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En tête du premier tour de la primaire de la gauche, Benoît Hamon est en position de favori. Arnaud Montebourg (e) appelle à voter Hamon. Vincent Peillon (e) ne donne pas de consigne de vote.
Ce matin, Arnaud Montebourg est le dindon de sa propre farce… Le 24 août 2014, encore ministre du Redressement productif, il défiait François Hollande à la Fête de la rose de Frangyen-Bresse. Brandissant sa « cuvée du redressement », il sommait le Président d’infléchir sa politique économique. A l’époque, il se posait comme le rassembleur grandiloquent de la gauche ouvrière et sociale. A ses côtés, Benoît Hamon, pourtant ministre de l’Education, apparaissait comme un lieutenant, un second couteau, presque un faire-valoir. Dès le lendemain, l’un et l’autre étaient priés de quitter le gouvernement.
La victoire du naturel
Deux ans et demi plus tard, on a assisté, hier soir, à la revanche de celui que la flamboyance parfois outrancière de Montebourg reléguait dans l’ombre. Benoît Hamon, sur une dynamique qui se dessinait depuis quelques semaines déjà, s’est qualifié sans coup férir pour le second tour. Par la double force d’un projet radicalement ancré à gauche et d’une personnalité qui n’a pas varié, il a laissé Montebourg scotché, peu ou prou, au même score qu’en 2011. Là où Manuel Valls a cherché à se « socialiser » et Arnaud Montebourg à se « présidentialiser », Benoît Hamon a réussi à rester luimême. Sa simplicité et son naturel, sa fraîcheur et son enthousiasme, largement autant que son programme à l’utopie assumée, ont contribué à sa qualification. A la manière d’un François Fillon, le Finistérien se trouve aujourd’hui dans une position idéale. Quoi qu’on puisse en penser, c’est lui qui a impulsé le débat d’idées, essentiellement autour de sa proposition-fanion de revenu universel. Pour Manuel Valls, a contrario, l’équation s’annonce compliquée. L’ancien Premier ministre a, certes, évité une claque mémorable à la Nicolas Sarkozy, alors qu’il a pourtant cristallisé les attaques contre le quinquennat de François Hollande, dont il est devenu l’incarnation par défaut. Il risque néanmoins de connaître le même sort qu’Alain Juppé, les transferts de voix pour dimanche prochain lui semblant a priori défavorables. En bonne logique, Benoît Hamon devrait, en effet, bénéficier au second tour du report d’environ deux électeurs sur trois d’Arnaud Montebourg qui a, d’ores et déjà, appelé à le soutenir.
Valls dos au mur
Pour imposer sa conviction d’un socialisme plus réaliste, plus sécuritaire, plus autoritaire aussi, dans un affrontement final qui va enfin départager deux gauches, Manuel Valls va d’abord devoir décrédibiliser le revenu universel de Benoît Hamon. Ce n’est pas gagné, quels que soient les doutes sur le financement de cette mesure. On l’a vu fin novembre, Alain Juppé, pourtant plutôt en phase avec les Français sur ce point, n’était pas parvenu à affaiblir François Fillon sur son projet de réforme de l’assurance-maladie. Dans cette primaire socialo-socialiste, Manuel Valls ne peut, en outre, espérer séduire des franges plus centristes de l’électorat, qui ne se déplaceront pas pour lui sauver la mise. Et ce n’est pas le soutien de Sylvia Pinel qui lui sera d’un grand secours, Vincent Peillon n’ayant, de son côté, donné aucune consigne de vote.
Une gauche identifiable
Lors de ce premier tour, les électeurs, si l’on agrège les voix de Montebourg et Hamon, ont majoritairement validé une ligne socialiste pur jus, repliée sur ses fondamentaux. Une «gauche forte», aisément identifiable. En réunissant 1,7 million de votants environ, cette primaire a montré que le Parti socialiste n’était pas encore totalement «ce grand cadavre à la renverse », selon la formule de Sartre reprise par Bernard-Henri Lévy. On est loin, certes, des 2,7 millions de votants de 2011, et plus encore des 4,3 millions du premier tour de la primaire de la droite. Mais à ce stade de son histoire, le PS doit se contenter de satisfactions résiduelles, qui garantissent juste sa survie, pour l’instant.