Signé Roselyne
« L’invitation de Nicolas Sarkozy est aussi une sorte d’hommage à la résilience de François Fillon. »
Lundi
Je sais bien que l’incompétence et les cafouillages de la nouvelle maire de Rome, Virginia Raggi, n’intéressent pas grand monde dans notre pays légitimement braqué sur les rebondissements de la campagne présidentielle. Pourtant, il y aurait bien des enseignements à tirer en ce jour où son adjoint à l’urbanisme, Paolo Berdini, présente sa démission pour avoir dénoncé l’amateurisme de sa patronne. On ne compte plus les bévues et les errements de cette dernière qui avait pourtant été présentée par le chef du parti populiste étoiles, Beppe Grillo, comme la vitrine de sa capacité à gérer l’Italie et celle qui nettoierait les écuries d’Augias d’une administration romaine gangrenée jusqu’à l’os par la concussion et l’endettement. En huit mois, elle a fait pire que ses prédécesseurs et ce sont maintenant les juges qui sont à ses trousses. Aux États-Unis, Donald Trump s’englue dans les pires difficultés en étant incapable de recruter des collaborateurs crédibles et fiables. Son conseiller à la sécurité intérieure, Michaël Flynn, a pris contact avec les autorités russes dans le dos de l’administration Obama, alors que Trump n’était pas encore en fonction, ce qui ne relève pas seulement de l’incongruité mais de la haute trahison. Dans les deux cas – fort différents certes – on relève la difficulté d’un élu issu de la société civile à appréhender l’extraordinaire complexité de l’administration d’un état ou d’une grande collectivité territoriale. Celle-ci exige de mobiliser à ses côtés plusieurs milliers de hauts fonctionnaires loyaux et compétents. Ni Virginia Raggi ni Donald Trump n’avaient pris la mesure de leurs postes et constitué le vivier indispensable à cet effet. Il n’est pas douteux que Madame Le Pen ou Monsieur Mélenchon, s’ils étaient élus, seraient confrontés aux mêmes enclouures. On demande continûment aux candidats avec quelle majorité parlementaire ils gouverneraient mais il est curieux de constater qu’on ne leur demande jamais avec quels préfets, quels ambassadeurs, quels directeurs d’administration centrale, quels membres de cabinets ministériels,
ils assumeraient une tâche qui ne se résout pas aux coups de menton des conférences de presse mais se déploie dans la quotidienneté d’un labeur épuisant et ingrat.
Mercredi
François Fillon déjeune avec Nicolas Sarkozy dans ses bureaux de la rue de Miromesnil. Les journalistes sont massés devant le lourd portail rouge et les chaînes d’info diffusent en continu les images de la voiture de l’ex-Premier ministre s’engouffrant sous le porche. Quand va-t-on cesser ce degré zéro de l’information nous assénant jusqu’à l’écoeurement des séquences totalement sans intérêt qui installent nos pauvres scoliastes devant les lieux de pouvoir pour faire croire aux gogos qu’ils sont au coeur de la machinerie des secrets ? De même, les commentaires vont bon train et présentent quasi unanimement cette entrevue comme une allégeance désespérée du candidat de la droite pour relancer une campagne chaotique. Voire. L’invitation de Nicolas Sarkozy n’est pas, elle non plus, sans arrière-pensées puisqu’elle lui permet de revenir dans un jeu politique dont il était sorti d’une manière humiliante en étant massivement rejeté par son propre camp. Mais elle est aussi une sorte d’hommage à la résilience de François Fillon. Ce ne sont pas les ennuis judiciaires de celui-ci qui sont de nature à effaroucher celui qui est l’objet de multiples procédures. Rappelez-vous : il n’y a pas si longtemps, Sarkozy et ses lieutenants présentaient Fillon comme un pleutre, avançaient doctement qu’il n’irait pas au bout du processus des primaires et qu’il plierait le genou devant l’imperium de leur maître. Aujourd’hui, ils restent éberlués devant la résistance acharnée de celui qu’ils méprisaient. L’inviter est donc aussi pour Sarkozy une façon de lui dire qu’ils sont du même bois et que le combat politique n’est pas fait pour les freluquets qui doutent d’eux-mêmes.
Vendredi
Lors d’une visite en Algérie destinée à asseoir sa stature présidentielle, Emmanuel Macron a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ». Il convient évidemment de resituer ce propos dans l’ensemble de la déclaration puisque le candidat d’En Marche ! convient ensuite que la démarche colonisatrice a été menée aussi à des fins bienveillantes et utiles. Néanmoins les mots ont un sens et le terme de « crime contre l’humanité » est maintenant défini par des textes solides comme la Charte de Londres qui fonde l’action du Tribunal de Nuremberg ou le Statut de Rome qui crée la Cour pénale internationale. Il s’agit bien de l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation de groupes humains. On comprend alors l’indignation des pieds-noirs qui se voient assimilés aux bourreaux nazis mais également celle des déportés et de leurs familles à qui l’on dit implicitement que les indéniables injustices de la colonisation seraient de même nature que les abominations de la Shoah. Il est aisé également d’apercevoir qu’une telle qualification entraîne la traduction devant le tribunal de l’Histoire de personnalités qui font largement consensus dans notre roman national. J’attends donc avec intérêt l’association qui va demander qu’on débaptise les innombrables écoles et boulevards qui portent le nom de Jules Ferry ! C’est donc une faute qu’a commise Emmanuel Macron et il faut qu’il en convienne. Ceci étant posé, il est curieux là encore de constater que la colonisation est toujours présentée comme un crime de l’homme occidental contre des populations africaines, asiatiques ou amérindiennes. Ce processus de conquête des territoires et des richesses est pratiqué depuis que le monde est monde et les mêmes pays ou groupes ethniques qui s’estiment en être les victimes l’ont largement pratiqué à leur profit. La repentance ou les excuses ne sont donc pas une démarche recevable et nous n’héritons pas des fautes de nos pères. En revanche, la condamnation de la colonisation doit être faite sans faiblesse dans une démarche de progrès des droits humains et de respect mutuel du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Samedi
Ouf ! Il paraît que Benoît Hamon a eu Jean-Luc Mélenchon au téléphone. Voilà qui a de quoi nous réjouir : enfin une éclaircie réconfortante dans les ténèbres de l’actualité...