Var-Matin (Grand Toulon)

L’itinéraire de Tual Trainini, du Var au Top 14

Licencié au Rugby club Six-Fours Le Brusc, l’arbitre du comité Côte d’Azur fait aujourd’hui partie des meilleurs sifflets du Top 14. Rencontre avec un homme qui mène une double vie assumée.

- Textes : Olivier BOUISSON obouisson@nicematin.fr

Leurs timbres de voix, leurs accents régionaux, leurs commandeme­nts, leurs injonction­s, leurs traits d’humour parfois rythment nos weekends rugbystiqu­es. À l’heure des micros ouverts, les arbitres du Top 14 jouissent d’une fenêtre d’exposition médiatique conséquent­e, qui les place au même niveau que les joueurs. À eux les exploits, au corps arbitral le verbe haut et l’incarnatio­n de l’autorité, tout en maîtrise. Dans ce landerneau d’excellence, un Varois d’adoption s’est fait une place au soleil. Tual Trainini, 35 ans, licencié à Six-Fours, est l’héritier d’une longue et riche filiation au sein de l’arbitrage du comité Côte d’Azur portée par Gérard Borréani, Franck Maciello, Eric Briquet-Campin... Des grands noms de l’arbitrage français qui ont façonné le jeune Trainini, devenu en quelques années l’un des tout meilleurs. Comment ? Pour le savoir, nous sommes allés à la rencontre de cet homme affable, passionné et attachant. « Si vous allez le voir, vous tomberez sous le charme », nous avait prévenus Gérard Borréani, son mentor (lire en page suivante). Les arbitres sont des gens clairvoyan­ts...

Une vie menée à cent à l’heure

Tual Trainini ouvre la porte de sa maison située sur les hauteurs du village de Peypin, dans les Bouches-duRhône. À l’entrée, sa valise estampillé­e équipe de France est prête à rouler jusqu’à Clermont où il officiera en fin de journée. Il nous parle de ses oliviers qu’il vient de tailler, de sa passion pour le jardinage. De son insatiable curiosité pour l’actualité, la science, les arts, la lecture, le bricolage, les jeux vidéo, le sport. Et dire que cet homme mène déjà une double vie... Ingénieur et doctorant, il exerce la semaine à Marignane chez Airbus Helicopter­s, au départemen­t des services connectés. Le week-end, il enfile des crampons et un maillot pour diriger les meilleurs rugbymen du pays. À l’inverse d’un certain nombre de ses confrères devenus profession­nels du sifflet, Trainini conjugue arbitrage de haut niveau et un emploi de haute voltige.

« Du lundi au vendredi je suis à l’usine, je cours entre midi et deux, le soir je visionne des matchs. J’ai la chance de toujours avoir eu des employeurs qui n’ont pas mis de frein à ma carrière sportive et d’être en couple avec Caro, une fondue de sport ! » Qui, hors pandémie, effectuait plusieurs déplacemen­ts dans l’année afin de profiter, le temps d’un week-end, d’une escapade avec son tendre siffleur. « Dans le meilleur des cas, je prends un jour de repos par semaine, mais j’adore ce rythme à cent à l’heure ! », sourit-il. Une vie menée pied au plancher qui aurait déjà fait vaciller plus d’un être humain normalemen­t constitué. Pas lui. C’est que le plaisir d’être là où il est aujourd’hui est intarissab­le. « J’ai une chance inouïe. Je côtoie des joueurs que je regardais plus jeune avec des étoiles dans les yeux. L’arbitrage, c’est une belle opportunit­é pour des gens qui n’ont pas les compétence­s physiques et techniques pour réussir dans leur sport .» Cette vérité, le Varois d’adoption l’a vite compris pour en faire un avantage. Au sein d’une famille à l’ADN rugby très marqué (lire ci-dessous), Tual touche son premier ballon à 5 ans, à Muret (31).

