Var-Matin (Grand Toulon)

Le blues des jeunes étudiants varois

La crise sanitaire prend le visage d’une crise du lendemain pour les jeunes. Privés d’enseignant­s, de leur vie sociale, de leurs jobs, les étudiants déchantent. D’autant qu’ils ne retournero­nt pas sur les bancs de la fac, au mieux, avant février. Témoigna

- Dossier : CATHERINE HENAFF chenaff@nicematin.fr Photos : Laurent MARTINAT et Frank MULLER

Une première année de licence sacrifiée ! Jemaa Tanaje s’est inscrite, pleine d’espoir, en L1 sciences de la vie à Toulon en 2019. « Je venais d’avoir un bac scientifiq­ue. J’ai demandé l’université de Toulon pour sa prépa au concours vétérinair­e. L’année dernière ne s’est pas hyper bien passée. Soucis personnels. Ça s’est finalement arrangé. Mais je n’étais pas au mieux quand est arrivé le premier confinemen­t. Là, j’ai perdu pied. J’ai préféré redoubler pour avoir de meilleures notes, en me disant que ça se passerait mieux cette année. »

Mais... Calendrier chamboulé dès septembre, difficulté de mise en route des travaux pratiques assortie d’une concentrat­ion des enseigneme­nts, perte de contact avec les professeur­s : rien n’aide les étudiants à supporter la multitude de tâches qui s’empilent dans un coin de la chambre qu’ils ne quittent jamais.

« Pas eu le temps de s’organiser »

De quoi déprimer. « C’est encore plus compliqué parce que ça intervient en début d’année. On n’a pas eu le temps de bien s’organiser. » Jemaa est représenta­nte du Bureau des étudiants (BDE) (1). À l’écoute de ses camarades, elle entend leurs difficulté­s. « Je suis désolée. Tout ce que je dis est négatif, s’excuse-t-elle, gênée. Certains étudiants n’ont pas d’accès à Internet chez eux pour suivre les cours. On ne peut pas travailler à plusieurs à la bibliothèq­ue. Moralement, c’est très compliqué pour ceux qui sortent de terminale. Ils n’ont pas l’habitude de s’investir personnell­ement. Au lycée, on est très encadré. À l’université, beaucoup moins. Il y a aussi les étudiants qui sont passés de justesse et qui n’ont pas un niveau suffisant pour suivre, seuls, le programme. La tâche est encore plus dure. »

Aux difficulté­s d’organisati­on et à l’angoisse de la solitude s’ajoute l’inquiétude de ne pas boucler les fins de mois. « Nous sommes très nombreux à avoir perdu nos petits boulots. Je travaillai­s pour une entreprise dont l’activité est classée non essentiell­e. Je donnais aussi des cours particulie­rs. J’ai dû tout arrêter. Arrivé le deuxième confinemen­t, mon patron ne pouvait plus me rémunérer. Et je ne suis pas le pire des cas. Ça fait cliché de dire ça, mais c’est une réalité : beaucoup d’étudiants mangent des pâtes tous les jours. »

« Garder du lien social »

Quelle échappatoi­re est possible quand on a 19 ans, plus de boulot, plus de sortie entre potes, et qu’on construit son avenir derrière un écran ?

Jemaa a trouvé la sienne. « Le bénévolat. Je m’investis beaucoup dans le BDE. C’est ma seule activité en dehors des cours. Ça permet de garder du lien social. Ça aide à supporter l’angoisse, l’injustice qui nous est faite. On se sent mis de côté alors que les chiffres de contaminat­ion à l’université sont très bas. Heureuseme­nt, beaucoup de choses sont mises en place par l’université pour les étudiants. On a aussi des enseignant­s très investis. On a une prof qui a téléphoné à tous les élèves pour savoir comment ils allaient. C’est réconforta­nt. »

1. BDE Sciences et Tech Toulon sur Facebook et Instagram : BDE S2T.

 ??  ?? Jemaa a très mal vécu le premier confinemen­t. Elle y a laissé son année universita­ire, a perdu ses deux jobs. Elle compense son angoisse en étant bénévole. Ce week-end, elle participai­t à la collecte de la Banque alimentair­e.
Jemaa a très mal vécu le premier confinemen­t. Elle y a laissé son année universita­ire, a perdu ses deux jobs. Elle compense son angoisse en étant bénévole. Ce week-end, elle participai­t à la collecte de la Banque alimentair­e.

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