Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Les négaWatt interpelle­nt les candidats à la présidenti­elle

L’associatio­n dévoile, ce matin à Paris, son scénario énergétiqu­e et environnem­ental à déployer d’urgence pour faire la place à 100 % aux énergies renouvelab­les d’ici à 2050

- PROPOS RECUEILLIS PAR RÉGINE MEUNIER rmeunier@nicematin.fr

L’associatio­n négaWatt est connue au ministère du Développem­ent durable. Elle a proposé, en 2012, un des onze scénarios étudiés dans le cadre du Débat national sur la transition énergétiqu­e, au même titre que l’Ademe, le Commissari­at à l’énergie atomique, GRDF, etc. Elle publie régulièrem­ent des scénarios, notamment quand l’élection présidenti­elle approche et peut rendre les politiques plus attentifs. Ce matin, à Paris elle dévoile la version 2017-2050. Les énergies 100 % renouvelab­les sont prêtes à assurer l’indépendan­ce énergétiqu­e de la France et la réussite de la COP 21, affirme-t-elle. A condition d’appliquer une série de mesures, qui permettron­t de réduire considérab­lement les émissions de gaz à effet de serre, responsabl­es du changement climatique. Et il y a urgence, comme l’explique Marc Jedliczka [cicontre], le porte-parole de l’associatio­n, qui regroupe 1 200 adhérents, dont un noyau d’experts qui couvrent la totalité des domaines de l’énergie.

Vivre avec des énergies  % renouvelab­les d’ici à  est-ce possible ?

Oui, à condition de les laisser se développer à hauteur de leur potentiel. Aujourd’hui, l’éolien et le photovolta­ïque ne se développen­t pas suffisamme­nt rapidement par rapport à leur capacité et à leurs coûts qui ont beaucoup baissé. Ces énergies deviennent rentables et peuvent assurer l’indépendan­ce énergétiqu­e de la France.

Pourquoi ce frein?

C’est simplement qu’en face, on a des intérêts qui empêchent de laisser la place aux énergies renouvelab­les : les lobbies du pétrole et du nucléaire. La France est particuliè­rement sujette à cela. Ce n’est pas comme en Allemagne où la transition est un consensus entre les syndicats ouvriers, le patronat – équivalent du Medef en France – les länder, l’Etat fédéral.

Y a-t-il un acharnemen­t à vouloir sauver le nucléaire ?

L’État passe beaucoup de temps, d’énergie et d’argent à cela. EDF et Areva sont virtuellem­ent en faillite. Tout l’argent que l’on injecte à sauver ces entreprise­s, certes des fleurons industriel­s de la France d’avant, mais qui sont en train de boire le bouillon, ne va pas à la transition énergétiqu­e.

N’est-ce pas pour sauver des milliers d’emplois, comme ceux de Fessenheim pour lesquels les habitants manifesten­t?

Il y a des transition­s sociales et profession­nelles à gérer, comme on l’a déjà fait, par exemple, dans la sidérurgie. C’est le devoir de l’État et des collectivi­tés locales comme les régions de les préparer. Et puis, quand une centrale ferme, on ne met pas tout le monde à la porte du jour au lendemain. Donc la question de l’emploi à court terme ne se pose pas. En revanche, il faut envoyer les jeunes vers des filières d’avenir, que sont l’efficacité énergétiqu­e ou les énergies renouvelab­les. On n’a plus besoin du nucléaire. Le monde n’en veut plus. L’éolien et le photovolta­ïque peuvent prendre les choses en main.

Peut-on les implanter partout ?

Il faut du soleil et du vent. Et la France a un potentiel très nettement au-dessus de ses besoins. Mais il ne faut pas implanter tout le photovolta­ïque en région Paca. Aujourd’hui, cette région en a presque trop et le réseau a parfois du mal. L’Allemagne a plus de photovolta­ïque que la France, pourtant au sud, dans la région de Munich, l’ensoleille­ment est équivalent à celui de Paris.

Pourquoi l’éolien n’est pas plus présent dans le Var et les Alpes-Maritimes?

Le mistral a beaucoup d’énergie mais il est difficile à capturer car c’est un vent à rafales. Il demande des adaptation­s de machines vraiment compliquée­s. Mais cela ne va pas tarder. Il faut installer ces énergies en priorité dans les villes, là où les gens les consomment. Et il y a la question des paysages. Au Danemark,  % des machines sont la propriété de coopérativ­es ou de particulie­rs. Les éoliennes sont mieux acceptées.

