Var-Matin (Grand Toulon)

À SAINT-MARTIN-VÉSUBIE, NINO, 10 ANS, RÉINVENTE SA VIE

PROPOS RECUEILLIS PAR SANDRINE BEIGAS

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Nino a 10 ans. Il habite à Saint-Martin-Vésubie depuis toujours. Les 2 et 3 octobre, comme de nombreux autres habitants, il a été obligé d’abandonner sa maison, cernée (entourée) par l’eau de la rivière. Deux mois après la tempête Alex, il nous raconte ce qu’il a vécu et à quoi ressemble son quotidien aujourd’hui.

LE JOUR DE LA TEMPÊTE

J’étais dans ma chambre au deuxième étage et ma mère était dans le salon au premier étage. Je l’entends dire : « Je suis en train de me faire inonder ». Je me dis, il faut que j’aille voir pour lui demander ce qui se passe. Je descends et elle me dit : « Rien, va t’habiller. On part peut-être de la maison ». Je me suis habillé, j’ai pris mon téléphone, mon chargeur et mon doudou, et ma mère a pris son sac et ses papiers. On décide d’aller chez ma marraine à 200 mètres de chez nous. On monte sur la route et on voit plein de rochers qui tombent. Deux minutes après, on voit un 4X4 qui nous fait des appels de phares, c’était le chéri de marraine qui venait nous chercher. Puis on est partis se réfugier chez une amie de ma marraine un peu plus haut. Dès qu’on est arrivés, on a mangé et on a essayé de dormir, mais avec le bruit de l’eau, de la foudre, de la pluie, on n’y arrivait pas. À un moment, j’ai réussi à dormir quelques heures, ça faisait du bien.

LE RÉVEIL

Le lendemain matin, je me réveille, je déjeune et par une petite fenêtre, j’essaye de voir les dégâts. Mais on ne voyait rien parce qu’il y avait beaucoup, beaucoup d’eau. On voyait juste qu’un bout de la gendarmeri­e était parti. Ensuite, on nous a emmenés dans une grosse maison. On y est restés au moins cinq heures et après, on a pris un hélico et on s’est posés près du Vesubia Mountain Park, vers le bas du village. On était rassurés, on s’est dit : « C’est fini, on est en sécurité. » Un camion nous a amenés sur la place du village. La première chose qu’on a essayé de faire, c’est trouver ma mamie. Et on l’a trouvée ! C’était le moment de joie. J’ai retrouvé tous mes copains, toutes les personnes que je connaissai­s. Je me suis dit : «Je vais oublier tout ce qui s’est passé et je vais profiter ». La soeur de ma maman nous a logés pendant deux ou trois nuits. On est allés chez elle dans le noir complet puisqu’il n’y avait plus d’électricit­é. On était avec les bougies. On descendait tout le temps sur la place parce que des personnes nous faisaient à manger et après, on allait se coucher.

FACE À LA MAISON

Le 4e jour, ma mère m’a dit : «Ton père arrive à Saint-Martin, est-ce que tu veux remonter chez lui ? » J’ai hésité pendant 45 minutes et j’ai dit oui. J’ai sauté dans les bras de mon père parce que j’étais content de le revoir. Pendant dix jours, je suis resté chez lui. Et il m’a dit : « Si on a le temps, on va aller voir les dégâts de la maison. » J’étais stressé. J’étais avec des pompiers, des collègues de mon papa. Dès qu’on est arrivés, je ne reconnaiss­ais plus l’endroit. Il restait plus que deux murs, le mur de la chambre de ma mère et après, il n’y avait plus rien. À ce moment-là, je me suis dit que cette maison, je n’habiterai plus jamais dedans. Et puis, j’avais un chat. La dernière fois que je l’ai vu, il était sous le lit de ma mère. On l’a laissé parce qu’on croyait qu’il était en sécurité. En revenant, je me suis dit : «Ilest mort. Mon chat, il est dans le ciel maintenant et il me regarde ». Et après, c’est le moment où il se passe quelque chose de magique. On trouve un cadre sur le bout du mur de la chambre de ma mère, celui de mon demi-frère Enzo qui est intact, qui est resté accroché !

LA NOUVELLE VIE

Je prends toutes mes affaires, un ami à mon père arrive et nous dit qu’il a trouvé un chemin, une piste pour aller jusqu’à Saint-Martin. Je me dis que je vais retrouver ma mère. Pendant que j’étais chez mon père, elle m’avait dit qu’elle avait trouvé une maison. Dès qu’on est arrivés, j’ai pris ma mère dans mes bras. Et après, elle m’a fait visiter la maison et là, j’ai vu une litière de chat. Elle m’a dit : « Cet après-midi, on va aller chercher un bébé chat. » Je me suis dit: «Ma vie, elle va s’éblouir maintenant ». J’ai aussi retrouvé ma maîtresse et mes copains, même s’il en manque beaucoup. Certains ont perdu leur maison ou ont été évacués ailleurs.

LE BÉBÉ CHAT QUI A AUSSI SURVÉCU

Maintenant, tout ça, c’est du passé, ça ne me fait plus peur. Quand je vois les dégâts, ça ne m’impression­ne pas parce que ce que j’ai vécu, c’est pire que tout ça. Et puis, je me sens bien depuis que j’ai mon nouveau bébé chat, qui a huit semaines et qui s’appelle Titi. Lui aussi a survécu à la tempête. C’est lui qui me réconforte le plus le coeur. Et puis, là où on est avec ma mère, on est en haut de la rivière, alors je me dis qu’on est en sécurité.

La première chose qu’on a essayé de faire, c’est trouver ma mamie. Et on l’a trouvée !

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