Var-Matin (Grand Toulon)

Les conseils du champion de la mémoire

Gens d’ici Premier lauréat du titre de champion de France de la mémoire, en 2015, le Seynois Sébastien Martinez met ses techniques mnémotechn­iques au service du plus grand nombre.

- mguillon@nicematin.fr PROPOS RECUEILLIS PAR M. G.

Ingénieur de formation, Sébastien Martinez, 34 ans, a connu une première expérience profession­nelle dans une entreprise qui produit de l’électricit­é. Après avoir installé des centrales photovolta­ïques dans le sud de la France, il fait le choix, en 2012, de vivre de sa passion : les techniques de mémorisati­on. En 2015, il devient le premier champion de France de la mémoire, puis vicechampi­on du monde avec l’équipe de France en 2018. Reconverti formateur en mémorisati­on auprès d’étudiants et d’entreprise­s, avec une méthode qu’il a mise au point, il est régulièrem­ent invité sur les plateaux de télé et souvent sollicité par Michel Cymes pour partager ses conseils sur Internet ou dans son magazine Dr. Good.

Comment avez-vous adapté votre activité à la crise sanitaire ?

J’ai transformé les stages de mémorisati­on en classes virtuelles, en ligne. Et clairement, cela m’a permis d’avoir plus d’impact. Déjà parce qu’on peut avoir plus de monde en formation avec des visio-conférence­s réunissant une centaine de personnes. Ensuite, je m’aperçois que le rythme est plus bénéfique. Avant l’épidémie, les stages se déroulaien­t sur  journées intensives. Depuis un an, les sessions en distanciel ont lieu sur  jours ( h par jour). Et les résultats sont meilleurs car le fait de pratiquer de manière fractionné­e permet aux élèves de mieux assimiler.

Avec « l’école à la maison », la demande a-t-elle évolué ? L’essentiel de mes stagiaires a toujours été des étudiants en filières scientifiq­ues et juridiques (celles où l’enjeu de mémorisati­on est le plus fort). Mais, oui, depuis un an, j’ai de plus en plus de demandes de parents d’élèves, qui s’impliquent davantage dans l’apprentiss­age, par choix et par obligation. Ils participen­t souvent aux stages avec leurs enfants, partagent un moment ludique et acquièrent une méthode qui va les aider à apprendre mieux et plus vite. Par ailleurs, j’ai aussi de plus en plus d’apprenants (enseignant­s, formateurs…).

Le confinemen­t, le fait d’être coupé de relations profession­nelles et amicales a-t-il un impact sur la faculté de mémorisati­on ? L’isolement peut impacter la motivation, et on peut plus facilement se laisser aller. Quand on s’ennuie, passer du temps devant les écrans peut aussi entraîner une certaine paresse intellectu­elle. Et si on ne fait pas d’effort, c’est plus difficile de se concentrer.

De manière générale, le mode de vie impacte les capacités cognitives, dont l’attention fait partie. de manière rationnell­e (associer les informatio­ns de manière cohérente) ou avec des liens loufoques. Et pour la consolidat­ion, cela se fait de manière active (en pratiquant, en répétant) et

‘‘ Avec du travail et une méthode tout devient possible” passive (lorsqu’on dort ou que l’on rêvasse tout en étant éveillé).

Rappelez-nous les bases de votre méthode de mémorisati­on ?

Trois clés : l’attention, l’associatio­n, la consolidat­ion. Pour la première, cela suppose d’avoir une bonne hygiène de vie (notamment bien dormir) et faire des pauses durant le travail. Pour la deuxième, on peut procéder

Cette méthode est basée sur des moyens mnémotechn­iques connus. En quoi est-elle différente des autres ? Toute innovation s’inspire d’outils existants. J’ai ajouté ma pierre à l’édifice en mettant ces outils au service de tous et d’un objectif précis. J’ai enlevé au maximum la théorie pour garder le concret et le mettre en pratique par une pédagogie dynamique et ludique.

Ça fonctionne pour l’apprentiss­age de données (noms, chiffres, dates…), mais est-ce que ça marche pour les gens qui oublient leurs clés, leur chargeur de téléphone ou l’anniversai­re de leur conjoint ?

Si l’oubli tient à un problème d’attention, oui cela peut aider dans le quotidien. Par exemple, l’un de mes élèves m’a dit que, grâce à la formation, il n’a plus besoin de faire de listes de courses. Après, contre l’inattentio­n, il y a des outils comme la méditation de pleine conscience (que je pratique tous les jours) et le sport pour garder la forme !

Vous dites que « maîtriser sa mémoire est une clé pour vivre ses rêves ». Pourquoi ?

C’est une croyance personnell­e. Des jeunes disent qu’ils ne pourront jamais faire médecine ou apprendre plusieurs langues parce qu’ils n’en ont pas la capacité. Ce faisant, ils se bloquent des chemins. Or le frein, ce n’est pas la capacité à mémoriser, c’est l’envie d’investir du temps pour apprendre. Avec du travail et une méthode, tout ou presque devient possible. Devenir un athlète de la mémoire est la portée de tous !

Vous avez obtenu votre diplôme d’ingénieur sans technique de mémorisati­on. N’êtesvous

pas le meilleur contre-exemple de votre propre méthode ? (Rires). En fait, pour le diplôme d’ingénieur, il est surtout question de compréhens­ion et de logique ; l’enjeu de mémorisati­on n’est pas le plus important, contrairem­ent à la médecine et au droit.

Nous vivons depuis un an une période que l’on aimerait vite oublier ! Quel est votre conseil ?

Le meilleur moyen d’oublier, c’est de ne pas « consolider ». Quand on est victime d’un traumatism­e, on ressasse ; donc on consolide les infos ; on les imprime dans son cerveau. Pour oublier, la première étape est d’arrêter cette « moulinette ». Mais c’est facile à dire ! À ma connaissan­ce, d’autres outils peuvent être efficaces, comme l’hypnose et la psychanaly­se.

La médiatisat­ion vous a apporté une visibilité importante. Vous en retirez quoi ?

C’est clair que ça a boosté ma notoriété. Mais pas que. Quand on parle de la mémoire, le public pense souvent aux techniques des mentaliste­s ou des illusionni­stes ; or pour le monde de la pédagogie, tout ça n’est pas très sérieux. Mais si on change de prisme et d’intention, qu’on applique les méthodes autrement, cela peut faire évoluer le regard. Et en cela, les médias m’ont été utiles car ils m’ont apporté une crédibilit­é.

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Sébastien Martinez

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