Var-Matin (La Seyne / Sanary)

 : les Espagnols chassés Leur marine est mise en déroute par un archevêque aux îles de Lérins et par la population elle-même à Saint-Tropez ! Deux humiliatio­ns à trois mois d’intervalle !

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Le 24 mars 1637, les pêcheurs du petit port de Cannes n’en croient pas leurs yeux. Regardant en direction des îles de Lérins, ils voient surgir à l’horizon une flotte innombrabl­e. Près d’une centaine de navires de guerre sont là. Jamais ils n’avaient vu chose pareille. Une forêt flottante de mâts et de voiles se dirige vers eux. C’est le cardinal de Richelieu, premier ministre du roi Louis XIII, qui est à l’origine de l’événement. Il a décidé de reprendre ces îles de Lérins aux Espagnols qui les avaient envahies en 1635, au début de la Guerre de Trente ans et a voulu employer les grands moyens. Il a non seulement mobilisé une centaine de bateaux mais également envoyé une armée de deux milliers d’hommes. Des bateaux à fond plat viendront embarquer les soldats et les chevaux sur le rivage cannois et les conduiront sur les îles. La flotte française est commandée par le capitaine Henri de Lorraine-Harcourt. On le surnomme « Cadet la Perle » en raison d’une perle qu’il porte à l’oreille gauche. Ce capitaine est un ancêtre direct de l’actuel prince Albert II de Monaco. Sa petite fille Marie a en effet épousé le prince Antoine II de Monaco, dont la descendanc­e va en droite ligne jusqu’à l’actuel souverain monégasque. L’armée de terre est, elle, commandée par le maréchal de Vitry, gouverneur de la Provence. Pour coordonner l’attaque de la flotte et de l’armée de terre, le cardinal de Richelieu a désigné un commandant inattendu : un archevêque, nommé Henri d’Escoubleau de Sourdis. Tout en étant attaché au diocèse de Bordeaux, cet étonnant homme d’église a eu une formation d’officier de marine et exerce des fonctions maritimes lorsque des occasions exceptionn­elles se présentent. C’est le cas ici. L’ennui est que ni le capitaine de Lorraine-Harcourt, ni le maréchal de Vitry n’apprécient son autorité. Ils en viennent même aux mains avec lui – ce qui conduira le maréchal de Vitry à être sanctionné par le cardinal Richelieu et être enfermé à la Bastille après la bataille des îles de Lérins !

La ruse de l’eau

La prise de ces îles n’est pas simple. Cinq forts sont à conquérir, dont celui appelé Monterey par les Espagnols, sur l’île SaintHonor­at, et le Fort Royal sur l’île SainteMarg­uerite. Les Espagnols disposent de vingt compagnie s de soldats : douze à SainteMarg­uerite, huit à Saint-Honorat. « À l’attaque », décide le cardinal de Sourdis, sabre à la main et soutane au vent! Le 24 mars 1637, la marine et l’armée françaises lancent le débarqueme­nt. Les navires s’approchent des îles, les soldats mettent pied à terre. La résistance est considérab­le. Les canonnades n’en finissent pas. Les soldats français piétinent, tombent sous les boulets espagnols. Au bout de trois semaines, seuls les trois plus petites fortificat­ions ont

été prises. On s’imaginait aller plus vite. Le 14 avril, le fort Monterey cède enfin. Reste le plus important : le fort Royal. S’engage alors ce dialogue entre le comte d’Harcourt et le commandant espagnol Perez, rapporté par l’historien André Castelot: « Messieurs les Espagnols, j’ai avec moi quatre vingt-douze galions et quatre mille soldats ! Vous n’avez aucune chance ! Rendez-vous ! » « Monseigneu­r, je n’ai que Parmi les navires victorieux de la bataille des îles de Lérins figurait le Sainte-Geneviève. Il était commandé par le navigateur explorateu­r Augustin de Beaulieu, célèbre pour avoir parcouru toutes les mers du monde. Peu après la bataille de Lérins, il tomba malade et mourut à Toulon en la même année  de la fièvre jaune à l’âge de  ans. 1 5 /. 6 deux mille hommes, mais à moins d’être un oiseau vous ne pénétrerez ici !»

Ils tentent la revanche à Saint-Tropez

Devant tant de déterminat­ion, les Français décident d’employer des moyens non militaires mais efficaces : bloquer le ravitaille­ment en eau de l’île. Six jours après, les Espagnols sortent, assoiffés, mèches allumées et étendards déployés. Perez se met à genou devant le comte d’Harcourt : « Monseigneu­r, je me rends, je suis heureux et fier d’avoir été vaincu par un homme tel que vous ! » Nous sommes le 12 mai 1637. Les Espagnols n’ont plus qu’à fuir. C’en est fini de leur glorieuse occupation des îles de Lérins. Mises en déroute, vingt-et-une galères rentrent vers leur pays. Leurs marins font grise mine. La guerre de Trente Ans s’est déroulée de  à  au coeur du Saint-Empire Romain Germanique entre les Habsbourg catholique­s et les États protestant­s. La France, bien que catholique, entra en guerre en , contre les Habsbourg pour contrer leur ambition territoria­le. C’est dans ces circonstan­ces que les Espagnols, alliés des Habsbourg, vinrent conquérir les îles de Lérins, pour s’en faire une base en Méditerran­ée. Don

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(DR) (DR et mairie de Saint-Tropez) Le navigateur Augustin de Beaulieu, ici lors d’une de ses expédition­s. L’attaque de Saint-Tropez par la marine espagnole marque la fin d’un printemps  catastroph­ique où ils ont été chassés des îles de Lérins par la marine française dotée...

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