Var-Matin (Grand Toulon)

« On a tous été très choqués »

Le Toulonnais Clément Giraud raconte ce qu’il a vécu en queue de flotte, à bord de son Imoca, durant la nuit du naufrage de Kévin Escoffier au large du cap de Bonne-Espérance

- PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE-MICKAËL AYI

C «’était long, bizarre, presque mystique. Surtout par une nuit de pleine lune. » Au bout du fil, Clément Giraud (Compagnie du Lit/Jiliti) n’en mène pas large. Alors que Rio de Janeiro s’éloigne, le skipper toulonnais, en queue de flotte du Vendée Globe, raconte cette nuit de lundi à mardi, où la régate s’est « arrêtée » après l’alerte du naufrage de Kévin Escoffier (PRB).

Comment avez-vous vécu cette difficile nuit ?

Comme tout le monde, j’étais dans l’attente. Dans le bateau, ça a été long. On sait que l’encadremen­t de la course est de grande qualité, la difficulté était de savoir s’il avait mis sa combinaiso­n TPS (tenue de survie, Ndlr). Sans cela, tu es déjà en hypothermi­e en dix minutes…

Avez-vous eu peur ?

Après cette confirmati­on, j’étais un peu moins stressé. Kevin (Escoffier), c’est un gaillard. Ce qu’il a montré, c’est que les marins au large sont bien entraînés. Il a eu tous les bons gestes de survie en même pas trois minutes, alors que le bateau n’a plus été viable rapidement. Ça rassure quelque part, je me dis qu’on ne fait pas tout cet entraîneme­nt pour rien.

Est-ce le genre de naufrage qui remet en perspectiv­e la course ?

On sait tous qu’on prend des risques mesurés. Néanmoins, un bateau qui se casse en deux, ça ne doit pas arriver. On a beaucoup échangé entre skippers par textos. On a tous été très choqués.

Qu’avez-vous ressenti au moment où Jean Le Cam a récupéré le naufragé ?

C’était un soulagemen­t immense. Dès que je l’ai su, je me suis préparé une bonne bouffe.

Je me suis dit : “Les voiles, on verra demain.”

Vous naviguez à une bonne vitesse et en groupe, ça fait chaud au coeur ?

C’est mitigé. Je suis content de naviguer dans un petit groupe, avec des skippers de références comme Miranda (Merron) et Alexia (Barrier). Mais je préférerai­s être plus en avance. Je suis à une bonne vitesse mais je bricole pas mal, j’ai des problèmes de drisse (cordage servant à hisser la grandvoile en tête de mât, Ndlr), j’ai dû renvoyer des voiles [lundi]. Depuis le début, ça fait beaucoup d’heures où je ne peux pas envoyer comme je voudrais.

Quelle atmosphère règne autour de vous, dans l’hémisphère Sud ? Pour l’instant c’est tropical, je suis encore torse nu en salopette. Mais ma route commence à virer à l’est, c’est sûr qu’il va faire plus froid. Il va falloir que je sorte les vêtements qui vont aller bien d’ici deux à trois jours. Et puis je vais bientôt voir des goélands.

Comment envisagez-vous la suite ?

J’essaie surtout de rester concentré car la météo change très vite, il faut rester à l’affût. Mais après le passage au cap de Bonne-Espérance, l’océan Indien me préoccupe. L’objectif est de me mettre dans le rythme tout de suite car je n’ai pas trop envie de me faire peur, à part si je dois aller chercher des copains. Je voudrais vraiment prendre mon pied, faire un grand Sud.

 ??  ??
 ?? (Photo Vincent Olivaud) ?? Clément Giraud, à bord de l’Imoca Compagnie du Lit/Jiliti.
(Photo Vincent Olivaud) Clément Giraud, à bord de l’Imoca Compagnie du Lit/Jiliti.

Newspapers in French

Newspapers from France