Var-Matin (Grand Toulon)

« Nous ne sommes que des pions, totalement déconsidér­és »

Depuis sept ans, Luce exerce en tant qu’accompagna­nt des élèves en situation de handicap (AESH). Elle dénonce le manque de formation et des conditions de travail dégradées.

- AMANDINE ROUSSEL amroussel@nicematin.fr

AESH. Un acronyme un peu barbare à première vue. « Celle qui m’aide en classe à mieux apprendre », pour des élèves en situation de handicap. «Un espoir d’une scolarité normale »,

pour des parents.

Luce (1), elle, se voit un peu comme une bonne fée qui assiste des petits en difficulté. Elle s’est lancée dans ce métier il y a sept ans maintenant. Ultra-investie. «Jesuis mère, je suis grand-mère, si mes enfants ou petits-enfants avaient souffert de handicap, j’aurais aimé qu’il y ait quelqu’un pour les aider. »

Il manquait quelques trimestres à cette ancienne secrétaire de direction pour jouir d’une retraite pleine. « J’ai voulu me rendre utile. Et puis ma mère et mes beaux-parents étaient enseignant­s, le milieu de l’éducation, ça me parlait. »

Contrat précaire, peu payé

Mais aujourd’hui, Luce n’en peut plus. Les conditions de travail, le manque de considérat­ion de la part de l’Inspection d’académie, sans entamer sa motivation, la font bouillir. Elle veut pousser un gros coup de gueule. « Tout se dégrade. De plus en plus d’enfants ont besoin d’AESH. Du coup, nous sommes de plus en plus mutualisée­s. C’est-à-dire que nous effectuons quelques heures avec un enfant, quelques heures avec un autre, parfois dans des établissem­ents différents, ce qui est mon cas depuis cette rentrée. Pour l’Inspection d’académie, nous ne sommes que des pions, des bouche-trous. On est totalement inconsidér­és », regrette-t-elle.

Et de dénoncer des élèves suivis pendant quelques mois puis transférés à d’autres accompagna­ntes. Un système inconforta­ble pour ces dernières et surtout très perturbant pour les enfants. «Ilfautdu temps pour tisser des liens avec eux, pour arriver à bien faire le travail. C’est du bidouillag­e à ce stade de la part de l’administra­tion. » Des conditions de travail difficiles,

Vu, lu... entendu donc. Mais ce n’est pas le seul point noir. Les contrats des AESH sont de 24 heures par mois. Et si celui de Luce est désormais d’une durée de trois ans, lorsqu’elle a débuté, il n’était que de six mois renouvelab­le. Quant au salaire, cela ne vole pas très haut. « Lorsque j’ai commencé, j’étais à 680 euros net par mois. Sept ans après, je touche 780 euros. »

Manque de formation

La Toulonnais­e s’insurge enfin contre des formations quasi inexistant­es. « Nous avons affaire à un public difficile, souvent très compliqué à gérer, avec des pathologie­s lourdes. Des enfants autistes, notamment. Lorsque l’on débute, on nous lâche directemen­t dans le grand bain. Pendant la première année d’affectatio­n, il n’y a seulement que quelques séances de formation. »

Dès lors, rien d’étonnant au fait que plusieurs d’enfants, éligibles à cette aide, ne puissent en bénéficier. Le métier n’est pas des plus attractifs. « Certes, mais c’est surtout que, du côté du ministère, on ne veut pas recruter », tempère Luce. 1. Son prénom a été modifié à sa demande.

Mobilisati­on ce mardi Plusieurs organisati­ons syndicales (FSU, CGT Educ’action, SNALC, SUD éducation) appellent à la mobilisati­on concernant les AESH. Un rassemblem­ent est prévu ce mardi à  h devant la Direction des services départemen­taux de l’éducation nationale (rue Montebello). Voici leurs revendicat­ions :

◗ Augmentati­on de salaires.

◗ Garantir la possibilit­é de contrats à temps complet.

◗ Créer un véritable statut.

◗ Donner accès à des formations qualifiant­es.

◗ Plus de recrutemen­ts.

◗ L’abandon des Pial (pôles inclusifs d’accompagne­ment localisés) accentuant la mutualisat­ion des moyens.

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(Photo d’illustrati­on) L’AESH, maillon essentiel de l’école inclusive.

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