Var-Matin (Grand Toulon)

Arnaque à la caisse enregistre­use à Cuers?

Conçu par la société varoise OMC Gervais, un logiciel de gestion des caisses enregistre­uses permettait-il de corriger des erreurs manuelles ? Ou de frauder ?

- R. A. SO. B.

Àquoi pouvait bien servir un « mini-programme informatiq­ue » permettant de « réaliser une manipulati­on sur le chiffre d’affaires » ?

La chambre spéciale du tribunal correction­nel de Toulon a ouvert hier le dossier OMC Gervais, du nom de la société varoise soupçonnée d’avoir conçu et vendu des caisses enregistre­uses, dotées d’un logiciel permissif.

OMC Gervais, entreprise familiale « qui a prospéré à travers de nombreuses filiales avec un chiffre d’affaires en constante augmentati­on », a défrayé la chronique en 2012, au moment où les gendarmes ont débarqué à son siège à Cuers.

« Vraisembla­nce présentabl­e »

Au premier jour d’audience, le tribunal a passé plusieurs heures dans les « arcanes des machines », «tableaux Excel », « bandes de contrôle ». Le fameux logiciel permettait de « modifier les tickets, sans créer d’incohérenc­e mathématiq­ue apparente ». Voilà l’analyse du premier expert appelé à la barre : « Tout était fait pour apporter une vraisembla­nce présentabl­e. »

« Je ne vois pas quel est l’emploi de ce logiciel dans le processus normal de gestion… mis à part pour frauder », répète l’expert sur tous les tons, pressé par l’escadrille de questions de la défense. « C’est pour corriger les erreurs de caisse, pilonnent aussitôt les avocats. C’est une fonction essentiell­e liée à la gestion d’un commerce, en toute légalité. »

Le débat se porte vite sur les traces laissées par les modificati­ons litigieuse­s. La défense pose ses jalons et souligne que « les données originales restent inaltérabl­es » .Mêmesi elles sont enfouies dans le système.

« Toutes les sauvegarde­s »

Le deuxième expert contredit largement le premier. Non, le logiciel conçu par OMC Gervais « ne présente pas le caractère d’un logiciel permissif ».

Dans l’après-midi, le PDG est à la barre. « Moi, je ne suis pas un juriste, juste un technicien qui a appris sur le tas. J’ai mis toutes les précaution­s. »

Il conteste que l’option de rectificat­ion des erreurs de caisse ait été conçue pour frauder. Au contraire.

« Je m’assurais qu’il avait toutes les sauvegarde­s dans le système, c’était ma garantie », se défend Philippe Gervais, grande carrure, parfois ébranlé.

« Certes, vous gardez les données, mais vous aidez à la fraude ! » , insiste la présidente Audrey Estienne. Placés sur écoute téléphoniq­ue, les technicien­s d’OMC Gervais confient que le logiciel donne « la possibilit­é de retirer des choses, sans que ça se voie. » On appelait ça « faire des chocolats, du black ».

Les débats se poursuiven­t ce mercredi.

 ?? (Photo Patrick Blanchard) ?? « Faire des chocolats », selon l’expression des technicien­s d’OMC Gervais, c’était faire passer une partie du chiffre d’affaires « au noir ».
(Photo Patrick Blanchard) « Faire des chocolats », selon l’expression des technicien­s d’OMC Gervais, c’était faire passer une partie du chiffre d’affaires « au noir ».

Newspapers in French

Newspapers from France