L’Émeraude, de retour d’une mission hors normes
Après sept mois de navigation qui l’ont conduit à l’autre bout du globe, le sous-marin nucléaire d’attaque a achevé mercredi à Toulon un déploiement en tous points exceptionnel.
Des rafales à 60 km/h et une mer formée : pour son retour dans la rade mercredi, après un déploiement de sept mois, l’Émeraude aurait pu espérer des conditions météo plus clémentes. Mais le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), qui vient de parcourir 46 000 km à travers notamment l’océan Indien, le Pacifique et la mer de Chine, en a vu d’autres. Et c’est bien sur le pont, malgré les embruns, qu’une petite partie des 70 hommes d’équipage a assisté aux manoeuvres d’accostage dans la zone Missiessy du port militaire de Toulon.
À quai, le chef d’état-major de la Marine Pierre Vandier a de suite exprimé « son immense fierté »devant les marins de l’Émeraude, mais aussi ceux du bâtiment de soutien (BSAM) Seine , qui a accompagné le SNA depuis son appareillage le 19 septembre dernier. Un hommage rare que l’amiral a expliqué en ces termes : « Soyez assurés que cette mission d’intérêt stratégique a été suivie par les plus hautes autorités de l’État. Le nombre de nations capables d’accomplir une telle prouesse se compte sur les doigts d’une demi-main. »
Il faut dire que cette mission Marianne relevait du déploiement exceptionnel : inédit de par sa durée, la distance parcourue et les zones visitées. À titre d’exemple, les dernières missions de SNA aussi loin de leurs bases remontaient à 1985 (le Rubis à Nouméa) et 2001 (la Perle, en Australie). Grâce au soutien de la Seine, qui embarquait 900 pièces de rechange pour l’Émeraude et qui a joué les remorqueurs dans le canal de Suez, le « bateau noir » a pu compter sur « une assurance vie technique et logistique » à l’autre bout du monde.
La mer de Chine, un secteur très stratégique
Partir aussi longtemps a permis au sous-marin de réaliser des exercices avec les marines australienne, américaine et japonaise, ses principaux alliés dans la région IndoPacifique. Fin décembre, c’est à l’île de Guam, dans l’océan Pacifique, où les États-Unis possèdent une base militaire, qu’une relève d’équipage a même pu s’opérer, à la fois sur l’Émeraude et la Seine. Du jamais vu. Mais l’essentiel était sans doute encore ailleurs. Ni dans les premières pentes de la fosse des Mariannes, endroit le plus profond de la croûte terrestre que le SNA a « survolé ». Ni à Perth, en Australie, pays où l’Émeraude a fait relâche et avec lequel un important contrat d’armement est en cours.
Car après la mer des Philippines, c’est bien dans les profondeurs géopolitiquement sensibles de la mer de Chine que le submersible a patrouillé. Des manoeuvres loin d’être anodines. « La France a vocation à déployer des sous-marins sur toutes les mers du globe » a brièvement justifié le capitaine de frégate Antoine Delaveau, commandant de l’Émeraude (équipage bleu). « La France a le droit de naviguer librement dans les eaux internationales » a insisté le capitaine de corvette Anthony Salmon, commandant de la Seine. Des eaux où l’Empire du Milieu, puissance maritime militaire en expansion, revendique sa souveraineté, et où les tensions internationales sont fortes. Le bâtiment français y estil allé en mode « furtif » ? A-t-il croisé des navires de guerre chinois ? Dans quelles zones s’est-il aventuré ? « Pas de commentaire », s’est borné a répété l’autre pacha de l’Émeraude, le capitaine de frégate Julien Leblanc.
Au final, le déploiement Marianne a certes relevé du défi opérationnel, témoignant des capacités de la Marine nationale à « se déployer loin et longtemps sur toutes les mers du globe », dixit l’amiral Vandier. Il a offert de précieuses coopérations militaires avec les États « amis ». Mais la France, « puissance de l’Indo-Pacifique », a surtout souhaité montrer qu’elle entendait protéger ses intérêts dans la zone. Pour cela, la puissance d’un engin furtif de 70 m de long vaut bien des discours.