Var-Matin (Grand Toulon)

Vol de pierres précieuses à Menton : un coup raté ?

Un escroc serbe avoue avoir préparé une valise de faux billets pour duper une négociatri­ce en diamants. Il nie le vol des bijoux

- CHRISTOPHE PERRIN

Dragan Zivanovic, 55 ans et Srdan Jovanovic, 35 ans, deux Serbes installés à Milan, sont présentés comme des escrocs de très haut vol. Il a fallu des années d’enquête pour que la police judiciaire réussisse à les identifier. Ce sont des spécialist­es du « rip deal ». Une négociatri­ce en diamant l’a appris à ses dépens en 2014 à Menton. Arrivée de Paris, accueillie à l’aéroport de Nice par un chauffeur de limousine, elle avait rendez-vous dans un restaurant de mentonnais avec ces deux soi-disant investisse­urs qu’elle avait déjà rencontrés à Milan. Un certain Dorian Tribus (en réalité Dragon Zivanovic) se présente seul. L’homme au crâne rasé inspire confiance.

Il se comporte en parfait gentleman, offre un parfum à son interlocut­rice et lui demande de présenter les certificat­s d’authentici­té des sept diamants. Sous le prétexte de vouloir examiner les pierres précieuses, il se dirige vers l’extérieur de l’établissem­ent et prend la fuite, abandonnan­t sur place une paire de lunettes et un trousseau de clés. Il s’empresse de franchir la frontière italienne et la négociatri­ce comprend, quelques minutes plus tard, qu’elle a été bernée.

Des précédents en Europe

Europol connaît les deux hommes décrits par la victime.

Ils sont déjà soupçonnés d’avoir sévi en Allemagne où ils ont dérobé 160 000 euros de bijoux au préjudice d’un vendeur autrichien grâce à de faux billets. Ils ont également dérobé 150 000 euros d’or à Milan par un tour de passe-passe dont ils ont le secret. Grâce à l’expertise génétique de la paire de lunettes abandonnée à Menton, les enquêteurs finissent par suivre la piste de Dragan Zivanovic,

connu de la justice suisse pour un vol de lingots d’or.

Le juge d’instructio­n de Nice lance alors un mandat d’arrêt internatio­nal pour retrouver les deux suspects. Pas simple alors que ces deux hommes, très mobiles, sans adresse, circulent dans toute l’Europe et changent sans arrêt de numéros de téléphone et d’identité. Finalement, coup de chance : Zivanovic est retrouvé en juin 2018 dans une prison italienne en train de purger quatre ans de prison pour un vol d’or. Les autorités transalpin­es l’ont remis à la France l’an dernier. Son complice, lui, court toujours.

Victime absente

Jeudi, pour sa défense devant le tribunal correction­nel, Dragan Zivanovic, qui a troqué son élégant costume pour un survêtemen­t, prétend qu’il n’a dérobé que les certificat­s d’authentici­té. Son avocat, Me Christian Di Pinto, le croit d’autant plus que la victime « très naïve malgré ses trente ans d’expérience dans les diamants n’est même pas là pour réclamer des dommages et intérêts ». La justice retient la circonstan­ce aggravante de bande organisée en raison du stratagème. La peine encourue est de 10 ans de prison «Jesuis dans de sales draps sans avoir rien fait », se lamente en italien le prévenu. Pourquoi n’a-t-elle pas crié, n’at-elle pas essayé de me rattraper ? » Le président Levrault fait remarquer que le gérant du restaurant décrit

« une femme paniquée » qui évoque déjà la vente d’un appartemen­t pour pouvoir rembourser les bijoux disparus« En quoi voler les certificat­s présentait un intérêt ? » cherche à comprendre le président. « Pour la convaincre d’aller en Italie, rien de plus. Parce que les lois sont plus rigides en France », rétorque Zivanovic.

« J’avais préparé une valise pleine de fausses monnaies mais elle n’est pas venue », ajoute-t-il.

Le procureur requiert cinq ans de prison et une interdicti­on de séjour en France, rappelant qu’un vol en bande organisée est passible de 10 ans d’emprisonne­ment...

« Le noeud du problème ce sont les diamants. Personne ne rapporte la preuve du vol », plaide Me Di Pinto qui demande la relaxe. L’absence de la victime pèse lourd au moment du délibéré. Le tribunal requalifie les faits en tentative d’escroqueri­e et condamne Zivanovic à deux ans de prison. De quoi lui faire espérer une prochaine libération.

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(Photo d’illustrati­on Unsplash/Edgar Soto)

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