« Sa réussite nous engage »
Président de la FFM depuis un an, Sébastien Poirier se réjouit du probable couronnement de Fabio Quartararo en MotoGP. Un sacre inédit qui va booster la filière française, promet-il.
Dimanche prochain, entre h et h, son regard sera braqué sur le circuit de Misano, théâtre du Grand Prix d’Émilie Romagne. Le virage numéro du championnat du monde MotoGP où Fabio Quartararo jouera sa première balle de titre suprême. Élu le octobre successeur de Jacques Bolle à la tête de la Fédération Française de Motocyclisme (FFM), Sébastien Poirier espère naturellement voir le phénomène niçois toucher au but le plus tôt possible. Car il compte faire bon usage du coup de projecteur provoqué par cette consécration sans précédent. Entre autres en implantant des écoles de pilotage labellisées et en consolidant le parcours vitesse tricolore afin qu’il devienne un vrai tremplin vers le niveau international. « Nous devons être à la hauteur de l’événement », clame le nouveau président âgé de
ans. Moteur !
Vous prenez les manettes de la FFM au moment où Fabio Quartararo et Johann Zarco crèvent l’écran sur la piste aux étoiles du MotoGP. Peut-on dire que vous êtes un président heureux ? Moi, vous savez, je suis heureux de nature. Optimiste en toutes circonstances.
Mais c’est vrai que j’ai une chance historique d’arriver à la tête de la Fédération maintenant, alors que deux pilotes tricolores brillent de mille feux dans la plus prestigieuse des catégories. Quelle que soit la discipline, toutes les fédérations sont portées par leurs stars. Sur le front des Grands Prix de vitesse, nous comptons déjà de nombreux champions aux étages inférieurs.
Le dernier en date s’appelle d’ailleurs Johann Zarco et il est doublement couronné (, , en Moto, ndlr). Aujourd’hui, sauf cataclysme, Fabio Quartararo va toucher au but. On croise les doigts pour qu’il puisse concrétiser son impressionnante domination en MotoGP. En tant que président de la FFM, je suis évidemment très heureux de compter de tels ambassadeurs. Ils vont mettre notre sport en avant durant quelques années. Tout l’écosystème de la moto va en bénéficier dans l’Hexagone.
Fabio, vous le connaissez et vous suivez sa trajectoire depuis combien de temps ? Avant de devenir président, j’ai occupé d’autres fonctions à la FFM.
Je me souviens en particulier d’un Grand Prix de France, en , au Mans, où l’on présentait déjà Fabio comme un extraterrestre. Un joyau pur. Un espoir hors norme possédant un talent rare, des aptitudes extraordinaires. Tous mes interlocuteurs employaient des mots élogieux à son sujet. ‘‘Tu verras, il ira loin, il ira très haut !’’ Finalement, malgré ce fabuleux potentiel, son ascension fut en dents de scie, pas aussi simple que ça. Parce que le sport moto, c’est un milieu complexe. Mais la Fédération Française l’a aidé, épaulé, encouragé, quand il fallait. Pour qu’il puisse gravir les échelons, en Moto, en Moto.
Qu’est-ce qui vous impressionne le plus chez lui en ? D’abord, je trouve qu’il a mûri. II a passé un cap en termes de maturité, dans la gestion de ses courses. Les erreurs commises en ont été analysées, on le sent. Fabio s’est remis en question afin d’optimiser certains paramètres.
Et il a redémarré plus fort. À seulement ans, je le trouve très serein, totalement à l’aise dans ce rôle de leader du championnat du monde phare. Quoi qu’il se passe, on a l’impression qu’il contrôle la situation. Nous l’avons constaté au Grand Prix de Catalogne, entre autres, quand sa combinaison s’est subitement ouverte en course. Ce contretemps improbable en aurait déstabilisé plus d’un. Lui est resté calme, concentré. Il n’a pas perdu ses moyens et est allé chercher de gros points.
Mesurez-vous déjà un effet Fabio sur l’image du sport moto et sur la courbe du nombre de pratiquants en France ?
C’est vraiment difficile de quantifier un tel impact durant cette longue période Covid. Après avoir baissé en , le nombre de licenciés est resté stable entre et . Aujourd’hui, on observe toutefois une augmentation importante des licences
« entraînement ».
Une certitude : avoir un champion qui rayonne de la sorte en faisant la une de journaux nationaux, des émissions de télévision grand public, ça valorise tout notre environnement, nos clubs, nos éducateurs, nos bénévoles... Moi-même, je suis sollicité par la presse économique sur l’effet Quartararo. À travers lui, on peut donc faire passer des messages. Par exemple rappeler que les sports mécaniques génèrent une forte activité économique dans l’Hexagone. On l’a mesurée. Elle pèse , milliards d’euros.
Si d’un côté la FFM profite des performances de Fabio, de l’autre, elle doit se montrer capable de surfer sur cette vague, non ? Absolument ! Sa réussite nous engage. Voilà pourquoi la Fédération a mis en place une politique d’écoles labellisées. Voilà pourquoi la FFM s’est aussi rapprochée du monde du karting, en lien avec nos amis de la FFSA (Fédération Française du Sport Automobile), afin que des minimotos puissent plus souvent rouler sur leurs pistes, comme en Espagne et en Italie. On le sait, de nombreux enfants, filles et garçons, rêvent d’être le futur Fabio ou le futur Johann. Donc on doit être à la hauteur de l’événement. Savoir les accueillir, les guider. Leur proposer une offre appropriée. Bref, leur démontrer que la moto est un sport fantastique qui s’apprend en toute sécurité, de manière apaisée.
Que répondez-vous à ceux qui soulignent que Fabio et Johann ont percé au top niveau parce qu’ils ont grandi à l’étranger, en Espagne pour l’un, en Italie pour l’autre ? D’abord, je dis que l’un et l’autre ont fait leurs premiers tours de roue en France et nulle part ailleurs. C’est près de chez eux qu’ils ont trouvé une structure spécialisée, des gens qualifiés. De quoi découvrir et aimer la moto, débuter leur trajectoire. Ensuite, OK, à l’époque, notre réglementation ne leur permettait pas de participer à des compétitions. Je pense notamment à Fabio. Notre priorité, aujourd’hui, c’est que les jeunes puissent rouler en France plus longtemps. Cela suppose que l’on s’arme de plus de championnats de proximité de qualité où nos meilleurs espoirs pourront se mesurer entre eux. La Fédération vient justement de présenter une refonte du parcours vitesse en quatre étapes, de l’initiation vers le haut niveau. En sachant que l’Espagne demeure aujourd’hui un passage obligé puisque le championnat européen (European Talent Cup) se déroule exclusivement làbas (au sein du puissant CEV, le championnat espagnol de vitesse, antichambre incontournable des GP).
‘‘ Des enfants rêvent d’être le futur Fabio ”
Comment expliquez-vous cette position dominante de nos voisins ibériques ? La différence fondamentale entre l’Espagne et la France, c’est que leur économie participe au sport moto de haut niveau en étant partenaire. Chez nous, on a beaucoup de difficultés à obtenir un accompagnement privé pour faire rouler nos jeunes pilotes les plus prometteurs. À nous d’être meilleurs pour leur vendre le produit, sans doute... Parce qu’il faudrait vraiment avoir plus de teams capables d’engager des espoirs tricolores à l’international.