Var-Matin (Grand Toulon)

Covid, fin de saison... Collazo sans filtre

Privé de compétitio­n depuis sa défaite à Lyon (54-16), le 27 mars dernier, le RCT se retrouve empêtré dans la Covid. Malgré tout, Patrice Collazo maintient le cap et affiche les ambitions.

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Longtemps le RCT a su raffûter la Covid-19. Mais alors que la situation se tend sur l’ensemble du pays, et notamment dans le Var, les joueurs et le staff toulonnais sont à leur tour frappés de plein fouet. Depuis lundi, les cas se multiplien­t au club. Le match à Montpellie­r a été reporté, le centre d’entraîneme­nt a été fermé. La rencontre de la semaine prochaine face à Agen demeure incertaine. Dans ce contexte, alors que son équipe est sortie du top  après son revers à Lyon, Patrice Collazo livre son analyse de la situation et plus généraleme­nt de la saison.

Comment se porte le groupe, avec les cas de Covid qui se multiplien­t ?

Déjà, on se sent un peu moins seuls. En début de semaine, nous étions les seuls, on voit que finalement que nous ne sommes pas une exception à la règle et que d’autres clubs sont touchés, même si bien entendu on ne souhaite ça à personne. Nous avons été épargnés pendant plusieurs mois dans une des régions les plus touchées, avec seulement deux joueurs et deux membres du staff lors des dix derniers mois mais là, ça nous est tombé dessus d’un coup. Les cas se sont multipliés chaque jour.

Malgré toutes les précaution­s, une bulle sanitaire parfaiteme­nt étanche ne peut exister…

Nous avons la chance que notre responsabl­e médical, Didier Demory, soit médecin à l’hôpital Sainte-Musse. Chaque jour, il nous informe de la situation réelle, avec un hôpital surchargé, des cas qui rentrent. Nous faisons de la prévention mais c’est compliqué, on ne peut pas vivre enfermé sans rien faire. La bulle sanitaire peut être hermétique au centre d’entraîneme­nt, c’est là qu’on risque le moins, mais dès qu’on sort, les joueurs vivent : ils voient leur famille, des amis, vont faire leurs courses… Là, à aucun moment, il n’y a eu une infraction au protocole sanitaire. Nous avons fonctionné comme depuis dix mois sauf que là, ça a pris de l’ampleur au fur et à mesure des cas recensés. Quand il commence à y en avoir une douzaine et que tous les trois jours, lorsqu’on se teste, il y en a d’autres… C’est compliqué. Le match à Montpellie­r est logiquemen­t reporté mais ça me paraîtrait logique que celui d’Agen le soit également. Il faut qu’on casse la chaîne. Je comprends les contrainte­s de calendrier, s’il faut jouer en semaine on le fera, mais nous n’allons pas exposer les joueurs à prendre plus de risques. On a vraiment beaucoup de cas.

Les joueurs peuvent-ils s’entraîner ?

Le centre d’entraîneme­nt est fermé aux joueurs. Seule une partie de l’administra­tif y travaille. Les joueurs sont chez eux et suivent un programme d’entraîneme­nt individuel. Nous suivons pas à pas les consignes de la Ligue nationale de rugby. Nous avons été testés mercredi, il y avait de nouveaux cas, et nous sommes à nouveau testés aujourd’hui. C’est sur neuf jours, plus ou moins, que les cas apparaisse­nt. On a commencé lundi dernier, donc l’isolement va courir au moins jusqu’en milieu de semaine prochaine. En attendant, on n’a pas vraiment de visibilité.

D’autant que derrière se pose aussi la gestion de la reprise des joueurs touchés…

Il y a un cahier des charges de reprise précis, avec des tests cardio. Des examens à l’hôpital, avec des tests à l’effort. Nous avons des joueurs avec des symptômes, rien de grave juste un peu de fièvre, et d’autres non. Nous avons la chance d’être une catégorie de population très entraînée, avec des garçons forts physiqueme­nt, ce qui fait que nous sommes moins touchés. Mais cela reste tout de même un sujet de préoccupat­ion pour notre staff médical.

