« Rouvrir les stations de ski pour les fêtes »
La décrue de l’épidémie renforce l’optimisme et la détermination du président de la Région, qui espère toujours obtenir une ouverture plus rapide des stations de ski, voire des restaurants
L’acte IV des ateliers de Méditerranée du futur, l’initiative diplomatique lancée par la Région Sud en 2017, s’est tenu hier en format digitalisé, autour du thème de la résistance aux pandémies en Méditerranée de 1720 à aujourd’hui, de la peste à la Covid. Stéphane Bancel, P.-D.G. de Moderna, le professeur Didier Raoult, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, Stella Kyriakides, commissaire européenne à la Santé, étaient notamment de la partie autour du président de la Région, Renaud Muselier. Ce dernier nous a livré hier soir son état d’esprit, largement empreint d’optimisme…
Que vous a appris cette journée d’échanges sur les pandémies en Méditerranée ?
En , la grande peste dite de Marseille avait décimé % de la population en Provence. Nous avons eu des échanges très respectueux des différences et très enrichissants, compte tenu des compétences multiples qui étaient réunies. Quand vous passez de Hébron à Haïfa, d’Alger au Caire, vous avez des débats passionnants sur la gestion par les collectivités de leur population face à la crise.
Quels enseignements pratiques immédiats peut-on en tirer ? L’enseignement majeur est que tous ceux qui ont masqué et isolé très tôt ont gagné le match. Le cas de la Principauté de Monaco est significatif. Elle a opté pour le protocole Raoult très tôt, en testant, isolant, traitant, ce qui lui a permis de beaucoup mieux faire face que la France et l’Italie. Les Libanais qui, dans la région de Tyr ou de Jezzine, se sont complètement isolés, n’ont quasiment connu aucun cas. Les choix stratégiques ont eu des conséquences très importantes.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur Didier Raoult, après toutes les polémiques qu’il a suscitées ?
L’intérêt de ces ateliers de la Méditerranée du futur, c’était que les gens se parlent, s’écoutent, se respectent et échangent, loin de la polémique. Il s’agissait d’additionner les compétences pour trouver des solutions. Et ce rendez-vous, c’était un peu la gloire du Sud, quand même ! Il y avait Didier Raoult, qui apporte des traitements ; l’amiral Patrick Augier, le commandant des marins-pompiers de Marseille, qui a trouvé un dispositif permettant d’anticiper d’une semaine la déclaration des cas à partir des eaux usées et ainsi d’anticiper cluster par cluster, rue par rue ; et puis Stéphane Bancel, P.-D.G. de Moderna, un Marseillais lui aussi, qui nous amène un vaccin et nous a expliqué comment il a pu aller aussi vite, en faisant depuis dix ans des tests sur d’autres virus.
Stéphane Bancel vous a-t-il délivré un message optimiste sur la vaccination ? Il nous a expliqué notamment qu’on n’inocule pas le virus mais qu’on se sert de l’ARN, messager entre l’ADN et les molécules, pour une vaccination efficace. Il nous a détaillé aussi une méthodologie avec des patientèles à cibler et un calendrier de retour à la vie normale pour une population vaccinée. Pour lui, cette échéance sera pour la rentrée de septembre. Si l’on met tout cela bout à bout, l’avenir s’éclaire enfin. Entre Raoult, les tests salivaires, la détection des clusters grâce aux eaux usées, plus le vaccin derrière, si l’on respecte les gestes barrières, on va pouvoir recommencer à vivre presque normalement.
En Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez a promis de tester tous les habitants qui le souhaitent avant Noël. Est-ce prévu chez nous ?
Nous n’avons pas choisi la même stratégie. La nôtre est de tester les clusters. Nous avons commencé à vacciner cette semaine les étudiants dans tous les centres universitaires de la région, de manière à pouvoir les isoler et le soigner avant les fêtes de Noël, pour qu’ils ne contaminent pas leurs parents. Sachant que la courbe nationale et les projections s’effondrent, je suis réservé sur la stratégie de Laurent Wauquiez de tester la région entière. Parce que cela implique, pour être efficace, de dépister tout le monde en une semaine. C’est très compliqué sur une population de millions comme celle de sa région.
