Les réseaux de la haine
« On se contente donc de pousser des cris d’orfraie en menaçant de se fâcher tout rouge. »
L’affaire résume à elle seule l’étendue du problème et met cruellement en lumière l’impuissance coupable des pouvoirs publics. Dimanche, le compte Twitter de Mila, cette adolescente victime d’une odieuse campagne de harcèlement sur les réseaux sociaux pour avoir osé critiquer l’islam, a été suspendu par les modérateurs. Laissant les agresseurs de Mila continuer à déverser des tombereaux de haine et d’insulte, la plateforme a préféré sanctionner la victime qui venait de poster un dessin d’enfant plutôt que ses ennemis. Pardon, ses « haters ». Arguant d’une « erreur humaine », Twitter France a rétabli le compte de Mila au bout de heures, oubliant au passage de présenter des excuses. « C’est toujours la bêtise qui perd à la fin. C’est ce que je retiens en tout cas », a confié au Point l’adolescente qui vit désormais sous protection policière, loin de son lycée de l’Isère. Mais enfin, jusqu’à quel point peut-on laisser les plateformes agir (ou ne pas agir) en toute impunité, sans règle, contrôle ni déontologie ?
À l’image de la France, qui voit les réseaux sociaux amplifier les phénomènes de bandes et se multiplier à une vitesse effrayante les affaires de cyber-harcèlement, les états n’ont pas le moindre pouvoir. Allez donc prétendre réguler des plateformes qui se permettent de censurer le président de la première puissance mondiale, aussi critiquable soit-il ! On se contente donc de pousser des cris d’orfraie en menaçant de se fâcher tout rouge. Marlène Schiappa : « Il devient urgent de faire la transparence sur vos méthodes de modération et sur le nombre de personnes que vous y affectez ». Cédric O : « La régulation des réseaux sociaux est une priorité du gouvernement ». Des déclarations dont les Gafa se moquent comme de leur premier post. En attendant, Mila reste cloîtrée chez elle entre deux « raids numériques » et les parents d’Alisha, cette adolescente jetée dans la Seine à Argenteuil pleurent leur fille, harcelée sur des réseaux qui n’ont plus rien de sociaux.