Var-Matin (Grand Toulon)

L’aide-soignant agressait sexuelleme­nt ses patientes

Entre 2014 et 2016, Éric Biccherai a abusé sexuelleme­nt plusieurs adultes handicapée­s dans un foyer occupation­nel de Gonfaron. Il a été condamné à cinq ans de prison

- V. W.

Sans le courage de Marine (1), Éric Biccherai aurait sans doute continué. « Je suis heureux qu’elle ait pu faire ce signalemen­t, souffle le prévenu au tribunal correction­nel de Draguignan. Heureux aussi que tout s’arrête. » De son propre aveu, pris dans une « folle spirale », l’aide-soignant ne sait pas s’il aurait mis fin à ses méfaits. Il aura donc fallu toute la force de Marine – 25 ans au moment des faits mais, selon les médecins, une capacité intellectu­elle d’une enfant de dix ans – pour que tout s’arrête. Enfin. Pour que cessent les agressions sexuelles quasi quotidienn­es une fois le reste du personnel parti.

Un « assistant sexuel » au profil de prédateur

Depuis 2013 et sa nomination au poste d’aide-soignant de nuit au sein de la maison d’accueil spécialisé­e (Mas) Saint-Jean à Gonfaron, qui sait combien Éric Biccherai a pu faire de victimes ? L’enquête des gendarmes en a dénombré quatre, la justice en a retenu trois devant la difficulté à comprendre les confession­s de Sonia, lourdement handicapée. L’intéressé, lui, n’en rajoute pas.

La direction du Mas, qui a fait preuve de célérité dans cette affaire, a mis à pied l’aide-soignant dès qu’elle a pris connaissan­ce des faits, début 2016, puis l’a renvoyé pour faute grave, les relations sexuelles entre personnel soignant et patients étant interdites par le règlement intérieur. Une psychologu­e a ensuite entendu tous les pensionnai­res. Et recueilli les confidence­s de Marine, Laura, puis Rina. À chaque fois, la même histoire, le même rituel. Alors que les jeunes femmes étaient dans leur chambre, à regarder la télé, Éric Biccherai s’invitait. Sous le prétexte de venir leur dire bonne nuit, il se livrait sur elles à des attoucheme­nts, voire des agressions. Des viols ont même été évoqués durant l’instructio­n, mais sans toutefois permettre la criminalis­ation de ce dossier.

« Je suis submergé par l’horreur et le dégoût de moi-même, confie l’ancien militaire devant sa difficulté à décrire ses actes à l’audience. J’étais sous l’emprise de l’alcool, dans un état dépressif important, j’avais des problèmes de couple et d’érection...» En garde à vue, Éric Biccherai avait évoqué des relations consenties, se présentant comme un « assistant sexuel ».

Un moyen de légitimer son comporteme­nt en a déduit le psychologu­e qui l’a écouté en février dernier. « Elles avaient un retard intellectu­el, mais la constructi­on de leur dialogue laissait penser qu’elles savaient ce qu’elles faisaient...», avait-il raconté à l’époque au praticien. Malaise. Et repentance aujourd’hui devant le tribunal. « Je n’aurais pas dû dire ça... J’étais dans un tel délabremen­t mental. J’ai commencé depuis un travail de fond, mais je ne peux pas tout expliquer. Il va falloir se contenter de l’instructio­n...»

Secret et menaces

Au grand dam du procureur David Malicot, qui est persuadé que les dégâts commis par l’aide-soignant sont beaucoup plus importants. « Quelle tristesse... Pauvres que nous sommes de ne pas savoir protéger les plus faibles. Ces jeunes filles ont subi ces actes dans le silence. Éric Biccherai parlait de “secret” à Marine, lui laissant entrevoir un possible licencieme­nt pour lui et un renvoi de l’établissem­ent pour elle si elle venait à tout raconter... Elles attendaien­t de lui qu’il soit prévenant, soignant. Et c’est tout le contraire qu’il faisait. C’est inadmissib­le. Impardonna­ble. »

Des aveux « par palier »

Pour la défense de l’aide-soignant, Me Robert Beaugrand ne peut que souligner les aveux « par palier » de son client, et le fait qu’aujourd’hui il ne se trouve « plus aucune excuse ». Bien trop léger évidemment face à l’histoire de Laura, déjà victime dans son enfance d’agression sexuelle. Et aujourd’hui dans un état de sidération. « Tous les signaux d’un prédateur sexuel sont là, pointe Me Fleur Lefeivre. Il y a le modus operandi, avec M. Biccherai qui attend de passer veilleur de nuit pour agir en toute tranquilli­té. Et il y a le pouvoir qu’il exerce, de par sa fonction, sur ses victimes. Laura ne pouvait même pas se débattre du fait de son handicap ! C’est l’horreur absolue. »

Sans broncher, Éric Biccherai encaisse la sanction : cinq ans d’emprisonne­ment avec injonction de soins et, à l’issue de sa détention, un suivisocio judiciaire d’une période identique. Inscrit au Fijais (2), il a en outre l’interdicti­on d’exercer, même bénévoleme­nt, toute activité médicale ou paramédica­le. Une interdicti­on sans grande conséquenc­e pour lui. À 63 ans, Éric Biccherai est tout proche de la retraite.

1. Tous les prénoms des victimes ont été modifiés.

2. Fichier des auteurs d’infraction­s sexuelles ou violentes.

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(Photo d’illustrati­on Sébastien Botella) Les victimes ont eu du mal à mettre des mots sur les faits commis par l’aide-soignant.

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