Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Michel Pacha, héros de roman

L’académicie­n varois Yves Stalloni, inspiré par la vie riche et romanesque du célèbre bâtisseur qui imposa sa vision novatrice de la Turquie à l’Ouest-Var, lui consacre un livre : L’homme des phares

- PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-MARC VINCENTI jmvincenti@nicematin.fr

Auteur d’une trentaine de livres, il consacre son troisième roman au célèbre personnage ouest-Varois. Michel Pacha méritait bien ça ! Yves Stalloni, 72 ans, professeur agrégé de lettres modernes en retraite, membre titulaire de l’Académie du Var, conférenci­er, vient de publier chez Sudarène Éditions L’homme des phares, la vie très riche et très romanesque de Michel Pacha. Il en parle avec passion.

Pourquoi consacrer un roman à Michel Pacha ?

Écrire sur Marius Michel, dit Michel Pacha, est un projet que j’avais depuis longtemps. Une biographie a été écrite sur lui par Jean-Pierre Renau. Elle était un peu sèche et descriptiv­e. Je me suis aussi inspiré notamment du livre Tamaris de Nathalie Bertrand, qui fait référence. Ce que j’ai voulu, c’est essayer de prendre le personnage dans ce qu’il a de vivant, dans son itinéraire, en essayant de mélanger sa vie profession­nelle qui a été très riche et sa vie personnell­e qui a été très tourmentée, marquée par des épisodes malheureux. J’avais aussi des raisons personnell­es de m’y intéresser...

Des raisons personnell­es ?

Mon épouse, née Rouden, est la descendant­e d’une famille qui a été proche de Michel Pacha. Le grand-père de ma femme était le filleul de Michel Pacha et son arrière-grand-père était le capitaine de l’Elodie ,l’undes bateaux de la flottille personnell­e de Michel Pacha. Dans la famille de mon épouse, c’était presque un sujet de vénération.

Il y a une part de sa vie que vous avez romancée...

Avec notamment un séjour durable à Constantin­ople (actuelle Istanbul) où il a vécu pratiqueme­nt dix ans et avec tout ce que représente cette ville fascinante, sa vie est un roman ! J’ai introduit des éléments romancés que j’ai intercalés dans ceux de sa biographie officielle. Je lui prête par exemple une liaison à Istanbul...

Vous êtes allé en Turquie ?

Je me suis rendu deux fois à Istanbul. J’ai retrouvé sa maison, des documents qui m’ont été indiqués par le responsabl­e de l’Institut français d’études anatolienn­es, une alliance française très active...

Le souvenir de Michel Pacha y est-il toujours vivace ?

Oui, mais il n’y a pas de rue ni de

lieu qui rappellent son souvenir, alors qu’il a beaucoup travaillé sur place et qu’outre les phares, il a aussi construit les quais de Constantin­ople. J’ai discuté de l’opportunit­é de nommer un quai à son nom avec la consule de France. Elle m’a dit que c’est quelque chose que l’on devrait faire. Je devais aussi retourner làbas au moment de la sortie du livre, mais l’actualité ne m’invite pas tellement à me rendre à Istanbul...

Vous avez donc mené un gros travail de documentat­ion...

J’ai mené des recherches auprès des mairies de Sanary, de La Seyne. J’ai eu accès à des lettres inédites que m’ont confiées des amis. J’ai rencontré des personnali­tés ; notamment à Tamaris, une vieille dame qui a été gardienne de la propriété de Michel Pacha et de son château, avant qu’il ne soit détruit dans les années . Je me suis rendu à Aix-en-Provence aux archives d’Outre-Mer. Il y a aussi tout le travail concernant sa carrière dans la marine…

Michel Pacha, marin?

Pendant une bonne vingtaine d’années de sa vie, Michel Pacha, a commencé par être marin. D’abord dans la Royale et ensuite dans la marine marchande, dans les paquebots “poste”. J’ai fait venir des documents depuis les archives de la marine à Vincennes (grâce au service historique de la Marine de Toulon). Mon roman a nécessité un an et demi de recherche et six mois d’écriture.

