Rassembler, la délicate mission de Benoît Hamon
Ça tangue au Parti socialiste. La victoire de l’aile gauche à la primaire continue à cristalliser les tensions à l’intérieur du PS entre frondeurs et réformateurs
Tendre la main à la gauche radicale et aux écologistes sans faire fuir la droite du PS vers Emmanuel Macron, amender son projet sans se renier : Benoît Hamon est engagé dans un délicat exercice d’équilibriste, avec pour objectif d’amplifier la dynamique de la primaire. Le député des Yvelines l’a annoncé dès le soir de sa victoire dimanche: il souhaite proposer un contrat de gouvernement aux candidats d’EELV et de La France insoumise, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. Les choses sont allées bon train avec M. Jadot: les deux hommes se sont vus, hier à midi, pour discuter de la création d’une « dynamique » commune en vue de la présidentielle. Chez EELV, les voix plaidant pour un accord avec M. Hamon sont de plus en plus nombreuses, du député Noël Mamère à l’eurodéputée Michèle Rivasi en passant par le conseiller régional Mounir Satouri. En revanche, M. Hamon n’a pas encore prévu de s’entretenir avec Jean-Luc Mélenchon. Mais il a reçu mardi des signaux positifs du chef de file des députés Front de gauche, André Chassaigne, qui a formé « le voeu d’une candidature unique de la gauche antilibérale ». M. Chassaigne s’était opposé au soutien du PCF à M. Mélenchon, approuvé par la majorité des militants [lire ci-dessous] Ces manoeuvres ne sont pas forcément vues d’un bon oeil sur le flanc droit du PS, ni par les candidats à la primaire Sylvia Pinel (PRG) et François de Rugy (Parti écologiste).
En « retrait » de la campagne
Parmi les élus PS, seize députés et un sénateur majoritairement issu du Pôle des Réformateurs ont signé, hier, une tribune où ils affirment se mettre en « retrait » de la campagne de M. Hamon, refusant de participer à « l’aventure aléatoire » d’« une gauche radicalisée », et jugeant « peu rassurante » la main tendue de M. Hamon à M. Mélenchon. « Benoît, si ton ambition – légitime – est effectivement de créer les conditions d’une unité restaurée, celle-ci devrait d’abord s’adresser à tous ces militants et sympathisants qui ne se retrouvent pas dans ton “offre” actuelle », écrivent-ils. C’est l’autre chantier auquel M. Hamon s’est attelé : réunir la famille de « La Belle Alliance populaire », en rencontrant les équipes des candidats défaits à la primaire. M. Hamon pourrait « piocher » dans leurs programmes des éléments susceptibles de nourrir le sien, même s’il n’est pas question pour lui de dénaturer son projet. « Je maintiendrai le cap de ce que j’ai dit », a-t-il promis lundi, tout en s’engageant à « s’enrichir de l’apport » des uns et des autres.
« Mèche lente »
« On ne va pas demander au candidat élu de réécrire son programme », affirme, pour sa part, le sénateur Luc Carvounas, proche de Manuel Valls. « Mais il doit mettre les éléments nécessaires pour rassembler sa famille. Il doit d’abord rassembler les socialistes. Il a jusqu’à dimanche ! » Cette fuite annoncée n’a pour l’instant pas eu lieu, se rassurent les responsables PS. « On est loin de l’hémorragie annoncée. C’est très réduit », s’est félicité le président du groupe PS, Olivier Faure. «On nous promettait une hémorragie vers (M. Macron), depuis ce matin c’est un ruisseau avec +17 retraits+», a ironisé sur Twitter M. Carvounas. « C’est une mèche lente. Il y a quand même eu deux millions de votants à la primaire et Benoît Hamon a eu un score net. Les députés vont voir si sa campagne décolle », a admis l’un des signataires du texte des Réformateurs, Christophe Caresche.