« Face à la malhonnêteté intellectuelle, on ne peut pas lutter »
Dans le bus qui raccompagnait l’équipe à l’aéroport de Dublin, hier vers 18 h (heure locale), le manager toulonnais Patrice Collazo a accepté de revenir sur les péripéties des heures précédentes.
Quel est votre sentiment quelques heures après l’annulation de ce match ?
C’est avant tout une grosse déception pour le club dans son ensemble, des joueurs jusqu’aux supporters. On ne s’y attendait vraiment pas. Il y a aussi beaucoup de frustration et de colère sur la manière dont cela s’est passé depuis mercredi. On pensait avoir tout mis en oeuvre, force est de constater que non. On se retrouve à l’inverse de ce qui avait été fait à Llanelli. Là-bas, la situation était beaucoup plus critique, ils avaient des positifs en pagaille et une vingtaine de cas contatcs, et il fallait jouer. À Dublin, nous étions dans une situation que nous avons maîtrisée, la LNR nous a d’ailleurs appuyés, mais dès que nous avons apporté tous les éléments nécessaires, il y avait autre chose. Il fallait tout filmer, dormir un par chambre, ne pas manger ensemble, donner le plan de l’avion, du bus… On a accepté les contraintes, sans avoir l’honnêteté en face.
On vous laisse venir faire le captain run, pour finalement annuler le match six heures avant. C’est incompréhensible... Si l’on reprend l’historique, mercredi nous avons appris que nous avions un cas positif. Le médecin du club, Didier Demory, et la team manager, Justine Benoit, sont restés jusqu’à minuit pour fournir un contact tracing de tous les joueurs en s’appuyant sur la vidéo. On a tout fait dans l’ordre. À partir de là, l’EPCR nous dit que tout est bon, que l’on peut monter dans l’avion. Et quand on arrive ici, dès la première call conference, jeudi soir, on a compris… On nous a annoncé six joueurs de première ligne cas contacts.
Le critère, c’était : des joueurs qui sont restés plus de trois secondes à côté de leur coéquipier positif. On peut en trouver six comme douze ou cinquante. À chaque fois que nous apportions des solutions, il y avait autre chose. C’est un règlement à tiroirs.
On en ferme un, on en ouvre un autre. Il y a toujours un “oui mais”. Et finalement, ce matin (hier) on s’entend dire que ça ne va pas être possible et que l’on doit sortir les six joueurs de la feuille de match, tout en nous donnant l’opportunité d’en rappeler six…
C’était impossible ?
Mais comme on leur a dit, déjà on ne peut mettre que dix joueurs de première ligne sur les listes. Et surtout, aucun effectif ne peut se permettre de sortir six joueurs comme ça d’un groupe. Il y a des choses qu’on aurait pu anticiper si ça avait été clair. Aujourd’hui, il y a un coût préjudiciable pour le club en termes d’image mais aussi sur le plan financier. Les attentes sont multipliées par dix par rapport au protocole de la Ligue. Il faut prévoir l’imprévisible. C’est une gestion catastrophique de leur part.
Pensez-vous avoir payé le précédent de Llanelli ? Peut-être… Après, s’ils ont voulu montrer qu’ils contrôlaient…
Ça va, en deux matches, on a bien compris. Mais bon, quand vous mobilisez tout un squad comme ça… Ça a été une usine à gaz pour faire ce déplacement. Mais face à la malhonnêteté intellectuelle, on ne peut pas lutter. On a l’impression d’avoir été attiré dans une souricière. Très vite, dès jeudi soir, on a senti que la messe était dite.
Comment vos joueurs ont-ils vécu la situation ?
Ils étaient forcément concernés pour jouer un 8e de finale. Nous les avions mobilisés, notamment les internationaux qui étaient revenus trois jours avant.
Tout le monde a mis beaucoup d’investissement. Ce sont de gros matches à préparer. Nous étions conscients de la tâche qui nous attendait, on s’était préparé à jouer un match de rugby, mais pas à ça. Les joueurs ont vite senti qu’il y avait un problème. Ce matin (hier), le Leinster nous a refusé l’accès au stade ! Nos buteurs n’ont pas pu s’entraîner, on est parti sur un petit terrain à côté…
Cette compétition était déjà difficilement lisible. A-t-elle encore un intérêt sportif ? Quand vous arrivez en phase finale et qu’il y a des victoires sur tapis vert comme ça… Après, tant mieux si les autres clubs français arrivent à jouer et défendre leur chance, je leur souhaite, mais bon… Quand l’EPCR nous rétorque qu’ils pensent d’abord à la santé des joueurs… À ce moment-là, il fallait nous laisser chez nous, les clubs français, et annuler la compétition !
‘‘ Il faut prévoir l’imprévisible”