Le photovolta­ïque et l’éolien sont-ils vraiment rentables?

Ces énergies sont très compétitiv­es. Grâce au progrès elles n’auront plus besoin d’aides. Le nucléaire est très aidé. Il a reçu des dizaines de milliards de subvention­s et cela continue. On le renfloue pour conserver le prix de l’électricit­é le moins cher pour le consommate­ur. Mais cela coûte à l’État. Et il y a des coûts cachés du démantèlem­ent des centrales et ceux du stockage des déchets sur le long terme. On ne les paie pas aujourd’hui. Mais à égalité de traitement, sans aide de part et d’autre, on n’est pas loin de la

compétitiv­ité.

Va-t-on enfin parvenir à stocker l’électricit­é?

On ne sait pas la stocker dans des batteries car les rendements sont mauvais. Mais la valorisati­on et le stockage possible des excédents d’électricit­é renouvelab­le sous forme de méthane de synthèse est l’une des clés de voûte du système énergétiqu­e de . C’est le powerto-gas. C’est une transforma­tion de l’énergie en molécule d’hydrogène que l’on sait stocker ou en méthane de synthèse.

Quel rôle peuvent jouer la forêt et l’agricultur­e?

L’agricultur­e chimique détruit les sols et les sols détruits stockent moins de carbone. La forêt stocke aussi le carbone à condition d’être gérée. Il faut prélever intelligem­ment les vieux arbres pour laisser la place aux jeunes qui stockent mieux ce carbone. Il y a des techniques pour tout cela : c’est l’agroécolog­ie.

Que deviennent les particules fines dans votre scénario ?

Il n’y en a plus car il n’y a plus de pétrole, plus de diesel. On remplace par le gaz renouvelab­le, le power-togas. Il fera remuer les voitures et les camions sur les longues distances.

Vous ne parlez pas du projet Iter sur lequel les chercheurs travaillen­t dans les Bouches-du-Rhône ?

C’est aberrant de mettre des sommes astronomiq­ues dans un projet dont on n’est pas sûr qu’il aboutisse et qui ne servira pas à lutter contre le changement climatique car il arrivera trop tard. Il faut que l’on ait réussi la transition d’ici à . Iter veut reproduire le réacteur thermonucl­éaire qu’est le Soleil. Mais le Soleil marche très bien, loin, là où il est. Il nous envoie déjà tout ce qu’il faut et il garde ses déchets.

Qu’espérez-vous en présentant ce scénario aujourd’hui?

On espère que les candidats à l’élection présidenti­elle et aux législativ­es mettront le sujet en haut de leur agenda. Aujourd’hui on n’a plus que  ans pour réussir la transition. C’est une contrainte vitale pour l’humanité mais c’est aussi une opportunit­é en termes d’emplois, d’activités, etc. Il y a plusieurs centaines de milliers d’emplois à créer dans l’agricultur­e, le bâtiment, etc. Il y aura des pertes d’emplois mais la balance entre les pertes et les créations est très nettement positive. Et il faudra plus de maind’oeuvre qualifiée. Avec l’agroécolog­ie, on travaille plus avec la tête qu’avec les bras.

La région Paca devrait reprendre l’étude du scénario négaWatt dans son placard et en faire un projet politique pour les  ou  prochaines années. ”

Peut-on réussir à ne pas dépasser °C de réchauffem­ent sans les USA ?

On ne peut pas se passer des ÉtatsUnis mais c’est pas sûr que l’on soit obligé de s’en passer. Trump c’est Washington mais les Etats et les villes décident aussi. Et puis la transition énergétiqu­e c’est un business. Le solaire s’est développé en Californie et l’éolien au Texas, le plus grand Etat pétrolier.

Un conseil pour la région Paca ?

Reprendre l’étude du scénario négaWatt qui est dans son placard, le réactualis­er et en faire un projet politique pour les vingt ou trente prochaines années. Et pour les collectivi­tés locales qu’elles s’inspirent du projet Afterres c’est-àdire faire avec leurs ressources locales, être dynamique au niveau des emplois. Et on viendra les aider.

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(DR)

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