Var-Matin (Grand Toulon)

Franck Comba : « Il y avait de l’amour entre nous »

Les obsèques de Christophe Dominici ont lieu aujourd’hui à Hyères. Son ami et ancien coéquipier à Toulon et au Stade français, Franck Comba, lui rend un vibrant hommage

- PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER BOUISSON

Ils se sont connus en tant que jeunes joueurs au RCT avant de prendre leur envol ensemble à Paris, lors de la folle épopée du Stade français de Max Guazzini et Bernard Laporte. Comba le Hyérois et Dominici le Solliès-Pontois étaient des inséparabl­es. Même petit gabarit, même hargne sur le terrain, même sens de la déconne et de la générosité. Hier, au Polo Club de Saint-Tropez, à Gassin, pour lequel il est apporteur d’affaires, Franck Comba, 49 ans, a accepté d’évoquer leur intense amitié.

Dix jours après le drame, comment vous sentez-vous ?

Ça a été très dur mais j’arrive à prendre du recul. Il me paraissait important de le voir une dernière fois (mercredi à Paris) avant que le cercueil ne soit scellé. C’était bon de le voir… Il était beau.

Parlez-nous de votre première rencontre.

C’était au RCT en , on avait alors un peu plus de vingt ans. Moi je revenais d’une expérience à Rumilly et lui était là depuis un an. On ne s’était jamais croisé avant.

Ça a collé tout de suite entre vous ?

Dans le groupe, « Domi » était un bout-en-train et je n’étais pas le dernier. Le personnage m’avait énormément plu. On se voyait tous les jours à l’entraîneme­nt et en dehors. C’était une amitié naturelle, évidente.

En , vous signez ensemble au Stade français – CASG. Pourquoi ne pas être restés à Toulon ?

On avait décidé d’aller dans un nouveau club ensemble. C’était un pacte. Après trois ans passés à

Toulon, on cherchait un nouveau projet sportif ambitieux et le RCT de l’époque ne pouvait pas nous l’offrir. Même si on était du coin, on avait l’impression qu’on allait s’enterrer si on restait. À l’époque, les joueurs n’avaient pas d’agent. On avait pris contact nous-mêmes avec Max Guazzini qui venait de faire remonter le Stade français en première division. On avait eu le numéro grâce à Pierre Trémouille. On monte à la capitale pour rencontrer le manager Bernard Laporte. Il nous fait visiter les installati­ons, nous parle du recrutemen­t et des ambitions du club : être champion de France. On s’était regardé avec « Domi » du genre : « Il faut venir ! ». Quand on signe, on fait venir Christophe Moni qui sortait d’une saison extraordin­aire au RCT.

Comment vous perçoit alors Max Guazzini ?

Il ne nous connaissai­t pas bien. Il nous a avoué plus tard qu’il nous avait trouvés mal habillés. On avait des allures de sudistes, avec la gourmette, les bijoux !

Les dirigeants du RCT ont-ils essayé de vous retenir ?

Oui. Moi, je connaissai­s bien Edmond Jorda qui était entraîneur et qui voulait nous retenir. Je lui avais dit qu’on venait de passer une année de galère avec un maintien obtenu difficilem­ent, que le club ne recrutait pas, qu’il n’y avait pas d’ambition. À Toulon, personne ne croyait qu’on allait quitter le club. On nous a traités de mercenaire­s mais on est parti à l’aventure, sur un coup de poker. Après coup, on a eu raison.

Et vous êtes champions de France ensemble dès votre première saison. Quel souvenir en gardez-vous ?

On a vécu une saison dingue. Le Stade français était décrié mais on s’est servi de la critique. Bernard nous avait conditionn­és à y répondre sur le terrain. À Toulon, on avait été sifflés. On était tellement sûr de notre force collective que sur certains matchs on avait l’impression que personne ne pouvait nous battre. C’est rare. C’était fou… Avec «Domi »,jepeuxvous­dire qu’on a visité Paris ! Mais pas le Louvre, hein ! On était jeunes, pros, sans la contrainte du métro, du boulot. C’était merveilleu­x. On a eu la chance de vivre à Paris comme ça.

