Toulon : compte à rebours pour Henri Nyamsi
Placé en centre de rétention depuis début janvier, ce Camerounais en situation irrégulière risque l’expulsion. Sa compagne, enceinte de deux mois, remue ciel et terre pour qu’il reste en France
Début d’année cauchemardesque pour Camille Barial. Depuis le 10 janvier, cette auxiliaire de vie toulonnaise de 28 ans vit dans l’angoisse de voir son compagnon reconduit à la frontière. Ensemble depuis deux ans, le couple regardait l’avenir avec optimisme, dans l’attente d’un heureux événement. « Je suis enceinte d’un peu plus de deux mois », confie la jeune femme. Mais le temps s’est arrêté le 10 janvier dernier sur un quai de la gare SaintCharles à Marseille. À l’issue d’un contrôle de routine. Le seul tort d’Henri Nyamsi, Camerounais de 38 ans : ne pas avoir de titre de séjour valide.
Conditions de rétention déplorables
« Mon compagnon vit en France depuis 2011. Il est arrivé clandestinement à Marseille par voie maritime depuis le Maroc. Parcours classique. Il n’a pas de casier judiciaire et est venu en France (où sa soeur et un cousin sont déjà installés) pour améliorer sa vie », raconte la jeune femme. Sans passeport, sans titre de séjour, Henri Nyamsi a aussitôt été placé dans le centre de rétention administrative du Canet à Marseille.
(1) Par deux fois, d’abord le 12 janvier, puis le 9 février, la juge des libertés et de la détention a décidé de maintenir Henri Nyamsi dans le CRA phocéen. Un établissement «à l’hygiène déplorable, touché par la surpopulation » dénonce Camille Barial. Et d’en remettre une couche : « Pour éviter que la réalité du centre soit révélée au grand jour, les smartphones équipés de caméra sont confisqués. Il a fallu que je rachète un portable basique pour pouvoir communiquer avec mon compagnon ». Les rencontres physiques, elles, se limitent à 15 minutes par jour à peine…
Santé précaire
Si elle remue ciel et terre pour éviter la reconduite à la frontière de son compagnon, Camille accuse le coup et s’est mise en arrêt de travail pour dépression. Henri Nyamsi ne va guère mieux. «Il souffre depuis longtemps d’une hernie abdominale et a dû être amené à l’hôpital nord de Marseille ce week-end ». À ce sujet, Camille Barial accuse l’administration de ne pas faire preuve de beaucoup d’empathie. «Trop récente, ma grossesse n’est pas prise en compte. Avec Henri, après deux ans de vie commune, on avait l’intention de nous marier. Mais ces arguments ne pèsent pas lourd et l’expulsion semble inévitable». La date butoir est fixée à ce vendredi soir. L’avocat du couple, maître Godfry Kouevi se veut plus optimiste. « Pour l’heure, les autorités consulaires camerounaises n’ont pas délivré de laissez-passer. Pas même l’ambassade à Paris auprès de laquelle la police aux frontières a visiblement tenté de faire pression. Le temps joue en notre faveur. L’expérience me fait dire que mon client sera remis en liberté à l’issue du délai maximum légal de 45 jours de rétention ». Spécialiste en droit des étrangers, Bruno Bochnakian, avocat à Toulon, va d’une certaine façon dans le même sens. « Statistiquement, les personnes en situation irrégulière sont reconduites à la frontière dans les dix premiers jours de rétention ». Dans l’espoir d’influer sur la décision qui décidera de leur sort, plusieurs personnes retenues au centre de rétention administrative, dont Henri Nyamsi, ont entamé une grève de la faim hier matin. 1. Ces deux derniers jours, à plusieurs reprises, nous avons essayé – en vain – d’entrer en contact avec le centre de rétention en question, ainsi qu’avec le responsable de Forum réfugiés, association qui vient en aide aux personnes retenues.