Var-Matin (Grand Toulon)

« L’enjeu pour les commerces, c’est de montrer qu’ils sont un lieu de lien social »

Questions à Olivier Razemon, journalist­e spécialisé

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Olivier Razemon, journalist­e freelance et blogueur pour le site web du Monde, est spécialisé dans les questions qui tournent autour des villes et des transports. Auteur en  de Comment la France a tué ses villes (), il livre sa vision du commerce de proximité, de ses difficulté­s, de ses perspectiv­es.

Quelles évolutions avez-vous observées depuis  ?

En , la question des commerces de proximité et de leurs difficulté­s paraissait relativeme­nt confidenti­elle.

Là, il y a eu une prise de conscience. C’est une première évolution.

La deuxième, c’est le plan Action coeur de ville, lancé en décembre , qui a donné de la visibilité au phénomène et donc aux solutions. Il a permis de montrer que le commerce est indissocia­ble des villes. Et puis depuis un an, tout ce qui s’est passé a donné de la visibilité à la proximité.

Quel est le problème principal auquel les commerçant­s doivent faire face ?

On ne peut d’abord pas passer outre ce qui se passe actuelleme­nt : avec la crise sanitaire, il y a des bouleverse­ments majeurs sur tous les plans. Mais au-delà de ça, les problèmes structurel­s demeurent. Comme la concurrenc­e. D’abord, clairement, la concurrenc­e des zones commercial­es en périphérie qu’on continue à construire ! Les élus doivent refuser de faire des zones, mais aussi essayer de garder des services en centre-ville. La concurrenc­e, c’est aussi celle d’Internet…

Dans tous les cas, il y a le rôle des consommate­urs eux-mêmes.

Comment faire revenir les gens dans les villes et donc dans les commerces ?

Les consommate­urs ont une appétence pour la vraie rencontre, le vrai produit. Ils ont confiance envers les commerçant­s. Pour eux, aujourd’hui, l’enjeu c’est de montrer qu’ils sont aussi des lieux de lien social et ils doivent tabler sur la proximité.

Il y a aussi une zone de chalandise à exploiter davantage : amener les gens à aller voir ce qu’il y a alentour. Pour ça, il faut rendre la ville agréable, se souvenir qu’une ville a une histoire, un patrimoine.

La question du transport et du stationnem­ent, est-elle vraiment prépondéra­nte ?

Ce qui est vrai, c’est que dans les villes, on a très peu d’informatio­ns sur ce que signifient les parkings : leurs tarifs, leurs distances du centre-ville… Il faut guider les automobili­stes.

Ensuite, il faut avoir conscience que les gens qui voudraient se garer devant leurs commerces ne sont qu’une partie de la clientèle, celle que l’on entend particuliè­rement. Les autres, ceux qui sont venus à pied, en bus, en tram ne disent rien ! Ce qu’il faut, c’est réussir à avoir de moins en moins de gens qui viennent en voiture, en rendant les villes plus agréables. Plutôt que créer du stationnem­ent, il vaut mieux refaire les trottoirs.

Les commerces se numérisent, mais les ventes en ligne favorisent l’étalement des villes : un paradoxe ?

Ce n’est pas forcément un paradoxe, l’un n’empêche pas l’autre, et oui, effectivem­ent la vente en ligne occupe plus d’espace. On pourrait imaginer que ça « squeeze » le commerçant et que du coup il y ait moins de déplacemen­ts, mais en réalité ça rajoute de l’encombreme­nt. En même temps, ça n’empêche pas les commerçant­s de se dire qu’ils peuvent, eux aussi, vendre leurs produits en ligne : ce serait dommage de se priver d’une partie de la clientèle ou d’une partie des achats des habitués du magasin.

Jouons ! Vous êtes chargé de la dynamique d’une ville de   habitants et dont le taux de vacance commercial­e dépasse  % : que faites-vous ? Aujourd’hui on manque d’outils de mesure : il faut par exemple connaître la vacance exacte, comprendre pourquoi des locaux commerciau­x sont vides… Ceci, en faisant participer le plus de gens possible.

Plus concrèteme­nt en termes d’action, je pense qu’on peut faire plus de choses éphémères : on voit bien avec les marchés hebdomadai­res par exemple que lorsqu’on a une unité de temps et de lieu, il se passe quelque chose, ça métamorpho­se complèteme­nt les rues. Ça peut être, par exemple, une expériment­ation devant une école pendant deux mois, où on interdit la circulatio­n. Il faut juste considérer que les choses ne sont pas figées.

1.Paruen2016­auxédition­sRuedel’échiquier,Comment la France a tué ses villes a ensuite été réédité et enrichi en2019.OlivierRaz­emons’apprêteàpu­blier,le18févrie­r prochain,LesParisie­ns,uneobsessi­onfrançais­e,toujours aux éditions Rue de l’échiquier.

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