La grande vie, quoi…

On était sans cesse dans l’euphorie. On était souvent sollicités, il y avait des réceptions dans tout le grand Paris. On a fait les  coups mais ça nous appartient…

Vous pouvez quand même nous raconter une anecdote ? Chaque fois qu’on était en déplacemen­t, on faisait chambre commune et on passait notre temps à rendre fou nos coéquipier­s. Un jour, on est allé loin… On jouait un match en Coupe d’Europe. Pendant le repas, au moment du dessert, on prend le double des clés de la chambre de Christophe Moni et on monte lui chavirer la chambre. On avait jeté les coussins par la fenêtre, vidé ses sacs, éparpiller ses habits et on avait même pissé sur le lit. Moni a tapé une crise de nerfs, le manager cherchait les coupables. On s’était fait crever puis incendier. Ça avait fait scandale à l’hôtel. Les conneries venaient toujours de Christophe. Avec lui, c’était toujours plus et parfois, on allait trop loin. Mais il m’en faisait à moi aussi !

On veut savoir !

Après le titre de , on redescend avec le Bouclier. On part en voilier avec notre ami Alain Ruscica (navigateur et ténor disparu l’an dernier) pour rendre visite à des amis à Bonifacio, en Corse. On se retrouve au large, sur une mer d’huile, des dauphins tout autour de nous. Alain en profite pour se faire tracter au bout d’une corde et j’en fais autant. C’était magique, on était seuls au monde. Alain remonte sur le bateau mais moi, je reste. Et là, je vois « Domi » qui me regarde avec son sourire de merde et qui détache la corde. Je me retrouve tout seul en pleine mer, j’avais peur, je l’insultais comme un fou et lui, il riait ! Quand je suis remonté à bord, j’ai pris des oursins qu’on avait emportés et je lui ai jetés dessus. Ils se plantaient sur son torse ! Voilà, c’était « Domi » ! C’est comme ça que je l’aimais.

Que vous a-t-il apporté ?

Il m’a fait marrer et avancer. On avait deux caractères différents. Il avait du charisme et moi je suis

plus discret. Je lui avais dit un jour que j’étais fier d’être son pote. J’avais besoin de ça. Moi, j’ai eu un traumatism­e gamin car je n’ai pas connu mon père. C’est pour ça que j’ai beaucoup de référents hommes dans ma vie, des gens que j’admire. « Domi » était un référent pour moi.

Finalement, vous vous ressemblie­z à travers vos fêlures intimes…

Sûrement. On était très pudique l’un envers l’autre. On connaissai­t nos histoires mutuelles mais on ne rentrait pas dans le détail. Il n’a pas fait cette carrière par hasard. Il avait une telle hargne.

Vous n’étiez pas non plus un enfant de choeur sur le terrain… J’étais davantage plaqueur que technicien mais c’est vrai que sur un terrain on se ressemblai­t…

Quel souvenir garderez-vous de lui ?

La joie de vivre. À Toulon, même quand on perdait, on sortait quand même le soir. C’était mal vu mais on s’en foutait. Chris ne se prenait pas la tête. Il était aussi très attentif aux autres, hyper présent partout où il était. C’est pour ça que c’était si bon d’être à ses côtés. Il y avait de l’amour entre nous…

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(Photo AFP / Thomas Coex) Bernard Laporte, Franck Comba et Christophe Dominici, le  mai  au Stade de France après la victoire en finale du Stade français - CASG face à Perpignan.
 ?? (Photo O. B.) ?? Franck Comba a vécu l’essentiel de sa carrière au côté de Christophe Dominici.
(Photo O. B.) Franck Comba a vécu l’essentiel de sa carrière au côté de Christophe Dominici.

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