À bout de souffle
La réforme de la Justice est l’un des serpents de mer de la Ve République et un éternel chantier présidentiel. Dès octobre , Emmanuel Macron en a fait, à son tour, une priorité budgétaire, tout en ouvrant cinq dossiers dont un plan de construction de nouvelles places de prison. Il faut croire que le chef de l’État considère luimême qu’il n’a pas atteint ses objectifs puisqu’il a lancé, hier à Poitiers, des États généraux de la Justice, en secouant, à sa manière, le cocotier judiciaire. Cette consultation devrait durer cinq mois et aboutir à un document de synthèse fait de propositions. Comme tant d’autres, ce rapport finira-t-il au fond d’un tiroir ? Une chose est d’ores et déjà acquise, aucune des suggestions qui seront émises ne pourra être mise en oeuvre avant la présidentielle. Nul doute, cependant, que le chef de l’État, une fois en campagne, défendra l’idée qu’il lui appartient de poursuivre les réformes qu’il a déjà entreprises.
Il est vrai qu’Emmanuel Macron peut surfer sur un bilan chiffré. Comme promis, le budget la Justice a augmenté de % depuis , soit , milliards d’euros supplémentaires
et emplois en équivalent temps plein créés. Si la promesse sur les prisons n’a été tenue qu’à moitié, nouvelles places ont tout de même été ouvertes. Reste que la surpopulation pénale demeure : personnes incarcérées pour places aujourd’hui. Les efforts n’ont donc pas changé fondamentalement une situation très dégradée. Les deux plus hauts magistrats français, Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, et François Molins, procureur général près la Cour de cassation, s’étaient d’ailleurs alarmés, il y a quelques mois, d’« un système à bout de souffle ».
De fait, la France reste malade de sa Justice et figure parmi les mauvais élèves de l’Union européenne dans ce domaine. Alors qu’augmentent sans cesse les contentieux, elle lui consacre , euros par habitant, près de deux fois moins que l’Allemagne, , euros de moins que l’Espagne, , euros de moins que l’Italie ! En matière criminelle, le délai moyen de traitement d’une procédure criminelle y est de plus de ans et demi, selon un rapport du Sénat. Si la question du temps judiciaire peut faire l’objet de bien des débats, il n’en demeure pas moins que, là encore, la France est à la traîne. La Commission européenne pour l’efficacité de la justice estime que le temps médian pour qu’une affaire civile ou commerciale soit close est de jours dans l’UE. En France, il est de jours ! Depuis beaucoup trop longtemps, notre justice fait l’objet de discours et de mesures qui ne la guérissent pas de ses maux. Plus que jamais elle est une priorité dans le pays qui brandit le drapeau des Droits de l’homme.
« Plus que jamais, notre justice est une priorité dans le pays qui brandit le drapeau des Droits de l’homme »