Bienvenue dans la coopérative macroniste du Var
Sur environ 3 000 adhérents d’En Marche !, 600 se sont regroupés dans le Var en comités locaux afin de formuler des propositions au candidat. Immersion dans le royaume de la synthèse
C’est un grand meeting autour d’une trop petite chaire, où le tour de table oublie le retardataire. Ce jour-là, l’élection présidentielle a alpagué l’ouest toulonnais, au carrefour de l’église NotreDame-des-Routes. Le ciel est gris mais la lueur jaillit de l’intérieur d’une chaumière cossue, nichée sur les contreforts du baou des Quatre-Oures. «Nous allons commencer l’atelier du plan de transformation d’Emmanuel Macron. » À 14 h 15 pétantes, Gilles Vautrin, lunettes carrées, chemise bleu ciel et cardigan gris, ouvre le bal, le nez collé à son cahier à spirale. Face au propriétaire du pavillon, une assemblée de seize âmes attend son heure, carnet et stylo en main. Entre les murs blancs du salon, des quinquagénaires en majorité, quelques retraités mais aussi un adolescent, deux pères de famille et trois minots qui jouent à la console de jeux vidéos sur le canapé, ne feignant même pas de tendre l’oreille lorsque les grands parlent d’avenir. « Après l’éducation, le travail, la santé, la solidarité, l’Europe et la vie démocratique, poursuit le responsable du comité local 287, nous vous proposons cette semaine un atelier sur l’environnement. »
Une base qui « monte tous les jours »
Le comité local, c’est la première plate-forme de l’usine Macron à la portée de l’internaute qui désire s’engager. Le père fondateur du mouvement à Toulon ne sait pas combien bûchent autour de lui. « Bandol, Sanary, des comités se forment un peu partout, je crois qu’il y en a une quinzaine dans le grand Toulon, mais je n’ai pas le nombre exact… » Son groupe compte « 79 membres. On était une dizaine en novembre, depuis janvier ça monte tous les jours… » Comme ses adhérents, Gilles est un déçu des partis traditionnels. Lorsque «l’homme providentiel» est apparu, l’ancien employé de banque s’est levé et a pris le destin en route. « J’ai participé à la campagne Ségolène (Royal) en 2007, j’ai adhéré au Parti socialiste pour 20 euros. Je ne suis resté que deux ans. La cellule toulonnaise ne vivait pas, zéro réunion, zéro dynamique. Là, c’est moi qui créé le mouvement ! » Gilles est désormais débordé. Il oeuvre « à mi-temps » à l’organisation des tractages, collages et conseils de sages à domicile. « Si c’est exigeant? Non, non, réfute AnneMarie, son épouse, dans un large sourire. On a l’habitude de recevoir, je suis moi-même très impliquée dans une compagnie de théâtre. » Sous les aquarelles provençales, chercheurs, cadres, indépendants et employés refont le monde dans une atmosphère de salon de thé. On se tutoie, on s’appelle par son prénom, on baragouine parfois en anglais ou en abréviation. Mais l’invitation est minutée. « On va passer à l’atelier, je vais vous lire la méthodologie, poursuit le délégué. Ensuite on se divisera en trois sousgroupes, l’un ira dans la cuisine, l’autre restera dans le salon, le troisième ira au rez-de-chaussée…» « Avec Macron, nous ne sommes pas dans un système pyramidal, c’est-à-dire qui part du haut pour diffuser vers le bas, martèle Sylvie, une enseignante pointilleuse. Là, on construit un programme progressivement, en tenant compte des idées, avis, aspirations. Le contrat avec la Nation est en train de se réaliser à travers l’échange d’idées entre la base et celui qui va la représenter. »
« J’ai préparé des fiches »
Jusqu’au 2 mars, date de publication du fameux projet, Gilles fera tourner la coopérative toulonnaise avec le même entrain. «Des questions ? Ça va ? Eh ben on se divise en trois. Là on est un, deux, trois…» « Attends, t’as pas lu le “diag”…» « Pardon, je suis allé trop vite. Qui veut lire le diagnostic ? Sur les questions posées, notez bien les interrogations ouvertes, les phrases sujetverbe-complément dont on discutera à la fin. En cas de vote, j’ai préparé des fiches. » L’analyse en faveur d’«une vraie politique d’investissement dans les énergies renouvelables » tombe une
heure plus tard. Le formulaire liste aussi les présences, ainsi qu’un bon « yes » pour la réduction de la part de nucléaire dans l’électricité. La contribution éclairée des Quatre-chemins des Routes remonte la chaîne de production Macron. « Le soir, je reçois un e-mail en retour que je redéploie à l’ensemble des participants et des autres comités. Naturellement, il peut y avoir des synthèses contradictoires. Il y a synthèse et synthèse… » Loin des projecteurs du Zénith, Gilles a déjà rangé le mobilier en bois. Sa prochaine réunion, ce jeudi à 20 h 30, est déjà en marche.