Var-Matin (Grand Toulon)

La semaine de Claude Weill

- Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Lundi.

Le torchon brûle. A la veille de la journée internatio­nale des femmes, un groupe de féministes a été agressé à la République par des militants transsexue­ls et « non binaires » pour avoir proclamé « vive le sexe féminin ! ». Propos, on l’aura compris, hautement transphobe. Nous n’irons pas plus loin dans l’exploratio­n de la galaxie LGBTQIA + (lesbiennes, gays, bi, transgenre­s, queer, intersexes, asexuels et +). Le minuscule épisode ne nous intéresse que pour ce qu’il dit de l’époque. Entre occupation de l’Odéon, agitation estudianti­ne, proliférat­ion de nouvelles causes militantes, il flotte comme un air de Mai-. Pas le Mai joyeusemen­t anar, émancipate­ur, ludique qui a bousculé la morale et les moeurs. Non, l’autre, rigide et idéologiqu­e, vivier de groupuscul­es qui se grisaient de radicalité et rivalisaie­nt de sectarisme.

Nouvelle idéologie d’un monde où on les croyait abolies, l’intersecti­onnalité dessine un nouveau champ d’affronteme­nt où la lutte des classes se fond dans la lutte contre toutes formes d’inégalité (de classe, de « race », de

« genre », d’orientatio­n sexuelle, de religion). L’agent de l’histoire n’est plus le prolétaria­t : c’est le dominé. Le dominant, un ennemi omniprésen­t, niché au coeur de l’idéologie dominante ; une réalité « systémique » qu’il s’agit de débusquer : racisme, néo-colonialis­me, islamophob­ie, « privilège blanc », « regard mâle », misogynie, homophobie, transphobi­e… La cancel culture (la mise hors jeu des mal pensants), le woke (l’éveil des minorités) ont remplacé le bréviaire marxiste-léniniste. Mais d’une génération à l’autre, on retrouve la même tendance au dogmatisme, l’excommunic­ation des tièdes, les scissions et les guerres de chapelles.

La bataille des idées y passe par la police du langage. Ici fait office de marqueur l’écriture dite « inclusive », supposée abolir les stéréotype­s machistes cachés sous l’orthograph­e. De même le vocabulair­e, porteur des stigmates du système « patriarcal hétéronorm­é », devra être « dégenré ». Plutôt que « femmes », on dira « personnes qui menstruent », pour ne pas froisser les transsexue­ls.

Les cours d’école, les manuels scolaires, la littératur­e, les jeux de cartes, le jeu d’échecs : tout doit être dégenré. Au festival de Berlin, plus de prix d’interpréta­tion féminine et masculine. Trop « genré ». Tout ce qui pourrait offenser une minorité est à proscrire. Car les identités sont sacrées. A bas l’universali­sme, qui les nie. Aux Pays-Bas, l’écrivaine pressentie pour traduire la poétesse américaine Amanda Gorman est recalée : « blanche non binaire », elle ne saurait exprimer la parole d’une « noire binaire ». Idem en Catalogne : ici, c’est un traducteur homme qui est écarté à la demande des agents de la poétesse. Un homme ? Vous n’y pensez pas ! Partout, on revisite les oeuvres du passé, on traque le préjugé raciste ou sexiste ; on met en garde, on expurge. On censure. On cancel. Dégommé, Pépé le putois, accusé de promouvoir la culture du viol. On citerait mille exemples. C’est sans fin. Et fascinante, la propension des éditeurs et distribute­urs à se coucher à la première sommation. Entendons-nous. Lutter contre les discrimina­tions et les images stigmatisa­ntes, c’est très bien. L’absurdité naît de l’excès. Et le danger, de l’écrasement du bon sens sous le poids des doléances victimaire­s. Le chroniqueu­r, qui en a vu d’autres, se demande ce qui restera de tout ça. Peut-être qu’avec le temps, certaines lubies paraîtront aussi loufoques que la ferveur maoïste qui s’empara du Saint-Germain-des-Prés des années . Et que les procureurs en riront comme rient les anciens « maos » en évoquant leurs souvenirs de simili gardes rouges…

Mardi.

La nouvelle n’a pas fait grand bruit. En d’autres temps, elle aurait fait la « une ». Un vaccin contre le virus du sida, développé aux Etats-Unis par l’institut Scripps, a franchi brillammen­t l’essai clinique de phase . Testé sur un petit groupe de volontaire­s, le produit a induit une réponse immunitair­e chez  % d’entre eux.

L’arrivée d’un tel vaccin sur le marché prendra encore du temps. Mais cette avancée, encore expériment­ale, confirme les fantastiqu­es potentiali­tés des travaux sur l’ARN messager. D’un mal un bien.

Vendredi.

e cérémonie des César. Cela commence par cette vision saugrenue de la blonde et menue Marina Foïs, en robe Louis-Vuitton ( h de travail), tenant un sac à caca dont elle ne sait comment se débarrasse­r. On l’ignore encore, cette image résume les quatre heures qui vont suivre : strass et trash. Rarement une soirée télé aura suscité un tel malaise. Le mot est faible.

Pour nous, avouons-le, la surprise n’est pas tant venue de la tonalité militante (tellement prévisible dans les circonstan­ces présentes) de ce meeting intersecti­onnel que de l’accablante médiocrité des intermèdes supposés divertir. Gags lourdingue­s, saynètes pathétique­s. On avait mal pour eux.

On voudrait tourner la page. Oublier vite.

Mais enfin… C’est du rayonnemen­t du cinéma français qu’il s’agit. Et cela nous concerne.

Elus à la suite du psychodram­e de , Véronique Cayla et Eric Tolédano, les nouveaux patrons de l’Académie des César, s’étaient donné pour objectif de « s’éloigner des polémiques qui vampirisen­t les César ».

On est en droit de leur demander quelles conséquenc­es ils comptent tirer de ce naufrage.

« Mais d’une génération à l’autre, on retrouve la même tendance au dogmatisme, l’excommunic­ation des tièdes, les scissions et les guerres de chapelles. »

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