Var-Matin (Grand Toulon)

Quelle histoire...

- de PHILIPPE CAMPS Journalist­e edito@nicematin.fr

Doit-on commémorer le bicentenai­re de la mort de Napoléon ? C’est l’année ou jamais. Les partisans de la cancel culture ont tranché. Ça va saigner. C’est fatal : ces gens-là sont à couteaux tirés avec l’histoire. Ils la lisent avec un regard contempora­in et la réécrivent avec un ton dogmatique. Autant dire qu’ils ne sont pas là pour rigoler. Ils ne sortent jamais sans leur âme de procureur et leur lame de criminel. Ils jugent et ils tuent. Ils le font sur les réseaux sociaux. Ça évite de finir aux assises. Napoléon, lui, n’échappera pas à leur tribunal. Il va passer un sale quart d’heure. Il l’a bien cherché : il ne triait pas ses déchets. L’Empereur n’avait aucune conscience écologique. Bouuuuuh ! Autre mauvais point : il ignorait l’écriture inclusive. Il n’y a qu’à regarder son Code civil. Quelle honte. Pire : il était sexiste. La preuve : il n’a jamais instauré de quotas en faveur des femmes afin qu’elles intègrent la Grande Armée. Quelle goujaterie ! Enfin ce mufle aimait la viande. Les rôtis, les poulets, les gigots. Ça ne va pas arranger ses affaires auprès de la branche végan du mouvement. Pour eux, Austerlitz n’est pas un chef-d’oeuvre tactique, mais une boucherie. À quand un champ de bataille bio ? Les fanatiques de cette logique souhaitent chasser Napoléon Bonaparte de notre histoire. Les fadas. Décidément, on n’arrête pas le progrès et les progressis­tes. Les statues vont tomber comme à Gravelotte. Clovis, tellement barbare, Charlemagn­e, aux moeurs dissolues, Jeanne d’Arc, si peu féministe et Louis XIV trop ensoleillé n’ont qu’à bien se tenir. Ce sera bientôt leur tour. Ça va déboulonne­r sévère. Notre récit national va maigrir à vue d’oeil. Les livres d’histoire ne dépasseron­t pas  pages. On ne célébrera que les héros du risque zéro et les serviteurs de la repentance. C’est pas ce qui manque. Le pays, à genoux face au monde, honorera Trafalgar et Waterloo. Joséphine de Beauharnai­s sera glorifiée pour avoir été infidèle au petit caporal. Ajaccio devra débaptiser ses rues, routes, avenues, places, jardins, écoles, cours. On plaint les GPS. L’Arc de triomphe sera démoli, les légions d’honneur retirées, le baccalauré­at abandonné, la Banque de France fermée. À la poubelle l’héritage napoléonie­n ! Ses victoires, ses conquêtes, ses rêves, son destin. C’est une légende qu’on assassine. Du haut de son mètre soixante-huit, Napoléon, mort il y a deux siècles, contemple cette jobardise. Pas beau à voir.

« Les statues vont tomber comme à Gravelotte. Ça va déboulonne­r sévère. »

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