Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Le rêve américain

- VINCENT WATTECAMPS

De Toulon Le Las à la NFL, il n’y a qu’un océan. Que Boris Bede a traversé sans vraiment y penser. Deux mondes, deux sports, deux ballons, mais un même nom. Pendant quinze ans, pour Boris, le football était synonyme de Sporting club de Toulon. Son père, internatio­nal ivoirien ayant foulé la pelouse de Bon-Rencontre à la fin des années 80 sous les ordres de Rolland Courbis, lui avait passé tout minot le virus du ballon rond.

L’Équipe du dimanche venait conclure les week-ends. Les albums Panini se remplissai­ent à chaque passage au bureau de tabac. Et puis le football a remplacé... le football. Le ballon est devenu ovale. Il a fallu enfiler un casque. Compter en yards. Mais le pied de Boris Bede, surpuissan­t, a gardé la maîtrise des événements. « Honnêtemen­t, plus jeune, je ne connaissai­s rien au football américain,

avoue aujourd’hui le Toulonnais avec un léger accent... québécois.

Ce n’était qu’un sport exotique. Moi, je ne pensais qu’au soccer. »

Puissance et précision

Mais la vie en a décidé autrement. Première étape : Boston, aux ÉtatsUnis. En 2005, son brevet des collèges en poche, Boris décide de rejoindre son père, installé de l’autre côté de l’Atlantique. « Je voulais vivre le rêve américain. Partir à l’aventure. Mais j’avoue que le cap a été dur à franchir. » C’est au lycée de Framingham (Massachuss­etts) que Boris Bede va découvrir le foot US. Par hasard. « J’avais un cours de sport, se

souvient-il. Un ami m’a dit d’essayer de taper dans le ballon, comme il savait que j’avais joué au soccer en France. Il voulait voir ce que ça donnait. J’ai tapé une fois, deux fois. Il était bluffé. J’avais à la

fois la puissance et la précision. » Comme dans chaque établissem­ent scolaire aux États-Unis, le lycée compte une équipe de foot US. Mais pas de botteur, depuis que le titulaire du poste se remet doucement d’un AVC. Les Rams de Framingham le prennent à l’essai. Vite transformé. « C’était la meilleure insertion possible, continue Boris. J’arrivais dans le pays, dans le lycée et j’avais cinq ou six amis. D’un coup, grâce au football américain, mon cercle s’est élargi. Je faisais partie intégrante

du lycée. » Des université­s s’intéressen­t vite à ce botteur pas comme les autres, tapant fort et loin. À la fin du lycée, il fait ses bagages pour l’Ohio et l’université de Tiffin, évoluant en deuxième division de NCAA (le championna­t universita­ire américain). L’aventure dure deux ans. Mais Boris doit retourner en France pour faire des papiers. Prévu pour seulement quelques semaines, l’interlude se prolonge un an. À Toulon, Boris fait connaissan­ce de Julie, sa future femme. Et renoue avec sa première passion, le ballon rond. Habile et physique (1,93 m), il rejoint les rangs de Toulon Le Las, alors en CFA. Il fourbit ses armes en défense centrale avec la réserve, en PHB, puis se voit proposer un contrat pour évoluer avec l’équipe fanion. Il hésite. Pas longtemps. Car comme souvent dans la vie de Boris, le destin va mettre son grain de sel.

Seul pour trois postes

« Moi, je voulais avant tout retourner en Amérique pour jouer au football américain. Le soccer, c’était récréatif. Mais comme j’avais quitté l’équipe avant la fin de mon cursus, c’était dur de revenir. Heureuseme­nt, j’avais gardé de bon contact avec mon coach, qui avait quitté Farmingham pour le Canada. Il a fait le lien avec l’université de Laval (à

Québec, au Canada), qui cherchait un botteur. J’y suis allé. » Depuis 2011, le Québec est donc sa nouvelle demeure. Sous le maillot des Rouge et Or, il s’impose comme l’un des meilleurs botteurs du championna­t universita­ire canadien. Il réussit 63 de ses 78 tentatives de field goals, effectue les

coups de pieds de dégagement et les coups d’envoi. Trois rôles habituelle­ment prévus pour trois joueurs différents. Mais Boris tape haut. Est précis. Et comble son manque de constance par une puissance hors norme à ce niveau. Deux titres de champion universita­ire plus tard, le voilà prêt, début 2015, à effectuer le grand saut du profession­nalisme. « J’ai bien grandi à Québec, racontet-il. J’ai compris à ce moment-là que je pouvais faire du football mon métier. » Il n’est pas le seul. Les Alouettes de Montréal, équipe de CFL (le championna­t pro canadien), l’ont dans le viseur. Le recruteur ne s’est pas trompé. Lors du « rookie camp », Boris épate tout le monde et dégoûte le botteur remplaçant. Le titulaire, lui, ne tiendra pas beaucoup plus longtemps. Au bout de quatre matches, le Toulonnais prend les clés du camion. Et enchaîne les prestation­s de haut vol. Pourtant, les Alouettes ne décollent pas. Mais la carrière de Boris Bede, elle, est prête à décoller. Très haut. Très fort.

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(Photos DR et P. Blanchard)
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