« On ne sait toujours pas d’où vient le père »
Que se passe-t-il donc dans le lit racinaire des arbres qui hébergent la truffe ? Que sait la science sur les mécanismes de sa reproduction et que cherche-telle ? La truffe est un champignon symbiotique mycorhizien, au même titre que le cèpe de Bordeaux, la chanterelle ou la trompette de la mort. Autrement dit, elle ne vit qu’en association avec les racines des chênes, noisetiers, tilleuls, chênes verts ou encore charmes. En se « pacsant » avec eux, elle développe un réseau mycélien. Constitué de petits tubes, il explore le sol, absorbe des éléments nutritifs et les transfèrent à l’arbre, stimulant sa photosynthèse et donc sa croissance. En échange, celui-ci rétribue le champignon en lui apportant les sucres nécessaires à sa croissance et à son fonctionnement.
Un site de rencontre mycélien
Ce réseau mycélien est aussi le site de rencontre des truffes mâles et femelles. Car c’est avéré, explique Francis Martin de l’unité Interactions arbres/micro-organismes de l’INRA Nancy, « les truffes ont une sexualité ». Ce que nous récoltons et mangeons, cette boule noire très parfumée, est le résultat de cette activité sexuelle. « On a découvert dans le réseau mycélien que certains individus se comportaient comme des femelles et d’autres comme des mâles. Les deux peuvent fusionner et construire une structure minuscule. C’est l’embryon de la truffe, que l’on appelle la truffette. Elle mesure moins de 0,01 millimètre. »
Papa où t’es ?
Cupidon pourrait s’ennuyer, tant la nature semble avoir bien fait les choses. Pourtant la truffe a grand besoin qu’il décoche ses flèches. Et pas qu’une ! En effet, on sait que les truffettes naissent au printemps, mais on ne connaît pas les facteurs environnementaux ou génétiques qui conduisent à la rencontre des truffes mâles et femelles.« On n’a aucune idée du facteur déclenchant l’activité sexuelle des truffes. Entre le moment où le trufficulteur va planter un arbre mycorhizé avec des spores de truffes donnant des mycéliums mâles et/ou femelles et le moment où il va en récolter, il peut se dérouler quatre ans, mais le plus souvent six, huit ou dix ans. Et certaines années, au-delà, il ne se passe rien. Pourquoi ? On ne sait pas. C’est peutêtre l’arbre qui donne le signal déclenchant l’accouplement des truffes, mais on ignore comment et quand. Est-ce l’arbre qui parfois ne le donne pas ou ce signal n’arrive-t-il pas jusqu’aux truffes ? Les chercheurs du monde entier n’en ont aucune idée. En fait, aujourd’hui on ne sait toujours pas d’où vient le père », explique Francis Martin.
Des mâles saisonniers
Les individus femelles sont toujours retrouvés en association mycorhizienne avec les racines des arbres. Ce n’est pas le cas pour les mâles, qui ne sont pas pérennes dans le milieu, à quelques rares exceptions. Ils sont saisonniers. Mais alors d’où viennent-ils ? Il n’existe que des hypothèses. Selon l’INRA, ils pourraient venir dans leur grande majorité des spores libérées par la truffe lorsqu’elle est mûre. Mais pour que la fécondation ait lieu, les animaux, notamment les sangliers, les écureuils, campagnols et peutêtre même les vers de terre, joueraient les entremetteurs « en transportant les rares mâles vers les femelles et vice-et versa, permettant ainsi que la belle petite histoire d’amour se déroule et donne naissance à la truffette.» résume Francis Martin. Vénus n’est pas prête à vendre la mèche, promettant de faire payer très cher, pendant encore quelques décennies, les quelques grammes de truffe nécessaires à la brouillade. Cet hiver le cours se situait entre 600 et 1200 euros sur le marché des particuliers à Aups. Il se poursuit chaque jeudi matin jusqu’à la mimars, si la production le permet. De même, le syndicat départemental des trufficulteurs au Rouret, dans les Alpes-Maritimes, fera de la vente directe chaque vendredi de 9 h 30 à 16 h3 0, sur la route d’Opio, jusqu’à la fin du mois.