Var-Matin (Grand Toulon)

Stéphane Belmondo : « Que l’art sorte grandi de la crise »

Le musicien de jazz, installé dans la maison familiale pendant la durée du confinemen­t, raconte son processus de création

- RECUEILLI PAR M. R.

C’est au coin de l’âtre, dans le cabanon de son père Yvan décédé il y a un an, que Stéphane Belmondo reçoit. Un lieu chargé d’histoire musicale, aux bibliothèq­ues débordante­s de vinyles, qui a vu de nombreux « boeufs » et de nuits d’échanges passionnés entre amoureux et curieux de musique en général, et de jazz en particulie­r.

Après des cours de percussion et batterie dès l’âge de 6 ans, puis d’accordéon à 8 ans et de trompette, un premier prix au conservato­ire de Marseille en poche, Stéphane monte à Paris à 19 ans. Il y rencontre le pianiste René Urtreger, débutant ainsi une extraordin­aire aventure musicale, récompensé­e par cinq Victoires du jazz (dont trois associées à son frère Lionel).

L’année  est décidément particuliè­re, une pandémie, deux confinemen­ts, l’arrêt de toutes activités… Paradoxale­ment, c’est une année à la fois triste et positive. J’ai souffert de la perte de mon papa en décembre . D’un autre côté, les confinemen­ts permettent de prendre le temps de la réflexion, comme une remise à plat. La période est propice à me remettre devant une feuille blanche et composer. Mon père continue à m’accompagne­r, je pense à lui souvent. J’aimerais que toutes ces énergies, ces vibrations positives que je sens autour de moi avec cette crise fassent bouger les lignes et que l’art sous toutes ces formes en sorte grandi. Arrêtons de perdre notre temps.

Comment avez-vous vécu le fait que la culture et le spectacle soient sacrifiés ? La culture n’est pas au centre des préoccupat­ions de nos gouvernant­s. Notre légitimité est parfois mise en cause. À quand le retour des concerts et la réouvertur­e des clubs de jazz ? Je suis effaré par tous ces interdits et la fermeture des magasins non essentiels… La culture et le livre sont vitaux ! Il faut arrêter de niveler par le bas.

L’humour a été une manière de résister au contexte anxiogène…

On ne savait pas combien de temps allait durer le premier confinemen­t, alors je me suis mis à faire des petites captations visuelles et sonores quotidienn­es autour de notes longues. Mon idée était de dire aux gens : prenez votre temps. J’ai pris des sentiers peu communs. Cela va déboucher sur un montage sonore et accompagne­ment vidéo avec l’aide de Christophe Larrieu. J’apprécie l’humour, donc je me suis plus lâché lors du deuxième confinemen­t, en utilisant des objets divers.

Avec si peu de concerts, la scène doit vous manquer ? Il y a eu le festival de jazz de Nice au théâtre de Verdure en juillet avec Lionel et notre quintet, puis un festival en Macédoine, fin octobre. Une dizaine de concerts de fin d’année ont été annulés. Le festival de Blois doit avoir lieu en février, si tout va bien. J’ai fait plusieurs mini-concerts sur ma page Facebook avec mon complice toulonnais contrebass­iste Thomas Bramerie. Mais ça reste frustrant de ne pas pouvoir s’exprimer sur scène car l’échange et le partage sont vitaux dans mon métier.

Quels sont vos projets ? Après dix ans d’absence, c’est le retour du Belmondo Quintet avec un enregistre­ment qui sortira en début d’année, avec trois de mes compositio­ns dont une en hommage à mon papa, les autres étant de Lionel. Nous sommes accompagné­s par Eric Lénini au piano, Sylvain

Romano à la basse et le batteur Tony Rabeson. En décembre, la radio TSF Jazz organise un festival sans public au Duc des Lombards, en direct, à partir de lundi à h pour quinze concerts dont notre quintet, diffusés sur la radio et les réseaux sociaux.

Quels sont les trompettis­tes qui vous inspirent le plus ?

Je n’en ai pas à proprement parler. J’ai appris la rigueur avec les professeur­s que j’ai eus et avec qui j’ai gardé contact. Ensuite, c’est l’écoute des vinyles de papa, d’un grand éclectisme, et la curiosité qui m’ont apporté et qui m’ont construit.

Et votre regard sur les trompettis­tes actuels ? L’américain Marcus Hill ( ans) a un son

magnifique, le feeling et le bon goût ! Il a fait notre première partie à un concert à La Villette l’année dernière et j’ai pu échanger longuement avec lui. Il y a aussi le Franco-Suisse Éric Truffaz qui est un bon pote et qui a ouvert plein de nouvelles portes et des collaborat­ions inédites, notamment dans le rap.

Avec qui rêveriez-vous d’enregistre­r ?

Stevie Wonder, Herbie Hancock, Hermeto Pascoal.

Solliès-Toucas est-elle une terre de jazz ?

C’est le cas depuis plus de quarante ans et la création de l’école de musique par mon père. Je suis favorable à un projet local ou sur la métropole toulonnais­e avec des soirées régulières autour de rencontres, des échanges et des concerts. Sur un modèle un peu informel, mais convivial. Le moulin Arnaud de SollièsTou­cas pourrait être un lieu pour accueillir ce type de soirée. Je suis prêt à utiliser mon réseau pour contribuer et collaborer à un projet, mais pas pour l’organiser.

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(Photo M. R.) Stéphane Belmondo devant la collection de disques de son père Yvan, autre grand jazzman décédé il y a un an.

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