Le blues des jeunes étudiants varois
La crise sanitaire prend le visage d’une crise du lendemain pour les jeunes. Privés d’enseignants, de leur vie sociale, de leurs jobs, les étudiants déchantent. D’autant qu’ils ne retourneront pas sur les bancs de la fac, au mieux, avant février. Témoigna
Une première année de licence sacrifiée ! Jemaa Tanaje s’est inscrite, pleine d’espoir, en L1 sciences de la vie à Toulon en 2019. « Je venais d’avoir un bac scientifique. J’ai demandé l’université de Toulon pour sa prépa au concours vétérinaire. L’année dernière ne s’est pas hyper bien passée. Soucis personnels. Ça s’est finalement arrangé. Mais je n’étais pas au mieux quand est arrivé le premier confinement. Là, j’ai perdu pied. J’ai préféré redoubler pour avoir de meilleures notes, en me disant que ça se passerait mieux cette année. »
Mais... Calendrier chamboulé dès septembre, difficulté de mise en route des travaux pratiques assortie d’une concentration des enseignements, perte de contact avec les professeurs : rien n’aide les étudiants à supporter la multitude de tâches qui s’empilent dans un coin de la chambre qu’ils ne quittent jamais.
« Pas eu le temps de s’organiser »
De quoi déprimer. « C’est encore plus compliqué parce que ça intervient en début d’année. On n’a pas eu le temps de bien s’organiser. » Jemaa est représentante du Bureau des étudiants (BDE) (1). À l’écoute de ses camarades, elle entend leurs difficultés. « Je suis désolée. Tout ce que je dis est négatif, s’excuse-t-elle, gênée. Certains étudiants n’ont pas d’accès à Internet chez eux pour suivre les cours. On ne peut pas travailler à plusieurs à la bibliothèque. Moralement, c’est très compliqué pour ceux qui sortent de terminale. Ils n’ont pas l’habitude de s’investir personnellement. Au lycée, on est très encadré. À l’université, beaucoup moins. Il y a aussi les étudiants qui sont passés de justesse et qui n’ont pas un niveau suffisant pour suivre, seuls, le programme. La tâche est encore plus dure. »
Aux difficultés d’organisation et à l’angoisse de la solitude s’ajoute l’inquiétude de ne pas boucler les fins de mois. « Nous sommes très nombreux à avoir perdu nos petits boulots. Je travaillais pour une entreprise dont l’activité est classée non essentielle. Je donnais aussi des cours particuliers. J’ai dû tout arrêter. Arrivé le deuxième confinement, mon patron ne pouvait plus me rémunérer. Et je ne suis pas le pire des cas. Ça fait cliché de dire ça, mais c’est une réalité : beaucoup d’étudiants mangent des pâtes tous les jours. »
« Garder du lien social »
Quelle échappatoire est possible quand on a 19 ans, plus de boulot, plus de sortie entre potes, et qu’on construit son avenir derrière un écran ?
Jemaa a trouvé la sienne. « Le bénévolat. Je m’investis beaucoup dans le BDE. C’est ma seule activité en dehors des cours. Ça permet de garder du lien social. Ça aide à supporter l’angoisse, l’injustice qui nous est faite. On se sent mis de côté alors que les chiffres de contamination à l’université sont très bas. Heureusement, beaucoup de choses sont mises en place par l’université pour les étudiants. On a aussi des enseignants très investis. On a une prof qui a téléphoné à tous les élèves pour savoir comment ils allaient. C’est réconfortant. »
1. BDE Sciences et Tech Toulon sur Facebook et Instagram : BDE S2T.