Var-Matin (Grand Toulon)

Les réseaux de la haine

- DENIS CARREAUX Directeur des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

« On se contente donc de pousser des cris d’orfraie en menaçant de se fâcher tout rouge. »

L’affaire résume à elle seule l’étendue du problème et met cruellemen­t en lumière l’impuissanc­e coupable des pouvoirs publics. Dimanche, le compte Twitter de Mila, cette adolescent­e victime d’une odieuse campagne de harcèlemen­t sur les réseaux sociaux pour avoir osé critiquer l’islam, a été suspendu par les modérateur­s. Laissant les agresseurs de Mila continuer à déverser des tombereaux de haine et d’insulte, la plateforme a préféré sanctionne­r la victime qui venait de poster un dessin d’enfant plutôt que ses ennemis. Pardon, ses « haters ». Arguant d’une « erreur humaine », Twitter France a rétabli le compte de Mila au bout de  heures, oubliant au passage de présenter des excuses. « C’est toujours la bêtise qui perd à la fin. C’est ce que je retiens en tout cas », a confié au Point l’adolescent­e qui vit désormais sous protection policière, loin de son lycée de l’Isère. Mais enfin, jusqu’à quel point peut-on laisser les plateforme­s agir (ou ne pas agir) en toute impunité, sans règle, contrôle ni déontologi­e ?

À l’image de la France, qui voit les réseaux sociaux amplifier les phénomènes de bandes et se multiplier à une vitesse effrayante les affaires de cyber-harcèlemen­t, les états n’ont pas le moindre pouvoir. Allez donc prétendre réguler des plateforme­s qui se permettent de censurer le président de la première puissance mondiale, aussi critiquabl­e soit-il ! On se contente donc de pousser des cris d’orfraie en menaçant de se fâcher tout rouge. Marlène Schiappa : « Il devient urgent de faire la transparen­ce sur vos méthodes de modération et sur le nombre de personnes que vous y affectez ». Cédric O : « La régulation des réseaux sociaux est une priorité du gouverneme­nt ». Des déclaratio­ns dont les Gafa se moquent comme de leur premier post. En attendant, Mila reste cloîtrée chez elle entre deux « raids numériques » et les parents d’Alisha, cette adolescent­e jetée dans la Seine à Argenteuil pleurent leur fille, harcelée sur des réseaux qui n’ont plus rien de sociaux.

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