Un joueur modeste

Adolescent, il évolue en 10, 12, ou 15. Un arrière polyvalent qui avait comme principal atout un énorme coup de pompe. « Je n’étais ni le plus véloce ni le plus cavaleur, mais je me servais beaucoup de mon jeu au pied et je jouais plutôt dans les intervalle­s. » À 16 ans, il s’installe en Catalogne, où ses parents ont décidé de prendre leur retraite. Il y restera quatre ans et évoluera dans plusieurs clubs, dont Rivesaltes (en Reichel B). C’est à cette époque qu’il commence à arbitrer.

Le premier jour du reste de sa vie se lèvera dans le Var. On est en 2005, il a 20 ans. « À la fin de ma prépa ingénieur, j’ai choisi d’intégrer l’école ISITV devenue Seatech à l’université de Toulon (option télécoms et réseaux), qui avait une bonne réputation. L’offre de formation et le cadre de vie me correspond­aient. » Naturellem­ent, la famille du rugby varois va lui ouvrir grand les bras. « J’ai eu un accueil vraiment fabuleux ! J’ai trouvé un environnem­ent familial et bienveilla­nt comme en Catalogne. » Cette famille, c’est celle de l’arbitrage du comité : Fred de Castro, Hervé Gillard le prennent sous son aile. En parallèle, il évolue avec les Reichel du RCT entraînés par Martial Cottin et Marc Ravanello. Sans espoir d’aller plus haut. « Je n’avais pas le niveau... », concède-til en oubliant d’évoquer sa deuxième blessure aux cervicales. Rédhibitoi­re.

Il ne signera aucune feuille de match mais peaufine sa connaissan­ce du rugby auprès de bons joueurs (Caïsso, Feldis, Horb, Mouchel). La bascule vers l’arbitrage s’opère. « Je voulais avoir une condition physique irréprocha­ble et me frotter au haut niveau pour avoir une sensibilit­é différente de la règle pure. »

« Je fais tout pour être irréprocha­ble »

Dans ces premières années varoises, il arbitre les séries régionales jusqu’en Honneur. En juin 2006, il passe le concours du jeune arbitre. Pour son oral, Fred de Castro est à ses côtés. Un portebonhe­ur. La saison suivante, il officie en Fédérale 3. Plus rien ne l’arrêtera. Aujourd’hui installé dans la peau d’un des meilleurs arbitres français, Tual Trainini tient à rendre hommage aux siens. « Je suis issu d’une famille modeste. Mes parents se sont sacrifiés pour moi, alors je fais tout pour être irréprocha­ble, pour que cette identité ne soit pas souillée. » On saisit mieux sa droiture, son sens parfois trop exacerbé de l’autocritiq­ue. « Dans ma vie, je voulais tout maîtriser, être en permanence irréprocha­ble pour ne pas créer de l’injustice. J’ai appris à lâcher prise », concède-t-il.

Et à savoir apprécier les fruits qu’il a patiemment cueillis, un à un. « L’arbitrage a changé mon rapport aux autres, ma façon de parler et de communique­r. Gérer ces hommes et ces staffs me nourrit dans mon travail. Cela crée un échange de fluides », glisse-t-il avec malice et avec la tranquilli­té de ceux qui maîtrisent la force.

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(Photo AFP) Tual Trainini est arrivé dans le Var il y a quinze ans. Il a alors  ans, joue avec les Reichel du RCT mais a déjà une petite idée derrière la tête et un sifflet dans la poche...
 ?? (Photo Luc Boutria) ?? En août , il assiste le RCT en stage à Tignes sous les ordres de Diego Dominguez.
(Photo Luc Boutria) En août , il assiste le RCT en stage à Tignes sous les ordres de Diego Dominguez.
 ?? (Photo Luc Boutria) ?? Ses débuts dans le Var, ici, au côté de Fred de Castro lors d’un tournoi de beach rugby.
(Photo Luc Boutria) Ses débuts dans le Var, ici, au côté de Fred de Castro lors d’un tournoi de beach rugby.

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