Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Sandrine Senes passe du show aux chauves

Depuis son retrait de la scène, la Muyoise aiguise sa plume humoristiq­ue entre séries télé et un 1er livre, Je regarde passer les chauves, recueil qui déraille autour de ses observatio­ns dans le métro

- LAURENT AMALRIC

Sandrine Senes fait partie des «flingueuse­s». Cette nouvelle génération de femmes humoristes qui osent tout. Sans tabou. Après des années de one-woman show, la voici qui tourne la page avec un premier livre qui fait chauve au coeur, Je regarde passer les chauves. De tendres chroniques de ses pérégrinat­ions dans le métro, déjà trois fois réimprimée­s. De quoi apaiser son tempéramen­t doux-dingue, poussé au Muy où vit encore son père agriculteu­r, tandis qu’elle alterne les séjours ponctuels entre la maison maternelle de Trans-en-Provence et Paris, où elle a déployé ses ailes sur scène voici 18 ans. « J’ai débuté dans la communicat­ion. Mais j’y officiais sans conviction. Le déclic est survenu avec mes premiers cours de théâtre à Antibes. J’ai rencontré des gens qui me ressemblai­ent. Tout est devenu limpide. J’ai fondé une troupe d’acteurs. C’était du grand n’importe quoi, dans l’esprit des Robins des Bois, mais on s’amusait beaucoup », sourit l’ex-petite Muyoise, biberonnée à De Funès et plus tard impression­née par Valérie Lemercier. La récréation sera de courte durée puisque dès 1997, Sandrine arpente en solo la scène avec des spectacles aux noms aussi ravageurs que Mickey de la tête, Fuckin’ Love ou Il était une folle… « Une fois sur Paris, j’ai été repérée par les responsabl­es des Blancs Manteaux (petite salle de 80 places où débutèrent Higelin, Renaud ou Jacques Villeret, Ndlr) avec un contrat de trois jours par semaine. À l’époque, 40 % des recettes revenaient à l’artiste. Aujourd’hui, il faut payer pour jouer ! », s’agace-telle. Sandrine sème alors des éclats de rire jusqu’à Montréal et son célèbre festival Juste Pour Rire. Au Petit Palais des Glaces aussi où JeanPierre Bigard, frère de…, la programme. «Un homme extraordin­aire. Qui a le coeur sur la main. C’est rare dans ce métier », opine-telle. Comme Chantal Lauby, rencontrée

sur le tournage du Thanato, comédie de 2011 très vite empaillée par la critique. «La première image de Chantal, c’est celle d’une main qui me tend un bouquet de muguet. On ne se connaissai­t même pas. Aujourd’hui, c’est une amie. » L’ex-Les Nuls le lui rend bien, en confiant, en préface de son livre : « Je ne savais pas que ses histoires allaient autant me plaire, me faire voyager, rire ou m’émouvoir ». L’écriture sera la soupape de créativité pour Sandrine lorsqu’elle décide d’en finir avec les planches en 2008… « Le one-woman show, c’est aussi excitant qu’usant et terrifiant. Ça touche quelque chose de profond… casse le corps. Et puis, c’est tellement de pression de devoir faire rire. J’y arrivais plus… », analyse-t-elle. C’est ainsi que l’écriture pour la télé prend le dessus. Faites comme chez vous !, Scènes de ménages, Les Bougon et ces temps-ci, La Petite Histoire de France, Les Ravis de la crèche et Vous les femmes. « C’est un confort d’inventer des vies », respire Sandrine qui, malgré tout, se désole de ne pas voir aboutir son projet de long-métrage co-écrit avec l’acteur-réalisateu­r Sam Karmann. Un tunnel aussi long que celui qui nourrira son premier ouvrage, fines juxtaposit­ions d’observatio­ns sur les rails. « Je me sens bien dans le métro. Comme dans le ventre de ma mère. Quand on va mal, c’est rassurant de voir les malheurs des autres. La misère ordinaire… », dit-elle en scrutant les couples à l’horizon, sujets d’observatio­n d’un prochain opus. « Je vais remonter sur scène pour quelques lectures avec le livre à Antibes. Si ça se passe bien, je réfléchira­i à comment en faire un spectacle en m’appuyant sur de la vidéo », s’aventure Sandrine, encore sur la réserve. « Elle nous manque vraiment. J’ai très envie qu’elle revienne sur scène, plaide la chanteuse Maud Lubeck, comme elle grandie au Muy, puis exilée sur Paris. Pour moi, elle demeure Tata Clown. Quelqu’un qui m’a beaucoup soutenue lorsqu’il a fallu passer le cap difficile de mon second album. Son livre est à son image, drôle et touchant», égrène l’auteure de Toi Non Plus. Résistant aussi dans un monde où l’on ne prend plus le temps de regarder l’autre. Comme un écho lointain à son arrière-grand-père, Henry Senes, sénateur-maire SFIO du Muy, jadis parmi les 80 parlementa­ires qui, le 10 juillet 1940, vota contre les pleins pouvoirs à Philippe Pétain. Avant de quitter la scène. Lui, pour le coup, victime du régime de Vichy, là où Sandrine met une pastille effervesce­nte de gaieté dans nos vies.

La scène, ça casse le corps. J’y arrivais plus...” Le métro me rassure”

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(Photo Luc Boutria)

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