avec la mort de Maradona, c’est chaque passionné de football qui a perdu une petite part de lui-même. Il symbolisait le football d’un autre temps, celui où l’inspiration et la technique supplantaient la condition physique et la tactique. Comme Ferreri ou Alfano nous étions fans du « Pibe de Oro ». Ciao Diego.