Var-Matin (Grand Toulon)

L’insatiable Roglic s’impose en patron à la Colmiane

Alors que le Suisse Gino Mäder tenait sa première victoire en pro, Primoz Roglic l’a doublé à vingt mètres de la ligne à La Colmiane. Le Slovène ne fait aucun cadeau

- CHRISTOPHE­R ROUX

Il y avait encore un peu de neige et des marmots dévalant les pistes, armés de leurs luges. Les parents dévoraient quelques crêpes sous les derniers rayons d’un soleil hivernal. Hier, la quiétude régnait à La Colmiane. Le paysage était parfait et Primoz Roglic a fini par débouler. Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Le Slovène a fait du bruit et des dégâts. Une vieille habitude pour un ogre insatiable, affamé et qui n’a jamais envie de s’amuser. Hier, il a encore livré un sacré numéro pour accroître son avance au général. Crédité d’un avantage de 41’’ hier matin, il culmine désormais à 52’’ devant Maximilian Schachmann. L’Allemand est le tenant du titre, un homme fort du peloton qui ne cesse de grandir, mais il regarde le numéro 1 mondial avec des jumelles.

Hier, sur les pentes de La Colmiane (16,3 km à 6 % de moyenne) Roglic a demandé à Steven Kruijswijk d’appuyer sur les pédales. Le coéquipier modèle a mis tout le monde dans le rouge et, après avoir longtemps contrôlé l’échappée matinale de treize coureurs, la Jumbo a dynamité les trois derniers kilomètres.

Mäder : « Très proche de pleurer »

Elle a mis la pression sur le seul homme encore en tête, Gino Mäder. Le Suisse a prié et écrabouill­é ses pédales comme un damné, mais il a finalement rendu les armes. Le Maillot Jaune l’a avalé, lui et ses espoirs d’une première victoire chez les pros. Tout s’est joué à vingt mètres de la ligne. Un scénario cruel pour le coureur de Bahrain-Victorious, qui termine deuxième à 2’’ du patron du peloton. A sa descente du podium, le combatif du jour était plongé dans un tourbillon d’émotions. Il a commencé par l’humour : « Je crois que je vais avoir mal à la gorge demain. Primoz est passé si vite. » Puis la déception s’est mêlée à la joie d’une grande première aux avant-postes dans une course World Tour. « Quelques minutes après le passage de la ligne, j’étais très proche de pleurer, narrait le natif de Flawil, âgé de 24 ans. Ça devait être ma victoire. Ensuite, je me suis dit que je devais être content de ce que j’avais réalisé. Etre devant était une belle expérience. Je devais aller le plus vite possible. J’étais à fond dans les quarante dernières minutes de l’étape. »

Roglic : « Je me suis dit “pourquoi pas” »

L’attitude de Roglic, elle, ne manquera pas d’être commentée. Sportiveme­nt, le double vainqueur de la Vuelta (2019-2020) a montré son hégémonie. Elle est incontesta­ble en l’état. C’est davantage sur le plan moral que sa victoire fait jaser dans le peloton. L’ancien sauteur à ski a, un temps, semblé vouloir offrir la victoire à Mäder. Alors qu’il revenait à 6’’ du Suisse avec Schachmann dans son sillage, le champion de Slovénie a temporisé et redonné du champ à l’homme de tête, puis remis une mine pour l’emporter d’un cheveu. Après ses victoires à Chiroubles et à Biot, mercredi et vendredi, certains penseront qu’il aurait pu laisser la victoire à Mäder. D’autres que le plus fort a gagné et que le vélo n’est pas un sport de Bisounours. Roglic n’est pas Coubertin. Il ne participe pas, il gagne. Il n’offre pas les victoires, il les glisse dans sa poche. «A ce niveau, on ne fait pas de cadeau, a livré un Mäder beau joueur et qu’Elissonde, membre de l’échappée, a qualifié de «chictype» . Je dois juste dire ‘‘Bravo Primoz !’’. La prochaine fois, je serai plus fort. Je lui ai dit de me laisser gagner sur le podium. Il m’a répondu, ‘‘mouais, si tu sprintes (rire)’’.

Je sais ce qu’il me reste à faire, non ? Ce qu’il a réalisé doit m’inspirer. »

Le boss, lui, se fiche des critiques et des qu’en-dira-t-on.

« Je me suis dit ‘‘pourquoi pas ?’’, a réagi le grimpeur de 31 ans. Il y avait une possibilit­é, alors je l’ai saisie. Pour le général, ce n’est pas vraiment fini. Il y a encore un nouveau défi, une autre étape très courte (aujourd’hui, 92,7 km).

Ce sera encore assez dur et il faudra rester concentrés. »

Avant lui, le meilleur grimpeur de ce Paris-Nice, Anthony Perez, avait éludé la question. « Il n’y a pas de polémique. »

« C’était comme ça au Tour de France (2020), il se sent le plus fort et il veut tout gagner, aenfoncé Elissonde. Si j’étais le meilleur grimpeur du monde, je voudrais peut-être essayer de gagner toutes les arrivées au sommet. Chacun défend ses intérêts. »

Roglic n’a que faire de ceux des autres.

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Le n° mondial a empoché une troisième victoire sur ce Paris-Nice, hier à La Colmiane.

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