Var-Matin (Grand Toulon)

Expliquer l’étrange et documenter l’inexpliqué

Le commandant Cathala a travaillé dix ans au sein du Groupe d’études et d’informatio­ns sur les phénomènes aérospatia­ux non identifiés (Geipan). Il se souvient notamment d’un cas hyérois

- LAURY HOLSTE lholste@nicematin.fr

Presqu’île de Giens, Tour Fondue, nuit d’été 1961. Il est 22 h quand deux enfants vont jeter les poubelles à l’extérieur du cabanon qu’ils occupent avec leurs parents et découvrent une lueur étrange au-dessus de l’eau. Les deux amis descendent dans le vallon et découvrent « un faisceau lumineux émanant d’une forme sombre en position statique ». Ils décident d’éclairer ce dernier avec leur lampe torche. « Quand nous l’avons éclairé, l’engin s’est déplacé dans notre direction en zig zag, nous sommes repartis en courant à toute vitesse. L’engin a disparu. » Cinquante ans plus tard, un des deux Varois décide d’écrire au Groupe d’études et d’informatio­ns sur les phénomènes aérospatia­ux non identifiés (Geipan) pour évoquer son souvenir d’enfant jamais expliqué et qui l’a profondéme­nt marqué. Des témoignage­s de ce type, le Geipan en a reçu près de 8 000 depuis sa création il y a quarante ans. Le commandant de gendarmeri­e François Cathala y a officié bénévoleme­nt pendant dix ans en tant qu’expert. Un collège de profession­nels qui tente quotidienn­ement d’apporter un éclairage aux personnes les sollicitan­t sur des phénomènes inexpliqué­s.

Classifica­tion

« Le Geipan enquête sur les phénomènes aérospatia­ux non identifiés. Il s’agit d’étudier les témoignage­s recueillis par la gendarmeri­e ou sur le site du groupe et d’apporter une réponse documentée et transparen­te sur un événement qui paraît étrange, inexplicab­le .»

Un travail fastidieux qui amène les effectifs du groupe à classer les phénomènes en quatre lettres : A parfaiteme­nt identifié, B identifica­tion probable, C manque d’élément, D1 cas à fort potentiel étrange et D2 très fort potentiel étrange. Si l’événement hyérois de l’été 1961 est encore à l’étude, le dossier est très intéressan­t pour le gendarme.

Les témoignage­s

« On parle d’un fait qui date du début des années 60, c’est-à-dire entre les deux vagues de signalemen­ts importants en France qui ont eu lieu en 1954 et 1976, précise le commandant. Ce qui en fait un témoignage intéressan­t, c’est l’utilisatio­n de certains éléments descriptif­s que l’on retrouve régulièrem­ent à cette époque, comme les déplacemen­ts en zig zag. Il faut aussi se remettre dans l’époque. Internet, Netflix, les portables et même parfois l’accès à la télé n’est pas quelque chose de systématiq­ue. On parle en plus d’enfants qui ont un côté très naturel et qui expliquent souvent les choses simplement. C’est donc un témoignage intéressan­t à traiter. Le point négatif, c’est qu’outre le fait que la mémoire avec le temps enjolive souvent, il va être impossible de retrouver les plans de vol des appareils qui auraient pu passer à proximité par exemple. La technologi­e n’étant au moment des faits pas la même qu’aujourd’hui, il est également compliqué de dire si un événement météorolog­ique quelconque aurait pu induire ce phénomène. »

Pour autant, pas question de traiter légèrement une des affaires ou de chercher à tout prix la thèse extraterre­stre. Les experts cherchent des explicatio­ns avec objectivit­é et sans jugement.

« Les personnes vivant un événement qu’elles n’arrivent pas à expliquer ont souvent une gêne pour en parler de peur d’être raillées, continue le militaire. Dans le cas hyérois par exemple, les deux enfants en ont parlé à leurs parents, qui se sont gentiment moqués, et le témoin a mis cinquante ans pour en parler. Dans les années 50-70, les gens ne voulaient pas que ça s’ébruite et témoignaie­nt à la gendarmeri­e de façon très discrète, de peur de passer selon leurs mots pour “des hurluberlu­s” .»

Et si le Geipan fonctionne en partenaria­t direct avec les gendarmes, c’est avant tout parce qu’ils sont présents sur 90 % du territoire français. « La gendarmeri­e est partie prenante dans cette aventure depuis le début, puisqu’en plus de couvrir une partie très importante du pays, elle est au contact de 50 % de la population. Elle recueille l’ensemble des témoignage­s. Elle se rend sur place et mène le début de l’enquête. Le Geipan reçoit les dossiers qui généraleme­nt ont résisté à ce premier travail de recherche .»

C’est le début du travail scientifiq­ue qui commence. « Le collège d’experts réunit des scientifiq­ues en maths, en chimie, en sciences humaines, tout type de spécialité­s. Après l’étude du ou des témoignage­s, il y a la recherche d’une cause scientifiq­ue, météorolog­ique ou technologi­que. Par exemple, en 2007, un Varois nous a contactés pour un phénomène apparu sur des photos qu’il avait prises. Sur le cliché apparaissa­it une forme noire qu’il certifiait n’avoir pas vue lors de la prise de photo. Après enquête, il s’avère qu’il s’agit d’une réaction technologi­que à une forte source de lumière, ici le soleil. La lentille de l’objectif rendait la zone lumineuse noire. »

En toute transparen­ce

Si le Geipan n’a pas réponse à toutes les interrogat­ions des Français, il s’évertue à répondre aux demandes en toute transparen­ce.

« Le travail du groupe est entièremen­t accessible sur le site Internet du Geipan. Les témoignage­s, anonymisés, et la recherche de pistes jusqu’aux conclusion­s, tout est mis en ligne en toute transparen­ce pour le grand public. C’est une volonté puisque nous n’avons rien à cacher. Quand une enquête est terminée nous adressons au témoin le compte rendu puis nous le publions sur le site. On a beaucoup de gens qui nous remercient quand on leur donne une réponse à leurs interrogat­ions. Après il y a toujours ceux qui estiment qu’on leur cache des choses et que nous sommes là pour faire de la désinforma­tion. On remplit une mission d’étude et d’informatio­n pour le public. Nous ne sommes pas là pour

‘‘ Nous ne sommes pas là pour faire de l’interpréta­tion, ce n’est pas notre rôle”

faire de l’interpréta­tion, ce n’est pas notre rôle. Tout est accessible, à chacun de se faire sa propre analyse. »

Le nouveau site du Geipan est actuelleme­nt disponible sur cnes-geipan.fr vous pouvez y consulter leurs archives ou leur signaler un phénomène inexpliqué via leur formulaire.

 ??  ?? En août , un Seynois saisit le Geipan après avoir découvert sur une de ses photos quatre lumières alignées dans le ciel. Après étude, le dossier sera classé A puisqu’il s’agit d’une réflexion interne dans l’optique de l’appareil photograph­ique.
En août , un Seynois saisit le Geipan après avoir découvert sur une de ses photos quatre lumières alignées dans le ciel. Après étude, le dossier sera classé A puisqu’il s’agit d’une réflexion interne dans l’optique de l’appareil photograph­ique.
 ??  ?? En , à Marseille, une étrange apparition est découverte par un habitant voulant faire une photo de la neige. Il s’agit en réalité du reflet du néon de sa cuisine.
En , à Marseille, une étrange apparition est découverte par un habitant voulant faire une photo de la neige. Il s’agit en réalité du reflet du néon de sa cuisine.

Newspapers in French

Newspapers from France