Qu’avez-vous découvert d’inédit ? J’ai notamment exploré les relations de Michel Pacha, sur la fin de sa vie, avec l’un de ses petits-fils (ses deux enfants sont morts prématurém­ent) : Thierry, qui était l’héritier. Mais celui-ci a eu une jeunesse un peu tumultueus­e. Il habitait Paris et, quand il venait à Toulon, il fréquentai­t “les petites alliées”, le quartier chaud de la ville. Et là, c’est assez inédit : par des lettres qui m’ont été fournies par Marc Quiviger (), dans lesquelles j’ai pu prendre connaissan­ce des sottises d’adolescent de Thierry, j’ai lu qu’à  ans, il avait une jeune maîtresse dans les quartiers chauds de Toulon et qu’il l’avait couverte de cadeaux absolument somptueux. L’équivalent de   euros d’aujourd’hui…

Comment l’histoire s’est-elle terminée?

Le grand-père s’est fait du souci pour son petit-fils et il l’a envoyé faire un voyage autour du monde pour le couper de ses relations douteuses et retrouver un équilibre. Thierry s’est remis dans le droit chemin et a fait un très beau mariage avec une descendant­e de la famille De Polignac. Né en , il est décédé dans les années .

Quel personnage était Michel Pacha ?

C’était un entreprene­ur, un réalisateu­r, un bâtisseur qui a gravi les échelons et construit une fortune considérab­le. Une sorte de “Donald Trump” local, la mégalomani­e en moins. Il avait les pieds sur terre, il a été maire de Sanary, de  à  puis de  à , et a entretenu des relations importante­s avec Saturnin Fabre, le maire de La Seyne. Il a fait venir des personnali­tés à Tamaris. Il a par exemple hébergé, dans sa villa L’Orientale, les frères Lumières, qui y ont monté un certain nombre de leurs films.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris chez lui ?

Le personnage dans son aspect visionnair­e. C’est-à-dire cette capacité d’imaginer des choses que personne n’imagine. Par exemple, à  ans, il réalise un exploit extraordin­aire durant la conquête de l’Algérie. Un exploit qui ne paraît pas être compatible avec son tempéramen­t. Par la suite, il se lance dans des entreprise­s colossales qui dépassent une vision humaine : les phares et les quais d’Istanbul, la corniche de Tamaris… Il y a certes un peu de grandeur et de mégalomani­e en lui, mais aussi une dimension prophétiqu­e et visionnair­e, très marquée sur le progrès.

Quel est cet exploit réalisé à  ans ?

Il le réalise devant le port de Djidjelli, en Algérie, une poche de résistance, dans les années . Un assaut par la mer est prévu.

Lors de la nuit qui précède, il se ceint d’un drapeau tricolore, il plonge, rejoint le port à la nage et va hisser le drapeau en haut de la mosquée. La ville a été prise au lever du jour en trois coups de canon…

Vous évoquez aussi des épisodes tragiques...

En , son épouse est assassinée de façon absurde dans le cimetière de Sanary, alors qu’elle allait se recueillir sur la tombe de ses deux enfants, morts brutalemen­t et prématurém­ent. C’est un petit-neveu qui, atteint de démence, lui tire trois balles de pistolet à bout portant.

Vous lui rendez un superbe hommage...

L’objectif est aussi de réchauffer l’associatio­n des Amis de Michel Pacha, un peu au point mort. C’est un des descendant­s de sa deuxième épouse qui en est à l’origine. Avec Nathalie Bicais, conseillèr­e départemen­tale, sensibilis­ée au sujet, on a décidé de continuer à développer la mémoire, le souvenir et l’action de Michel Pacha. Pourquoi pas avec un musée à Tamaris ?

Entreprene­ur, bâtisseur et visionnair­e”

1. Président de l’office seynois de la culture et l’archéologi­e, membre de l’académie du Var et directeur de publicatio­n des Cahiers seynois de la mémoire.

L’homme des phares,Yves Stalonni (Sudarène Éditions, 312 pages, 19 euros). Yves Stalloni est l’invité d’un café philo animé par Laurence Vanin, à la librairie Charlemagn­e à Toulon (50, boulevard de Strasbourg), ce mercredi 15 février à18h.

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 ?? (Photo Dominique Leriche) ?? Yves Stalloni, ici à la villa Tamaris, à La Seyne, vient de consacrer un roman à la saga de Michel Pacha : L’homme des phares.
(Photo Dominique Leriche) Yves Stalloni, ici à la villa Tamaris, à La Seyne, vient de consacrer un roman à la saga de Michel Pacha : L’homme des phares.

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