Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La mise au point

En marge de son meeting toulonnais, près de 300 personnes ont manifesté contre les propos d’Emmanuel Macron sur la colonisati­on. « Je vous ai compris », leur a-t-il répondu à la tribune

- SIMON FONTVIEILL­E sfontvieil­le@nicematin.fr

En meeting au Zénith, le candidat d’En Marche ! est revenu sur les polémiques de la semaine. Un rassemblem­ent, composé de pieds-noirs et de membres du FN, a joué les perturbate­urs. Reportage au coeur du réseau des « marcheurs » varois. Hier matin, Emmanuel Macron a répondu aux questions de nos lecteurs.

IToulon.l est un peu plus de 15 h, devant les grilles qui mènent au Zénith de La Marseillai­se retentit. Des porte-drapeaux d’associatio­ns patriotiqu­es, étendard bleu-blancrouge au vent, font le forcing contre les policiers. Plus tout jeunes, mais non moins déterminés. Derrière eux, la foule pousse. Pêle-mêle, des pieds-noirs, des harkis, leurs descendant­s, ou encore des militants nationalis­tes ou membres du Front national… Ils poussent, ils veulent voir Emmanuel Macron. «Macron en prison! Macron en prison!», crie un homme. Un policier reçoit un gnon, un autre perd son calot dans la bousculade.

Souvenirs et FN

Quelques giclures de gaz lacrymo partent, touchant au passage un ancien combattant. Les policiers repoussent la foule, ferment le portail. Les pieds-noirs ne pourront pas aller bavarder avec l’ancien ministre de l’Économie. « La police est contre les Français! », hurle David, du Parti de la France, avant de traiter les militants pro-Macron de « collabos ».« Arrêtez de dire ça, les policiers ont des ordres! », tente une vieille dame pour le calmer. « Bon, on n’est pas rentré, je ne suis pas content! lance, goguenard, Manuel Fernandez, ancien combattant qui a ressorti l’uniforme pour l’occasion. On voulait voir M. Macron pour lui dire que ce qu’il a dit sur l’Algérie, c’est faux ! » Non, décidément, les paroles d’Emmanuel Macron, qualifiant le 14 février dernier sur une chaîne algérienne la colonisati­on française en Algérie de «crime contre l’humanité» ne passent pas chez les pieds-noirs. Alors, pour le grand raout toulonnais du candidat à la présidenti­elle, ils étaient près de 300, réunis à l’initiative d’Hervé Cuesta, président du collectif « Non au 19 mars 1962 » à protester contre le leader d’En Marche! Un manifestan­t concède qu’il est prêt à reconnaîtr­e l’existence d’«injustices» à l’encontre des population­s musulmanes du temps de la puissance coloniale française, mais le « crime contre l’humanité », non, ça ne passe pas. «Un crime contre l’humanité, c’est Hitler et les nazis, Staline et les bolcheviqu­es! », s’étrangle Jean Fichera, Toulonnais de 70 ans. « Mon père venait de Constantin­e, lâche Jean-Luc. Et lui, à 20 ans, il a fait le débarqueme­nt de Provence et est remonté jusqu’en Allemagne! »

Le général Piquemal présent

Les nerfs sont à vifs, les souvenirs encore frais chez certains. « Le5 juillet 1962, à Oran, j’avais 4 ans et demi quand les Européens se sont fait massacrer après le cessez-le-feu… souffle Patricia, une fonctionna­ire. J’ai vu des gens se faire égorger dans la rue et l’armée avait l’ordre de rester dans les casernes. J’ai fait des cauchemars jusqu’à 15 ans ! » Dans la foule, on croise des anciens de l’OAS et quelques « célébrités », comme l’ancien général Christian Piquemal. «Ce qu’a dit M. Macron, ça revient à dire que 64 millions de Français sont des criminels contre l’humanité! On va porter plainte!», lance l’ancien gradé, alors que retentit le chant des Africains. Pas mal d’élus frontistes sont également de la partie, comme le conseiller municipal FN Amaury Navarranne. Et, même si Hervé Cuesta avoue qu’une partie des tracts a été financée par le FN, Jeanne Etthari, fille de harki et présidente de Mémoire Unité Dignité des Rapatriés d’Algérie (MUDRA), jure que ce parti n’a pas récupéré la manifestat­ion. Des pieds-noirs de gauche ont aussi fait le déplacemen­t. «J’ai même aperçu quelques communiste­s», lâche, les larmes aux yeux, le militant socialiste Hervé Bertolotti, natif d’Alger. À la fin de son meeting, Macron a reconnu avoir blessé de nombreux pieds-noirs. Et, paraphrasa­nt De Gaulle, a lancé à leur adresse : «Je vous ai compris!». Pas sûr que ce soit à leur goût…

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(Photos Blanchard/Boutria) « Crime contre l’humanité » : le mot qui ne passe pas pour les pieds-noirs, réunis avec des représenta­nts du Front national à l’entrée du meeting, hier. « Vous êtes des courageux ! Vous êtes venus jusqu’ici alors que dehors il y en avait qui ne...

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