Nicolas Bouzou : la famille, valeur refuge...
Invité au colloque digital de ce samedi 20 mars, l’économiste libéral croit toujours en les vertus de ce noyau, qui évolue avec les modes de rencontres et de procréation.
On l’interrompt en plein footing d’oxygénation. Mais l’homme n’est ni à bout de souffle, ni à court d’idées. Et puis Nicolas Bouzou a l’habitude de courir. D’un plateau télé à l’autre (de TF1 à BFM, en passant par Arte), quand il ne signe pas une chronique sur L’Express ou dédicace un ouvrage. « Expert » médiasympathique au parler simple et pédagogique, l’économiste libéral transgresse les frontières de sa discipline pour une vision globale de la société. Dans L’amour augmenté, nos enfants et nos amours au XXIe siècle (éditions L’Observatoire), le voilà qui investit dans la famille telle une valeur refuge, malgré des fluctuations liées aux nouveaux modes de rencontres et de procréation. L’amour familial reste une action fortement cotée en bourse, à l’ère de la Covid-19.
On vous connaissait économiste libéral, vous voilà sociologue pour évoquer la famille ? Exactement. J’ai beaucoup écrit sur le travail et les rapports patron-salariés par le passé mais il manquait une étude sur la famille car ce sont deux domaines essentiels pour nos concitoyens. Or pour moi, l’économie n’a jamais été un champ bien délimité, mais plutôt une façon d’analyser le monde. Et l’économiste peut également avoir un regard de sociologue.
Votre conception de la famille, libérale elle aussi ? Complètement. C’est une institution extrêmement évolutive, qui n’est pas uniquement fondée sur les liens du sang, mais qui repose avant tout sur l’amour que l’on porte à son conjoint et à ses enfants. Personnellement, et sans être concerné, j’ai toujours été favorable au mariage homosexuel, à la procréation médicale assistée et peut-être demain à la gestation pour autrui.
La procréation médicale assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA) soulèvent des questions éthiques et recèlent de possibles dérives ?
Il y a des règles à poser, car deux dérives sont possibles : la marchandisation du corps de la femme et le choix des caractéristiques d’un enfant, physiques notamment. Mais il ne faut pas se faire une montagne d’un problème qui n’est pas insurmontable, car il suffit d’interdire. Et même aux ÉtatsUnis où cela peut être autorisé, quasiment personne ne choisit la couleur des yeux.
La famille recomposée coule désormais de source ou elle reste complexe ?
Les deux. Elle ne fait plus débat car il vaut mieux une bonne famille recomposée qu’une mauvaise, et pour l’enfant, mieux vaut la séparation de ses parents que leurs disputes. Mais un divorce parental n’est jamais anodin non plus.
La clé de tout cela, c’est l’amour en partage, quelle que soit la façon dont la famille s’est constituée ? Bien sûr ! Élisabeth Badinter explique que la famille s’est longtemps basée sur les liens du sang, mais on ne s’y aimait pas vraiment. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les mères manifestaient un amour très distanciel, pour ne pas dire absent vis-à-vis de leurs enfants. L’amour intrafamilial est une construction de notre société, il n’est pas du tout automatique. D’ailleurs, encore aujourd’hui, beaucoup de parents maltraitent leurs enfants ou des conjoints violentent leurs concubines.
Tinder vaut bien les bals de quartier d’autre fois ? (rires) Oui, il ne faut pas fantasmer le passé. Tous les jeunes utilisent une appli comme Tinder pour les rencontres amoureuses. Il y a beaucoup de relations d’un soir, mais en dehors du lien virtuel, la relation qui dure reste classique : on va boire un verre, au resto, au cinéma...
Ce marché conjugal a aussi ses laissés pour compte ?
C’est la théorie de Michel Houellebecq. Il y a beaucoup de libertés, mais ceux qui n’en profitent pas se retrouvent au ban de la société. Mais c’était également vrai avant, notamment dans les boîtes de nuit. Il ne faut pas regarder le passé en se disant que c’était mieux et plus romantique.
L’amour familial est une construction”