Deux visions de la gauche à départager dimanche
Une gauche tout entière tournée vers le progrès social contre une autre plus soucieuse de réalisme, l’ultime débat de la primaire a figé les positions hier soir. Verdict incertain
On saura, dimanche soir, si cela l’a servi ou desservi. S’il a convaincu ou non… Benoît Hamon se sera souvent retrouvé hier soir à l’épicentre du débat, cristallisant notamment les fractures de la gauche autour de sa proposition de revenu universel. Jean-Luc Bennahmias excepté, ses adversaires se sont collectivement appliqués à démontrer que la mesure serait délicate à financer. L’orthodoxie budgétaire devenue une seconde peau contre un volontarisme social plus rebelle, c’est bien autour de ce clivage que se dénouera la primaire de gauche. Valls, Pinel, de Rugy, Peillon s’inscrivent globalement dans le camp d’une sagesse assumée, l’ancien Premier ministre, droit dans ses bottes, revendiquant d’incarner « une gauche qui reste crédible ». Hamon et Bennahmias dans celui d’un socialisme plus bravache, qui englobe aussi Montebourg, forcément, à quelques subtilités près.
L’exemple d’Hakim
Le chevalier blanc du Made in France a choisi de s’inscrire sur le terrain social à travers l’histoire d’Hakim, qui avait envoyé 380 curriculum vitae en pure perte. «Rebaptisé Stéphane, il a obtenu deux entretiens au bout de cinq courriers seulement », a-t-il raconté. Fort de cet exemple, Arnaud Montebourg veut donc imposer des clauses d’embauche pour lutter contre les discriminations. Qu’on le veuille ou non, c’est inévitablement à travers le prisme des sondages de la semaine, quand bien même on les sait tellement aléatoires, que s’est regardé ce dernier débat. Le tiercé présumé (dans l’ordre Valls, Hamon, Montebourg, ces deux derniers quasiment à égalité) aura-t-il été chamboulé par cette ultime confrontation ? Sans surprise, Valls a fait du Valls, refusant de céder aux diktats de la séduction pour défendre, crânement, un socialisme qui enserre les élans du coeur dans le corset de la raison. Ce positionnement, qui ne cède rien au glamour – c’est un pari – est déjà tout entier orienté vers la présidentielle. Et on aura nettement perçu hier soir que l’ancien Premier ministre s’est construit de solides inimitiés dans sa famille. A commencer par celle de Vincent Peillon, qui ne lui fera à l’évidence aucun cadeau.
Personnalités
Entre Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, les différences existent certes, mais elles sont finalement ténues, on le sait depuis un bail. Hormis leur divergence sur le revenu universel (que Montebourg juge aujourd’hui irréaliste après l’avoir soutenu en 2012), le premier est plus européen, le second plus souverainiste. Cela posé, les électeurs de gauche risquent fort de les départager au feeling. Tel sera plus sensible à la flamboyance de l’ancien député de Saône-et-Loire. Tel, au contraire, plus rétif à ce qui s’apparente chez lui à de l’arrogance. Tel autre appréciera davantage la sincérité d’éternel étudiant qui perce chez le Finistérien Hamon. Tel, à l’inverse, pourra s’inquiéter de son utopie délibérée. Les dés sont quasiment jetés. La principale inconnue résidant, en définitive, dans la mobilisation, dimanche, pour un scrutin dont le futur vainqueur est, pour l’instant, promis à faire de la figuration à la présidentielle.