« Signalez vos pêches accidentelles de cétacés »
Membre du Groupe de recherche sur les cétacés basé à Antibes, Adrien Gannier souhaite voir scientifiques et pêcheurs oeuvrer ensemble. Et rappelle l’importance de déclarer les captures.
Afin de mieux protéger l’espèce”
Aucune volonté de polémiquer. Adrien Gannier se veut clair : il n’est pas question de tancer une profession. Ce n’est pas en son nom que le vétérinaire parle.
Son alerte résonne comme celle de tous les membres bénévoles du Réseau national échouages. Également engagé au sein du Groupe de recherche sur les cétacés basé à Antibes, le spécialiste prend la parole pour faire passer un message de la plus haute importance. Ne voulant ni culpabiliser les pêcheurs, ni les pointer du doigt, il met sur la table le délicat sujet des pêches accidentelles de cétacés en Méditerranée…
Quel constat dressez-vous en termes d’échouage ? Sur les cinq derniers mois, nous avons réalisé huit nécropsies de cétacés – ce qui, je vous l’accorde, n’est pas un nombre très important – après échouage. Sur ces derniers, trois portent les traces de capture dans des filets.
Comment pouvezvous voir cela ? Si le corps n’est pas resté longtemps dans l’eau – ce qui le dégrade considérablement – on peut voir des marques, des griffures causées par les filets, sur le rostre notamment. Il y a aussi des signes d’asphyxie qui peuvent être significatifs. Mais le problème ne réside pas dans le nombre d’animaux que l’on trouve. Plutôt dans ceux que l’on
ne voit pas.
C’est-à-dire ? Il est évident qu’une partie des captures accidentelles ne sont pas connues. Pourtant, ce n’est absolument pas puni par la loi de trouver dans ses filets un cétacé. Ce qui l’est, c’est de ne pas le déclarer. Et pire : de mutiler l’animal avant de le rejeter en pleine mer.
Cela arrive vraiment ?
On en trouve, oui. Souvenez-vous, il y a quelques semaines cet hiver, un petit dauphin d’, mètre a été découvert sur une plage à Cannes. Il portait une longue estafilade.
On peut clairement penser que c’est une marque faite par l’humain.
Un tel geste peut relever de l’article de l’arrêté du
er juillet condamnant la « destruction », la « mutilation », « la capture ou l’enlèvement intentionnels ».
Concrètement, comment déclarer une pêche accidentelle de cétacé ? C’est l’article de l’arrêté du er juillet qui définit l’obligation de déclaration des captures accidentelles sur le plan administratif. Il faut reporter ce fait sur le journal de pêche – taille de l’animal, localisation etc. – et prévenir en cas de capture le CROSS par radio VHF ou bien alerter les pompiers. En « bonus », ce serait également de prévenir le Réseau national échouage, ce n’est pas obligatoire légalement parlant, mais cela rendrait la communication plus rapide.
Pourquoi les déclarations sont si peu nombreuses ? Je pense que l’information n’est pas clairement passée auprès des professionnels de pêche. Certains doivent ignorer qu’il est nécessaire de déclarer les captures et que cela ne les pénalisera en aucun point. De plus, c’est un acte qui est anonyme.
‘‘ La capture accidentelle n’est pas punie par la loi”
Que va pouvoir vous apporter cette plus grande visibilité sur la réalité des captures ?
De nombreuses données. Aujourd’hui, il est difficile de livrer une analyse pouvant clairement faire état de la situation puisque nous sommes bien loin d’avoir une vue exhaustive. Le but est de comprendre le contexte de ces accidents.
Pour au final les éviter ? C’est ça. De ce que l’on a pu constater, ce sont des dauphins bleu et blanc, plutôt jeunes, qui en sont victimes. On sait qu’ils aiment remonter les canyons, ils peuvent être pris dans des filets au bout. Ou peut-être nagent-ils moins profond ? En ayant plus d’informations nous pourrions étudier cela. Et, ainsi, limiter les captures accidentelles. Parce que l’on sait très bien que cela ne fait plaisir à aucun pêcheur de voir un dauphin dans ses filets. Le but est d’oeuvrer tous ensemble afin de protéger l’espèce. C’est gagnant-gagnant.