Pour la campagne de vaccination, vous préconisez de suivre le modèle allemand. À savoir que l’État paie les vaccins et que les régions assurent l’intendance, c’est ça ?
L’Europe a commandé les vaccins. Elle les ventile par pays et chaque pays s’organise. Les Allemands ont trois semaines d’avance, tant en ce qui concerne la logistique, le stockage, que l’organisation. Il faut donc faire un copié-collé à l’allemande, ce n’est pas la même d’inventer la machine à couper le beurre. La logistique doit être assurée soit par le ministère de l’Intérieur, soit par les armées. Les vaccins Pfizer doivent être conservés à - degrés. Les Länder allemands ont donc acheté des frigos pour les stocker et vacciner. Chez nous, les Régions souhaitent faire la même chose. Les Länder organisent la vaccination dans leurs départements et leurs villes et nous pourrons le faire de la même manière, en nous appuyant sur les ARS, nos maisons de santé, nos Ehpad et nos professionnels de santé. Cela nous permettra de travailler au plus près de nos populations, car la méthodologie de vaccination ne sera pas la même dans les Hautes-Alpes ou dans nos métropoles. La campagne doit se pratiquer de manière territorialisée, afin d’éviter les erreurs des masques, des tests, voire de la vaccination contre le virus HN la dernière fois. Les populations ne comprendraient plus de nouveaux errements.
Vous espérez encore une ouverture (avec remontées mécaniques) des stations de ski pour Noël ?
Je reste sur une logique de revoyure [le décembre, ndlr],
sur la base des chiffres qui nous ont été présentés pour confiner. Quand on regarde les projections, le passage sous le seuil des contaminations par jour, au niveau national, était prévu le décembre. Aujourd’hui [hier],
nous sommes déjà à . Le taux d’incidence est lui aussi tombé de à en dix jours.
Le taux de positivité est également tombé de % à % en dix jours. Enfin, la pression hospitalière est en régression de malades, tandis que les patients en réanimation sont de moins. La pression diminue partout, beaucoup plus vite que prévu. Du fait de ces chiffres, on doit pouvoir, avec des gestes barrières spécifiques, rouvrir les stations pour les fêtes. Je poursuis ce combat avec méthode.
Ce qui veut dire, dans votre esprit, que les restaurants pourraient eux aussi tout à fait ouvrir avant la fin de l’année ? Mon raisonnement vaut pour eux de la même manière. À la différence près que le ski se pratique en extérieur. On peut difficilement valider le sport en extérieur en ville et fermer de stations de sports d’hiver. Il faut reconduire des critères de protection des clients dans les bars et restaurants. Mais sous réserve de ces protections et au regard de l’évolution favorable des courbes sanitaires, ils pourraient très bien ouvrir avant la fin de l’année. Si ce raisonnement n’est pas valable, les raisons mêmes qui ont conduit au reconfinement ne le sont pas non plus, alors.
Comment jugez-vous la situation économique de la région après six mois de cette crise sanitaire ?
J’ai porté des jugements sévères, à un moment, sur la gestion de la crise sanitaire. Mais il faut reconnaître aujourd’hui que le gouvernement a mis le paquet pour soutenir le tissu économique. La Région a elle-même injecté près de M€ en deux vagues en faveur des entreprises.
Ce sont des moyens financiers qui permettent de maintenir à niveau beaucoup d’activités directes ou indirectes. Le problème, c’est que les gens ne veulent pas être sous perfusion, mais travailler. Il y a une soif de vivre et d’entreprendre. Cela avait bien marché cet été. Si l’on cadre bien la sortie du confinement, je pense qu’on limitera autant que possible la crise sociale. Même si on voit bien, à travers les distributions alimentaires, une augmentation très claire de la pauvreté, qu’il faudra prendre en compte.
‘‘ On va pouvoir recommencer à vivre normalement”
‘‘ On doit pouvoir rouvrir les stations pour les fêtes”