Var-Matin (Grand Toulon)

Harcèlemen­t : « en parler c’est pour se protéger »

Au Collège Gérard-Philipe de Cogolin, le maître-mot est de verbaliser pour éviter l’isolement lorsque les tensions surgissent. Confidence­s, post-Alisha, d’ados marqués par la tragédie...

- LAURENT AMALRIC

Plus gros collège du golfe de Saint-Tropez avec près de 800 élèves venus de quatre communes, Gérard-Philipe organisait en novembre dernier une « Journée blanche » pour coller à la date nationale contre le harcèlemen­t. Celle-ci est encore omniprésen­te dans tous les esprits lorsque l’on va à la rencontre des élèves, marqués par la disparitio­n d’Alisha (une collégienn­e de 14 ans tuée par ses amis le 8 mars à Argenteuil).

« L’idée de cette journée était de réaliser des panneaux autour de la tolérance et faire en sorte que l’on se respecte davantage les uns les autres, car c’est loin d’être le cas… », note un élève en sortie de cours. « C’est horrible cette histoire. On se demande ce qu’ils ont dans la tête. Ça fait peur. Ici les plus grands font parfois des blagues douteuses, nous insultent, mais ça s’arrête là », poursuit-il.

« Un lieu où les problèmes émergent »

« C’est quand même blessant et peut parfois amener jusqu’au suicide… », distille d’une petite voix Éléonore, qui confie avoir elle-même souffert des moqueries en raison de sa petite taille, durant la primaire.

« Toute ma scolarité à l’école a été un calvaire. Les garçons étaient violents. Le collège a permis de me dégager de tout ça. Avant je gardais tout pour moi… J’ai compris qu’en parler c’était se protéger », ajoute une camarade qui en grandissan­t avoue avoir « pris du caractère » et ne plus se laisser faire.

« Ici il y a des tensions bien sûr, mais nous restons attentifs à l’effet de groupe, les violences, l’isolement, etc., pour intervenir le plus tôt possible. Pour l’heure nous n’avons pas connaissan­ce de vrais problèmes. Le collège est surtout le lieu où les problèmes émergent, mais attention à ce qui se passe à l’extérieur qui constitue le plus souvent les racines du conflit », avertit la principale, Martine Ortega, sans oublier les fameux « réseaux sociaux »…

« Nous ne sommes pas maîtres de ça et tout va très vite. Parfois certains prennent les brimades sous l’angle de la plaisanter­ie. Ils ne se rendent pas compte des dégâts qu’ils causent. Il faut aussi expliquer aux « harceleurs » les conséquenc­es de leurs actes et les limites à ne pas dépasser» , observe le corps enseignant. « C’est simple, il n’a pas de smartphone et je ne veux plus qu’il aille sur les réseaux. J’ai tout supprimé ! Je reste persuadée que ce n’est pas bon » , insiste Isabelle, maman d’un 6e, qui montre du doigt l’influence de jeux vidéo et dessins animés « de plus en plus violents. C’est quand même loin de la Candy de notre jeunesse ! », sourit-elle. Parce que le harcèlemen­t est une thématique qui mérite régulièrem­ent une piqûre de rappel, Mme Ortega prévoit pour la rentrée prochaine l’interventi­on d’associatio­ns « reconnues par l’Éducation nationale ». Elles formeront élèves comme professeur­s à la gestion des conflits.

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(Photo Jean-Marc Rebour) Un arbre à idées réalisé au collège Gérard-Philipe dont les « fruits » consistent à mieux se respecter.

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