L’association Anticor va-telle perdre son agrément ?
Aujourd’hui, le Premier ministre doit se prononcer sur le renouvellement de l’agrément qui permet à l’association de lutte contre la corruption de se porter partie civile.
Jean Castex a la journée pour trancher. Dans le vif ? Le Premier ministre doit se prononcer sur le renouvellement de l’agrément d’Anticor, l’association de lutte contre la corruption en politique, présidée jusqu’en mars 2020 par le Niçois Jean-Christophe Picard. Et ce dernier, aujourd’hui élu d’opposition à Christian Estrosi à Nice, redevenu simple « membre », sent le « coup venir ». « S’il ne renouvelle pas l’agrément, on contestera ce refus », grince Jean-Christophe Picard. Qui ajoute : « On a compris : le gouvernement aimerait nous débrancher. »
Des proches de Macron...
Anticor a déposé des dizaines et des dizaines de plaintes dans des affaires de corruption, de favoritisme, de prises illégales d’intérêt. Contre des élus locaux, la plupart du temps. Mais pas seulement : parmi ces plaintes, l’une vise Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée, une autre, le président de l’Assemblée, Richard Ferrand [hier, il a réussi à faire reconnaître la prescription dans son dossier, Anticor envisage le pourvoi en cassation, NDLR], une troisième, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. Et Olivier Véran vient de faire son entrée dans ce cercle plus très fermé. Anticor vient de porter plainte contre le ministre de la Santé pour « favoritisme » dans la gestion de l’application TousAntiCovid. Alors, Anticor et son agrément, un enjeu politique ?
« J’ai été purgé »
En parallèle, ça s’agite (un peu) au sein et (beaucoup) autour de l’association : un brouhaha fait d’accusations en tous genres, pointant notamment 2015-2020 : les « années Picard ». Elles émanent d’anciens membres comme Claude Marcel, ex-administrateur, ex-référent Anticor en Meurthe-et-Moselle. Il voulait la présidence au moment de la démission du Niçois il y a un an. Mais, c’est l’avocate Élise Van Beneden qui a été élue. Logique, selon Claude Marcel : « Lors de ce conseil d’administration, on voulait discuter de la présence de cadres politiques, et on s’interrogeait sur les noms de certains donateurs, on avait des doutes sur plein de choses. » De plus, selon lui, le vote du conseil d’administration n’est pas valide : « L’un des 21 administrateurs n’était pas à jour de cotisation et ça a fait basculer le vote. » Il poursuit : « Ensuite, Mme Van Beneden a demandé la révocation du CA. On a fait une liste contre elle, on a eu six administrateurs, eux quinze. Pour la même raison, ce n’est pas valide. Alors, nous avons fait une assignation en justice. » Claude Marcel est « écoeuré »: « Depuis, j’ai été “purgé”. Ils m’ont viré. Je ne suis même plus adhérent. Ils ont pris des prétextes fallacieux. » Pour lui, « Picard est toujours à la manoeuvre, pas loin derrière. »
« Il voulait présidence »
Jean-Christophe Picard avance ses arguments : « L’administrateur en question n’était pas à jour de cotisation en raison d’un bug informatique. Lorsqu’on s’en est rendu compte, on lui a dit, et ça a été rectifié. » Pour l’ex-président, tout a été fait dans les règles. La preuve, assure-t-il, «samedi, Élise [Van Beneden] a été réélue par les administrateurs 12 voix sur les 17 présents. Et à l’AG, sur 400 participants en virtuel, les rapports moral et financier - ont été approuvés à près de 90 %. Les adhérents ne se font pas enfumer par toutes les boules puantes qui sont lancées. » Quant au “cas” Claude Marcel : « Il voulait la présidence, il ne l’a pas eue, voilà... Et on avait de bonnes raisons de ne pas le garder, quand on est membre d’une association, on ne fait pas n’importe quoi, comme diffuser des infos diffamatoires », soupire Picard.
Claude Marcel, lui, n’en démord pas : « Plus rien n’est clair chez Anticor. » Jean-Christophe Picard dégaine une tribune publiée sur le Huffington Post, signé par des dizaines d’associations et de syndicats qui clament : « M. Castex, pour notre démocratie, l’agrément d’Anticor doit être renouvelé. »