Signé Roselyne
Lundi
La soirée électorale du premier tour la primaire de la Belle Alliance populaire (!) fut rocambolesque et Jean-Christophe Cambadélis, le Premier secrétaire de ce qui reste du Parti socialiste, campa en général des armées mortes. La bataille des chiffres de la participation durait encore ce lundi soir et sans doute pour de longues heures, montrant les difficultés d’organisation d’une telle opération pour une structure en dépérissement. Le couple formé par Thomas Clay, le président de la Haute autorité chargé de contrôler le scrutin et Christophe Borgel, le président du Comité d’organisation faisait penser à un duo de comiques, le premier dans le rôle du maître d’hôtel atrabilaire et consterné, le second dans celui du maître de maison dépenaillé et dépassé. On attendait un score serré, il n’en fut rien et une fois n’est pas coutume, félicitons les instituts de sondage qui avaient parfaitement analysé la remontée de Benoît Hamon et le recul de Manuel Valls. La victoire probable de Hamon aura des conséquences bien au-delà de son camp. Il n’est pas douteux que la défaite de la sociale-démocratie symbolisée par le score décevant de l’ancien Premier ministre va exfiltrer vers Emmanuel Macron élus et responsables de la gauche modérée et le mettre en position de figurer au second tour de la présidentielle. Jean-Luc Mélenchon voit surgir sur ses terres de la gauche dure un garçon sympathique épaulé par un Montebourg qui n’a pas barguigné son soutien. François Fillon voit ainsi fuir la certitude annoncée d’être qualifié pour le duel final. Les choses sont aussi plus incertaines pour Madame Le Pen, coincée entre deux FN irréconciliables. Le FN du Sud, identitaire et traditionaliste, était déjà entamé par la ligne politique choisie par Fillon ; c’est au tour de son bastion du Nord et de l’Est, édifié sur la désespérance des friches industrielles, d’être fragilisé par la promesse alléchante d’un revenu universel envoyée à des Français qui ne croient plus ceux qui assurent qu’ils rouvriront leurs usines. Sur le plan idéologique, elle voit disparaître ce qui fait son fonds de commerce conceptuel, à savoir un prétendu UMPS qui voudrait que la gauche et la droite de gouvernement proposeraient les mêmes politiques. A trois mois de l’élection présidentielle, tout devient possible, même les scénarios les plus fous…
Mardi
Il est plein d’enseignements de juxtaposer deux analyses, l’une théorique et l’autre pratique.
C’est ce cheminement heuristique qui nous est proposé par la lecture de la note de David Azéma, ancien responsable de l’Agence des participations de l’État, où il dénonce l’impéritie existentielle de la gestion de l’État actionnaire. Les décisions prises dans le cadre de la fermeture de la centrale de Fessenheim par le conseil d’administration d’EDF, société détenue à % par l’État, viennent à l’appui de ses thèses. David Azéma n’est pas un ultra-libéral déchaîné, mais un praticien qui a constaté sur le terrain les multiples dysfonctionnements entraînés par le mélange des genres. Le clientélisme des élus locaux et la démagogie gouvernementale enchaînent les décisions coûteuses et inappropriées. Les fonctionnaires qui siègent dans les conseils d’administration et qui ne connaissent à peu près rien au fonctionnement d’une entreprise obéissent à des logiques conservatrices alors que le monde est en mutation accélérée. Dépenses inutiles et réformes empêchées, voilà le constat cinglant de David Azéma sur la vache sacrée du fameux État actionnaire, défendu par la gauche, le Front national et une bonne partie de la droite. Pour ceux qui douteraient de ce diagnostic, la décision de fermeture de Fessenheim a tourné à la pantalonnade d’anthologie. La décision a été obtenue par voix contre , la voix prépondérante du président d’EDF Jean-Bernard Levy ayant été obtenue sous la pression
d’airain du gouvernement. Sauf que… l’indispensable décret d’application de la mesure n’a pas été signé par le conseil ! Le conseil se réunira plus tard à cet effet. Quand ? Dans plusieurs années, puisqu’il faut que la centrale de Flamanville soit en service, que les opérations de maintenance du réacteur de Paluel soient terminées et que Bruxelles ait accepté l’indemnisation promise par l’État – au moins millions d’euros. Pendant ce temps, l’Autorité de sûreté nucléaire a donné une autorisation de produire à Fessenheim jusqu’en . Tout ce cirque affligeant n’aura servi qu’à permettre à la ministre de l’Énergie d’assurer que la sortie du nucléaire était en marche. En marche arrière, sans doute…
Mercredi
Incontestablement, le débat pour le second tour a été utile et intéressant, en ce qu’il a permis d’éclairer les profondes lignes de fracture et de valider l’analyse de Manuel Valls sur l’existence de deux gauches irréconciliables. L’étonnement est alors à son comble quand on voit les ralliements engrangés par Benoit Hamon, sauf à considérer qu’ils sont alimentés par la vengeance ou l’opportunisme. La ligne maîtresse de la philosophie politique défendue par Hamon est celle de la fin du travail et de la nécessité, dans ce cadre, d’assurer à tout un chacun un revenu sans
discrimination relative à son état de fortune. Cette vieille lune libérale, avec une arrogance toute aristocratique, soutient finalement que certaines personnes sont incapables de participer à la production de richesses, et qu’il convient de les faire taire avec des allocations pour permettre à la machine capitaliste de fonctionner tranquillement. Donner le même revenu à tous permet aux exclus de ne pas se rendre compte de l’embrouille paternaliste et méprisante dont ils sont les victimes. Sauf à être mu par la rancoeur, le ralliement de Montebourg à ces thèses est donc incompréhensible : il voudrait, pour assurer du travail aux chômeurs, rallumer les hauts-fourneaux, Hamon les cantonne auprès de leur cuisinière. De la même façon, le soutien de Martine Aubry, issue de la branche démocrate-chrétienne, devrait s’opposer à cette vision en contradiction avec la démarche humaniste qui veut donner à chacun la possibilité d’exprimer ses potentialités au lieu d’enfermer les plus fragiles dans une trappe à pauvreté. Il est toujours étonnant de voir les politiques gouvernés par la passion plus que par la raison.
Vendredi
Les révélations du Canard enchaîné sont une véritable catastrophe pour François Fillon et la droite républicaine. La rapidité de la procédure judiciaire est une bonne chose pour le candidat car elle permettra les éclaircissements nécessaires. Si ceux-ci n’étaient pas obtenus dans les prochains jours et à son avantage, sa campagne tournerait au carnage.
« À trois mois de l’élection présidentielle, tout devient possible, même les scénarios les plus fous... »