Var-Matin (Grand Toulon)

 : l’incroyable déjeuner à Brégançon avec Chirac

- PH. C.

Mai 1976. La discorde est presque totale entre le président de la République et son Premier ministre. Rien ne va plus entre Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac. Et le 6 juin 1976, une goutte d’eau va faire déborder le vase. Et provoquer une crise au plus haut sommet de l’État.

Les petits plats dans les grands

Giscard raconte... « L’idée d’inviter les Chirac est venue de mon épouse, Anne-Aymone. Il n’y avait pas de chambre bien installée pour les recevoir. Je me souviens encore qu’avec Anne-Aymone on a porté des fauteuils, poussé des fauteuils pour que ce soit confortabl­e et plaisant.» Pour le dîner, le Président a également convié son moniteur de ski. Chirac est furieux. Il espérait se retrouver en tête-à-tête et parler des affaires du pays. Giscard poursuit : « Il rentre à Paris. Une journalist­e fait paraître dans Le Point un article venimeux qui nous stupéfie. L’invitation s’était bien passée. Il était plutôt aimable. L’article disait que j’étais assis sur un trône et lui sur une chaise. Mais à Brégançon, les sièges ont tous la même hauteur... J’appelle Chirac. Je lui dis : ‘‘Mais enfin qu’estce que c’est que ce récit ? Qui peut avoir dit des choses pareilles, des choses contraires à la vérité ?’’. Il me répond : ‘‘Non... Mais moi je ne vois qu’une personne, c’est votre fils’’. Alors là j’ai dit : ‘Arrêtons’’ »

Et Valéry Giscard d’Estaing d’ajouter : « Ce fut un incident pénible, sans portée politique mais un incident désagréabl­e à vivre. Le bonheur fait qu’il existe un petit film tourné à l’époque et qui montre que cela s’est en réalité très bien passé «.

L’autre version

Mais ce qui fait le sel de cette histoire, c’est que

Jacques Chirac l’a racontée également dans ses mémoires. Et il confirme bien que sa décision de remettre sa démission au chef de l’État a été prise en quittant le lieu de villégiatu­re des présidents de la République. La présence du moniteur de ski a été vécue par le couple Chirac comme une humiliatio­n suprême. L’ancien Premier ministre raconte par le menu combien il a hésité à accepter cette invitation qu’il redoutait piégeuse. Qu’il a fini par accepter en signe de bonne volonté et surtout avec la déterminat­ion d’obtenir, enfin, du chef de l’État (fuyant depuis des mois), un rendezvous qui permettrai­t aux deux hommes de s’expliquer franchemen­t sur la conduite des affaires. Chirac a résumé d’une phrase ce qu’il pensait alors de Valéry Giscard d’Estaing : « Ce bref séjour commun au fort de Brégançon ne fait que confirmer tout ce qui me sépare d’un Président si imbu de ses prérogativ­es qu’il arrive à traiter ses hôtes, fût-ce son Premier ministre, avec une désinvoltu­re de monarque. »

Sentence irrévocabl­e

Jamais les deux hommes ne se réconcilie­ront. Très vite, Chirac annonce au Président sa volonté de démissionn­er. Il évoque la date du 26 juillet mais Giscard le contraindr­a à attendre un mois de plus. Chirac claque la porte de Matignon le 25 août 1976.

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(Capture d’écran DR) L’ambiance semblait conviviale mais les couteaux étaient bel et bien tirés au déjeuner pris sur le terrasse à Brégançon.

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