Trente ans après…
Ses souvenirs, Jean-Claude Muesser nous les a récemment confiés chez lui, à Sanary, autour d’un café. Alors, pour illustrer tout ça, quoi de mieux qu’une séance photos sur son ancien lieu de travail ? Ce qu’il a accepté. Quelques jours plus tard, on s’est donc retrouvé au pied du pont. Mais l’oeil de “Quinquin”, d’habitude plutôt rigolard, avait changé. Un peu bousculé, le pilier… « J’étais jamais revenu là depuis la fermeture des chantiers. Ça fait trente ans… Ça remue un peu. » Passée l’émotion, vint la (re)découverte des lieux. «La taille du contrepoids! Il fallait bien ça pour supporter cette masse ». Et l’impressionnante salle des machines, aujourd’hui figée : « Ça me rappelle un jour où l’automatisme est tombé en panne et qu’il a fallu le remonter manuellement. C’était balaise. Tout le monde s’y est mis. Ça a mis un peu plus de temps que les deux ou trois minutes habituelles… » Il a aussi feuilleté avec attention le livre que les dames de l’accueil au rez-de-chaussée lui ont tendu. Revu de vieilles têtes. Ravivant d’autres souvenirs. Comme le dernier directeur des chantiers «qui adorait le rugby… mais qui était mariolle quand on était au boulot ». Comme tous ces superbes bâtiments qu’il a vus sortir des chantiers. Comme quelques soirées mémorables organisées pour les plus gros clients, auxquelles il a eu la chance de participer. Ou comme quand Môssieur Quinquin, jeune chauffeur de la direction, a dû vite fait aller se trouver un costard tout blanc pour pouvoir se rendre à la soirée d’un certain Eddie Barclay. Le souvenir des luttes syndicales, aussi. Et cette humilité d’admettre aujourd’hui que, grâce à l’aura que lui conférait son statut de “star locale” de l’ovalie, il avait certainement eu plus de chance que certains collègues… référence silencieuse aux victimes de l’amiante. Puis, de tout là-haut, il a pris le temps d’admirer la vue. Lui qui ne montait si haut qu’occasionnellement, pour vérifier que tout tenait bien. «A l’époque il n’y avait pas l’ascenseur, seulement une petite échelle. Il fallait mieux pas regarder en bas». Il a contemplé encore un peu, a même ‘‘tapé’’ la photo, avant de se promettre de revenir plus souvent voir la Veille Dame seynoise. Sans rire.