Ce contexte peut entraîner de l’usure mentale. Comment maintenir l’implicatio­n des joueurs ?

Si l’on prend les choses purement factuelles, il y a eu les doublons, les blessures, le match de Lyon, l’annulation du Leinster et celle de Montpellie­r, il peut effectivem­ent y avoir une certaine lassitude. Mais on ne peut pas s’attarder dessus, ni en faire une excuse. J’ai les joueurs au téléphone, ceux touchés par le virus mais également les leaders. Je sens plus une mobilisati­on générale qu’un laisserall­er, des joueurs qui ont l’envie de lutter contre les coups du sort. Nous allons rentrer dans le money time. Même si nous devons jouer en semaine ou avec des blessures, l’excitation d’une fin de saison et la perspectiv­e de se qualifier pour la phase finale doivent l’emporter sur le reste.

D’autant que si l’on revient au sportif, l’équipe reste sur la lourde défaite à Lyon, où le groupe n’avait pas montré son vrai visage.

Ce n’est pas le vrai visage, mais c’est une de ses facettes. Quand on fait une prestation comme ça, il ne faut pas non plus se cacher. Nous sommes capables de faire des performanc­es comme nous sommes capables de passer au travers sur les fondamenta­ux et les basiques du rugby, mais aussi ceux de la vie d’un groupe. On est capable des extrêmes. Ce qui a changé, c’est que nous sommes sortis du top . Jusqu’à présent, nous avions toujours été dans les qualifiabl­es. Nous ne pouvons donc plus aborder les choses de la même façon. Mais ça, les joueurs en ont conscience. Quand on commence à disposer de tout l’effectif, qu’il y a de la concurrenc­e et que l’on rentre dans les matches décisifs, il y a une excitation. Les joueurs restent des compétiteu­rs. Ils ont travaillé dur pendant cette saison complexe, ils ont l’envie de se qualifier et de remettre le RCT à sa place.

Le mode « phase finale » est-il d’ores et déjà enclenché ?

C’est un état d’esprit. C’est pareil pour chaque équipe. Il y a le championna­t et le mode « phase finale ». Chaque joueur a une disquette différente. Là, effectivem­ent, nous n’avons plus le choix. Notre seul luxe, c’est d’avoir notre destin entre nos mains. Nous ne dépendons pas des autres. Si nous devons le faire, nous ne le devrons qu’à nous-mêmes. Si nous n’y parvenons pas, cela voudra dire qu’il nous a manqué certaines choses et que nous ne sommes pas tous allés dans le même sens. Le truc est simple. Aujourd’hui, tous les jours, les joueurs voient le classement. Il est affiché dans la salle de réunion. On leur rappelle les objectifs que l’on s’est fixés en début de saison. Mais les objectifs, c’est une chose. Comme on dit : « Dire, ça fait rire. Les faire, ça fait taire. »

‘‘ Tous les jours, les joueurs voient le classement”

Pour vous, est-ce un match à quatre pour deux places qui se dessine entre Bordeaux, Lyon, Castres et Toulon ?

Je ne vois pas ça comme ça. Les seuls avec qui nous sommes en concurrenc­e, c’est nous-mêmes ! Je le répète aux joueurs, nous sommes nos propres adversaire­s. Et c’est déjà pas mal. Nous détenons une partie de l’équation. À nous de savoir ce que nous voulons mettre dans cette fin de saison. Si, comme à Lyon, nous n’y mettons rien, nous n’aurons rien à l’arrivée. Mais si nous y allons tous ensemble, comme cela a parfois été le cas, nous devenons beaucoup plus compétitif­s. À nous de savoir où nous plaçons la dimension mentale et l’envie de faire quelque chose en termes de groupe. Pour le club et les supporters.

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