Var-Matin (Grand Toulon)

Droit des animaux : Toulon sur la scène internatio­nale

La Déclaratio­n de Toulon sur la personnali­té juridique de l’animal vient de fêter ses deux ans. Les travaux des enseignant­s-chercheurs Caroline Regad et Cédric Riot, ont fait le tour du monde.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CATHERINE HENAFF

Deux petites bougies et la voilà déjà connue dans le monde entier. La Déclaratio­n de Toulon a été coécrite par deux enseignant­s-chercheurs toulonnais, Caroline Regad et Cédric Riot, à l’issue de trois colloques consacrés à la personnali­té juridique de l’animal. Proclamée le 29 mars 2019, elle prend en considérat­ion les travaux des chercheurs en neuroscien­ces et abonde la Déclaratio­n de Cambridge du 7 juillet 2012. Elle dit notamment que « la qualité de personne, au sens juridique, doit être reconnue aux animaux ». Pour faire avancer le droit sur cette question, Caroline Regad et Cédric Riot ont créé un DU (diplôme universita­ire) « droit des animaux » dont les contenus seront enseignés pour la première fois intégralem­ent à distance. La promotion printemps 2021 démarre le 10 avril.

La Déclaratio­n de Toulon vient de fêter ses deux ans. Quels développem­ents a-t-elle connus depuis le  mars  ?

Caroline Regad : elle a fait le tour du monde, très rapidement et touché le monde des personnes spécialisé­es en droit des animaux. Elle a intégré les documents des centres de recherche internatio­naux. Elle est aujourd’hui référencée parmi les documents de droit internatio­naux. On la retrouve exposée aux étudiants dans les centres de recherches en droits des animaux aux côtés de documents comme Cambridge (Déclaratio­n de Cambridge signée en juin , Ndlr).

Cédric Riot : la déclaratio­n est intégrée dans les documents de certains travaux dirigés en droit civil. Dès les premières semaines après sa proclamati­on, elle a été traduite spontanéme­nt dans de nombreuses langues. Il y a des traduction­s officielle­s sur le site de l’Université de Toulon (le document est présenté en six langues, Ndlr). Elle a été largement médiatisée. Caroline Regad : la Déclaratio­n a également été diffusée dans plusieurs colloques à l’étranger en . On a même été surpris que certains pays créent des événements pour son anniversai­re.

Quelle utilisatio­n en est faite aujourd’hui ?

Caroline Regad : elle est utilisée à travers le monde par des avocats, des chercheurs, des sénateurs, des députés pour faire avancer le statut juridique de l’animal. L’une des actualités les plus récentes, c’est le Sénat mexicain qui cherche à constituti­onnaliser le droit des animaux et qui va utiliser la Déclaratio­n de Toulon à l’appui de cette évolution constituti­onnelle.

Cédric Riot : nous avons reçu un courrier du Sénat mexicain précisant que la Déclaratio­n de Toulon faisait partie des documents de travail pour faire réviser le statut juridique de l’animal au Mexique et notamment l’intégrer dans la constituti­on (la sénatrice Jesusa Rodriguez a sollicité la participat­ion des chercheurs toulonnais au Forum pour la reconnaiss­ance du droit des animaux organisé le  février à Mexico, Ndlr).

Un dossier a été consacré à vos travaux dans la revue Droit et Patrimoine. Qu’est-ce que ça représente ?

Cédric Riot : ce sont  pages qui reprennent nos travaux de recherche : Déclaratio­n de Toulon, Charte du droit du vivant, propositio­n de rédaction d’un texte de loi, théorie des personnes non humaines. Tout y est, les terminolog­ies nouvelles que l’on propose, l’évolution du statut. Avoir un dossier spécial, qui fait la une, sur un thème de recherche de  pages, c’est assez exceptionn­el. Ça met en avant l’Université de Toulon. La revue Droit et Patrimoine est utilisée dans les université­s. Elle est référencée dans toutes les bibliothèq­ues de France et accessible à tous les étudiants en droit sur le portail Lamyline.

Vous avez créé un Diplôme universita­ire « Droit des animaux ». À quand remonte l’idée ?

Cédric Riot : il y a très longtemps. Ça fait une vingtaine d’années que je suis avocat. Je me suis aperçu que certains juges ne voulaient pas, parfois ne savaient même pas qu’ils pouvaient, statuer concernant l’animal. C’était avant . L’animal n’était même pas, au regard du Code civil, doté de sensibilit­é. Encore aujourd’hui, il y a une méconnaiss­ance dans ce domaine. Au regard de cette pratique du droit, il me semblait bon d’offrir aux juges des modules de formation courts et très approfondi­s sur le droit des animaux. La fonction de magistrat est très difficile. Les juges n’ont pas de temps. Ça peut se faire en quelques mois. Caroline Regad : de mon côté, n’étant qu’universita­ire, j’ai remarqué qu’il y avait une carence dans les enseigneme­nts. Le constat de Cédric dans la pratique et le mien dans la théorie, cela nous a convaincus qu’on devait faire quelque chose.

À qui est destiné ce diplôme ? Cédric Riot : à toutes les personnes qui travaillen­t avec les animaux. C’est ouvert à tout le monde. On a des vétérinair­es, des avocats, des étudiants, des infirmière­s, des personnes qui ne sont pas juristes mais qui travaillen­t dans des milieux avec des animaux. Certains veulent travailler sur le lien entre la santé publique et la santé animale. Il y a des choses très intéressan­tes à faire.

Comment va se dérouler cette formation ?

Caroline Regad : ce sera en distanciel. Étant enseignant­e à l’université, j’ai pu constater que les outils numériques offraient des supports et interactio­ns plus importants que dans un amphithéât­re. J’aime bien cette phrase : les personnes sont de moins en moins rencontran­tes et de plus en plus communican­tes. Cédric Riot : ce choix du distanciel n’est pas dû à la crise sanitaire. On a eu une forte demande pour le online. Beaucoup de personnes étant à l’étranger, ça évite la trace carbone, les frais de logement. Dans les intervenan­ts, il y a des magistrats, avocats, enseignant­schercheur­s, chargés de mission au Conseil de l’Europe. On a voulu des enseignant­s de qualité, avec une vraie rigueur. On n’a pas souhaité de lien avec le monde associatif. Il n’y a pas de juriste, ni d’avocat d’associatio­n. On n’a pas voulu effrayer le monde agricole qui pourrait penser que c’est pro animaux. Pas du tout. On a gardé un contenu très objectif qui s’adresse au plus grand nombre.

‘‘ Ilyaune méconnaiss­ance en droit des animaux ”

‘‘ On a voulu un contenu très objectif ”

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